• Personne ne se hasarde à faire des projections sur une période aussi longue.

    Même sur un siècle il est difficile de prévoir.

     

    Il demeure possible cependant de faire quelques prophéties sur l’avenir économique et politique de tel pays ou de tel continent. Les grandes puissances ont des chances de garder une avance dans tous les domaines, et les pays pauvres, même s’ils finissent par connaître une amélioration de leur sort, ne pourront pas rivaliser avec les riches et les puissants.

    Il y aura encore des tremblements de terre meurtriers et des catastrophes naturelles rendues plus dramatiques par le dérèglement du climat à la suite du réchauffement de la terre

    De nouvelles découvertes continueront de transformer la vie des hommes dans leur confort et dans leurs rapports les uns avec les autres.

    Nous pouvons continuer d’énumérer ainsi un certain nombre de quasi évidences.

    Mais, quand nous parlons du vingt et unième siècle ou du troisième millénaire, est-ce bien cela qu’il est le plus important de savoir ?

     

    La question qui nous occupe est celle du devenir de l’homme.

    Que sera l’homme dans cent, mille ou deux mille ans ?

    L’environnement qu’il se sera donné grâce aux moyens mis à sa disposition multiplieront ses échanges et modifieront ses habitudes.

    Il sera le même, mais il le sera dans un contexte différent.

    Il aura une masse considérable de données à sa disposition. Qu’en fera-t-il ?

    Sera-t-il toujours assoiffé de puissance et de pouvoir ?

    Les peuples en seront-ils encore à revendiquer quelques îlots perdus en mer ou de quelques hectares de terre, seront-ils prêts à déclencher une guerre pour s’en emparer ?

    Tandis que les brassages entres les populations n’auront sans doute fait que s’accroître, les hommes de demain demeureront-ils réticents et racistes devant l’étranger ?

    Les religions joueront-elles un rôle d’apaisement, de libération, de conscientisation et de paix entre les peuples ou seront-elles un nouveau pôle d’opposition et de conflit ?

    Les hommes continueront-ils de faire des progrès dans la torture, les pogroms, le sadisme et la barbarie ou utiliseront-ils leurs nouvelles connaissances pour développer la culture, adoucir les souffrances des malades, conquérir pacifiquement les planètes et tout simplement donner à chacun son pain quotidien ?

    Les enfants auront-ils droit à une famille ?

    La pauvreté sera-t-elle abolie et déclarée hors la loi ?

    Chacun aura-t-il la possibilité de parvenir à son plein épanouissement ?

     

    La réponse à ces questions est déterminante pour le siècle et le millénaire à venir.

    Il est à craindre que l’homme reste ce qu’il est trop souvent : un loup pour l’homme

    Il est à craindre que ce que nous appelons le péché continue de produire ses effets mortels : haine, violence, domination, semant terreur et mort dans une humanité surpeuplée.

    Il est à craindre que les guerres ne cessent pas ni l’exploitation des pauvres par les riches ni l’arrogance des puissants ni l’asservissement des faibles.

    A moins que de nouveaux prophètes se lèvent dans les différentes grandes religions pour prendre la défense de l’homme image de Dieu et rompre ce maillage maléfique.

    A moins que des hommes et des femmes refusent que l’humanité continue de suivre ses instincts les plus primitifs et réussissent à convaincre les générations à venir que le salut - c’est-à-dire la liberté, la justice et la paix - ne peut venir que de la vie spirituelle.

    De tels hommes et femmes se manifesteront demain comme hier. Seront-ils écoutés ? L’attention qui leur sera portée dépassera-t-elle le simple intérêt poli, laissant seulement un souvenir ému ? Ne seront-ils rien de plus que le sillage d’une étoile dans le ciel noir ?

    Mais si, au lieu d’un ou deux prophètes, il s’agissait d’un peuple ? un peuple entier qui témoignerait de son refus de voir plus longtemps l’homme piétiné et défiguré ?

     

    Dans les siècles à venir, l’homme tentera d’atteindre ce à quoi il est appelé. Il le fera en inventant et en détruisant. Il tentera de se rendre maître du monde, et il redécouvrira qu’il n’est d’autre voie digne de l’homme que sa destinée spirituelle d’enfant de Dieu.

     

    fr. André LENDGER

    2 janvier 2000

     

     


    votre commentaire
  • Qu’est-ce qui fait la différence ?

     

    Nous nous en tenons, la plupart du temps, à l’apparence : celui qui est inséré travaille et a une famille. Au contraire, celui qui est exclu n’a pas de travail et ne fonde pas une famille et s’il en fonde une, elle pose des problèmes sociaux. Se retrouvent exclus le délinquant, le SDF, le violent, l’alcoolique, et tous ceux qui gênent l’ordre.

    Tentons une autre approche en approfondissant les caractéristiques propres à l’insertion pour mettre en lumière ce qui crée l’exclusion et fait des exclus.

    La personne insérée est une personne qui a conquis son autonomie et n’est plus sous la dépendance d’une autre, en famille ou célibataire. L’enfant ou l’adolescent ne sont pas encore autonomes. Ils ne sont insérés que par la médiation de leurs parents, ce qui pose tout de suite la question de l’insertion de ces derniers. A parents insérés, enfants insérés ; à parents non insérés, enfants qui ne le seront que difficilement et risquent de ne l’être jamais.

     

    L’autonomie ne va pas sans des ressources propres et donc sans le travail.

    Le travail est la pierre d’angle de l’insertion et c’est la raison pour laquelle nous nous trouvons aujourd’hui devant tant d’exclus de la société. Peu de formation, peu de travail, cela ne peut que faire des jeunes et des moins jeunes qui n’ont pas leur place dans la société.

    Le travail est nécessaire non seulement pour avoir un salaire, mais parce qu’il permet à chacun d’établir un rapport avec la matière, brute ou sociale. L’homme est appelé à maîtriser et à transformer le monde selon un projet dans lequel il s’engage et qui le dépasse.

    Le travail permet également d’établir un rapport avec d’autres personnes, il favorise la parole et l’échange, il fait sortir de l’isolement, ouvre les horizons personnels et enrichit. Parler, c’est échanger des sensations, des idées, des projets, échanger des signes.

    Quelle socialisation peut se faire lorsqu’une personne ne peut avoir aucune prise sur quelque matière que ce soit, même pas la sienne, et qu’elle se retrouve murée dans son silence, incapable de sortir de soi ? Cette personne est étouffée et coupée du reste du monde.

     

    L’autonomie ne va pas non plus sans une certaine liberté affective.

    Aimer fait partie de la conquête de l’autonomie puisqu’il s’agit, ici encore, de faire des projets et de s’unir dans et par ces projets. C’est ressentir l’insuffisance de ce qui est déjà donné et reçu et être appelé à aller sans cesse plus loin dans l’échange de ce qu’on est.

    L’amour est le contraire de la violence, puisqu’il implique une recherche prioritaire du bonheur de l’autre avant le sien propre. Quant au bonheur qui échoit à ceux qui aiment, il les pousse à tenter de percer le mystère de l’autre. Parfois on ne discerne rien d’autre que la projection de son propre désir, parfois on découvre l’unique et parfois on y rencontre Dieu.

    Comment celui et celle qui sont enfermés en eux-mêmes par l’absence de parole et par le manque de confrontation avec la matière que procure le travail, eux qui sont sans projet et n’ont jamais connu, en fait d’autonomie, que les prestations sociales, comment peuvent-ils avoir la liberté d’aimer autant qu’ils le désirent alors qu’ils y sont, eux aussi, comme les autres, appelés ? Dans l’amour même ils sont renforcés dans leur exclusion.

     

    Que dire alors de la jouissance ? non pas telle qu’on l’entend dans les propos grivois.

    La jouissance est ce juste plaisir que nous trouvons dans nos activités humaines.

    Personne ne peut agir à longueur de journée sans éprouver une satisfaction dans ce qu’il fait. Cela est d’autant plus vrai lorsque ce qui est fait l’est avec amour, par don de soi.

    La gratuité est un terme flatteur, mais il n’est pas pur de toute hypocrisie. Il ne s’agit pas ici d’argent, mais du plaisir éprouvé à aimer, à servir, à donner de soi à l’autre. On se voudrait parfois si gratuit qu’on ne ressente aucun plaisir en retour. L’abnégation, la négation de soi, soit ! mais il est humain d’éprouver du plaisir et de la jouissance.

    Le plaisir et la jouissance font partie de la vie de l’homme. Quels que soient leur rapport avec les sens, il sont, fondamentalement, une réponse gratifiante d’ordre spirituel.

    Comment un tel plaisir, qui est peut-être le sommet de l’intégration et de l’autonomie, peut-il être vécu par celui qui s’est trouvé privé de parole, de projet et souvent d’amour ?

     

    L’exclu, c’est un homme ou une femme à qui la vie, dans sa totalité, a été interdite.

    fr. André LENDGER - 16 janvier 2000

     


    votre commentaire
  • Poser des actes c’est accepter d’en assumer les conséquences.

    Chaque jour nous posons des actes dont la plupart sont faits dans l’insouciance.

    Tous, pourtant, sont lourds d’avenir.

     

    Pas de vie qui ne soit agissante.

    Pas d’action qui ne soit l’expression de l’élan vital qui nous habite.

    Nous ne pouvons pas prêter une égale attention à toutes nos actions, la plupart étant le fait de la routine. Elles paraissent, la plupart du temps, innocentes.

    Pourtant nos actes routiniers eux-mêmes sont-ils toujours innocents ? Le fait de ne plus nous poser de question à leur sujet les rend-ils inoffensifs ? Le grand nombre des échecs dans la vie des couples ou l’éducation des enfants est-il sans rapport avec l’accumulation d’actes posés toujours dans le même sens, comme on creuse un sillon, jusqu’à ce qu’on se rende compte, sans parvenir à se l’expliquer, que le résultat est contraire à nos espérances ?

    Nous nous laissons aller, la plupart du temps, à nos inclinations naturelles et nous devons bien convenir qu’il nous est difficile de remettre en cause des façons d’être, de penser et d’agir qui ont façonné notre personnalité telle qu’elle s’exprime.

    Est-il possible de poser aucun  acte innocent ? rien n’est moins sûr.

     

    Il est des actes moins routiniers, aux conséquences immédiates et imprévisibles.

    Ainsi de l’homme qui, dans un soir d’euphorie, se laisse aller à la boisson et qui, sur la route du retour, cause un accident mortel. Ou de celui qui, succombant à une subite attirance sensible, ignorant qu’il est porteur d’un germe mortel parce qu’il s’est abstenu de faire les contrôles et de savoir, communique la mort à l’autre.

     Ce sont des situations extrêmes. Cependant chacun d’entre nous est concerné. Nous évitons d’envisager ce qui pourrait survenir et qui parfois, malheureusement, survient. Nous suivons la facilité du moment, sans qu’il y ait malice, et le pire arrive.

    Sommes-nous prêts alors à assumer les conséquences de nos actes, c’est-à-dire de notre ivresse ou de l’aveuglement volontaire dans lequel on s’est entretenu ? Donner la mort involontairement, dans l’un et l’autre cas, n’en est qu’une conséquence.

    Une vie peut disparaître et une autre vie peut se trouver bouleversée par un seul moment d’égarement ou par le manque de courage.

    La prison, dans de tels cas, est une épreuve douloureuse. Mais la connaissance du mal fait à autrui, pour peu qu’on ait quelque conscience, est plus redoutable encore.

    Aurons-nous le courage de vivre à la hauteur des dégâts que nous avons causés ?

     

    Ne faut-il pas commencer par s’assumer soi-même, dans ce qu’on est au plus profond de soi, dans la connaissance de nos habitudes de penser et d’agir ?

    Provoquer la mort de quelqu’un par brutalité ou par lâcheté, dans un acte isolé, hantera toujours l’esprit de celui qui en est la cause, à moins d’être totalement inconscient.

    Mais il n’y a pas que la mort physique. Il existe d’autres formes de mort, des tortures psychologiques, des blessures graves dans la vie affective, des viols des consciences autant que des corps. Or toutes ces cicatrices gravées dans la chair et le psychisme des victimes trouvent le plus souvent leur origine dans notre comportement parfois le plus quotidien, dans ce que nous sommes et que nous ne parvenons pas à voir.

    Nous avons à porter le poids de ce que nous sommes, sachant que nous ne pouvons pas ne pas blesser autrui. En sommes-nous conscients ? En sommes-nous capables ?

    Nous ne sommes-nous pas coupables pour autant. Nous aurons beau faire, nous ne pourrons pas redresser par  nous-mêmes ce qui, en chacun de nous, n'est pas droit non par volonté mais par héritage. Cela dépasse les forces de chacun. Nous ne pourrons pas éviter de causer de la souffrance à autrui ni éviter de souffrir. Nous devons même ajouter qu’un monde sans conflits ni souffrance serait plus mortifère qu’aucun autre parce qu’il serait faux.

    La condition humaine ne nous laisse pas le choix : nous avons à assumer ce que nous sommes et les conséquences de ce que nous faisons.

    Mais essayer d’assumer, c’est déjà se transformer, se guérir de son mal-être, apprendre à aimer l’autre et à s’aimer soi-même. Place alors à Celui qui est miséricorde.

     

    Poser un acte, si humble soit-il, c’est se livrer à l’autre et à Dieu.

    fr. André LENDGER


    votre commentaire
  • Peut-on croire sans comprendre ?

    Faut-il comprendre pour croire ?

     

    La foi est une grâce. Elle n’est ni le fruit de notre intelligence ni celui de notre recherche intellectuelle. Elle est un don gratuit.

    La foi est à l’origine de la présence de Dieu en nous et elle l’atteste.

    Aucun homme ne peut prétendre acquérir la foi, accueillir Dieu en lui, au terme de son seul effort humain. L’abîme est tel entre Dieu et l’homme que l’homme ne peut le combler.

    Dieu et l’homme ne sont pas du même domaine. Dieu est libre, Il est toute bonté. Mais la bonté n’a rien à voir avec un marchandage de mérites : on ne force pas la main à Dieu.

    Au reste, demander la foi, n’est-ce pas déjà l’avoir, au moins en germe ?

    N’y aurait-il donc aucun effort à faire ? On  reçoit cette grâce ou on ne la reçoit pas ?    Dieu nous dispense-t-il de faire l’effort de comprendre ce que signifie le don de la foi ?

    Que signifie recevoir un don, si celui qui le reçoit ne sait pas en quoi il consiste ?

    Or Dieu ne vient pas habiter dans n’importe quelle créature mais dans une créature douée d’intelligence et de raison, seule capable d’un acte de foi.

    Autant qu’au cœur, la foi est liée à l’intelligence et à la raison.

     

    Il est dans la nature de l’homme de chercher à connaître et à comprendre.

    Notre mode de vie contemporain en est l’illustration. Il est le résultat de découvertes dues à la recherche des hommes dans tous les domaines où leur esprit a pu s’exercer.

    Mais l’homme ne s’intéresse pas qu’à la création matérielle. Il et curieux de lui-même, curieux de savoir d’où il vient, où il va, qui il est et ce qui se passe en lui.

    L’homme qui a la foi est appelé à se livrer, par l’exercice de sa raison, à une recherche de ce Dieu qui vient en lui et donne sens à sa vie. Qui est ce Dieu ? Où nous mène-t-Il ?

    En nous faisant don de la foi, Dieu se donne tout entier. Mais ce don de Lui-même est fait à des hommes incapables d’en saisir la profondeur sans l’aide de leur intelligence.

    Celui qui a la foi ne possède pas Dieu mais est possédé par Lui. Il continue à chercher et à comprendre Celui qui le dépasse de toutes parts et, lorsqu’il parvient à en déceler quelque richesse, il n’a de cesse de partir à la recherche de ce qui lui demeure encore infiniment caché.

    Il croit, mais il ne croit pas en n’importe quel dieu, mais au Dieu, Père de Jésus-Christ, qui s’est révélé aux hommes tout au long de l’histoire d’Israël, qui a accompagné le Peuple dans ses innombrables tribulations, comme il nous accompagne dans les nôtres.

    Croire, c’est un acte du cœur. C’est aussi un acte qui requiert l’intelligence.

    Nous avons le devoir de chercher à connaître et comprendre Celui dans lequel nous croyons pour en rendre compte aux hommes qui nous demandent nos raisons de croire.

     

    Croire est un acte joyeux d’amour.

    Croire implique une exigence de recherche dans laquelle notre intelligence, notre esprit critique, nos savoirs et notre curiosité insatiable se révèlent comme un besoin impérieux

    Sinon nous risquons de croire n’importe quoi et n’importe qui, de nous laisser séduire par des propositions étrangères à la foi et de passer à côté du sens de notre vie.

    Si le christianisme est vivant aujourd’hui, c’est parce qu’il a été porté, dès le premier siècle de notre ère, par des hommes qui se sont confrontés à la culture païenne de leur temps, en scrutant l’Ecriture, l’interrogeant et la ressassant pour y lire le mystère de la Promesse.

    Nous vivons aujourd’hui au milieu d’un nouveau paganisme et l’Eglise de notre temps ne peut se dérober à sa tâche d’annoncer la Bonne Nouvelle dans un langage qui soit reçu par nos contemporains, sachant que tout paganisme contient des pierres d’attente du Christ

    Il nous revient de prier dans la joie. Il nous revient d’étudier.

    Approfondir l’Ecriture et la doctrine de l’Eglise pour transmettre aux générations futures la Parole que nous avons reçue, qui est notre raison de vivre, est un devoir urgent. Il doit être accompli sans «adaptation» complaisante, mais avec un effort de «traduction» pour que le message soit accessible au cœur mais aussi à l’intelligence des hommes de ce temps dont la quête spirituelle mais aussi la rigueur intellectuelle, ne doivent pas être sous-estimées.

     

    «Personne ne peut être sincèrement indifférent à la vérité de son savoir»

    «Je mets en œuvre ma raison  afin de  croire» (Jean-Paul II - Encyclique ‘Fides et Ratio’)

    fr. André LENDGER

     


    votre commentaire
  • Les premiers pas de l’homme sont le plus souvent accompagnés de chute.

    Cela est l’évidence pour le petit enfant qui commence à marcher et qui ne peut y parvenir sans tomber faute de force et d’assurance.

    Cela est vrai également dès l’instant que l’enfant grandit et que, pour marquer la découverte de sa liberté et l’affirmation de sa personnalité, il s’installe dans l’opposition, ce qui ne manque pas de l’entraîner dans l’impasse de quelque échec.

    En de nombreux domaines, les premiers pas de l’homme se font au risque de la chute.

    Qui dit chute dit le plus souvent erreur et même faute.

    L’enfant qui apprend à marcher ne commet pas de faute morale, il ne fait que des erreurs d’appréciation sur ses capacités physiques et sur l’environnement immédiat dans lequel il se meut. Mais il est l’image de ce qu’il fera plus tard lorsque, devenu capable d’actes humains et donc moraux, il fera ses premiers pas d’homme libre, sans avoir pris encore la mesure de ses forces intérieures ni de la réalité à laquelle il s’affronte.

    Ces errements du premier acte libre peuvent être sans conséquences durables si l’on s’arrête à temps, mais ils peuvent avoir des suites graves si, faute de sanctions et de lucidité, ils se répètent jusqu’à devenir une habitude, une façon de se comporter, d’apparaître et d’être.

     

    Le récit, dans la Bible, du premier péché du premier homme, son premier acte libre, illustre la genèse de tout premier acte libre de tout homme.

    Quel que soit le crédit qu’on apporte au récit biblique, selon lequel le premier acte du premier homme aurait eu des conséquences désastreuses pour tout le reste de l’humanité, le geste d’Adam est le prototype de nos démarches personnelles.

    Et le mal a été introduit dans le monde !

    Faut-il en déduire que notre premier acte libre personnel est la manifestation du mal en nous, la ratification par nous de ce premier péché mythique de l’homme ?

    «C’est mal». Ces remarques de notre entourage après nos premières erreurs peuvent nous aider à nous reprendre. Sinon la répétition ou l’entraînement finiraient par fausser notre perception de la morale sociale et personnelle. Nous passerions de la chute à l’enlisement.

    La première chute n’est pas limitée au seul temps de l’adolescence, même si elle est plus détectable à cet âge. La première chute est de tous les âges. Non seulement parce que nous nous trouvons sans cesse devant des situations nouvelles et imprévues, mais parce que nous sommes en permanence sollicités de ressaisir ce qui est devenu pour nous une seconde nature. Nous nous complaisons dans nos mauvaises habitudes et nous n’avons pas toujours le courage de poser un nouveau premier acte fondateur d’une nouvelle conduite morale.

     

    Lorsqu’elle est faite en conscience, au terme d’un choix réfléchi et en dépit des mises en garde, la première chute est liée à l’affirmation de notre personnalité et de notre liberté.

    Il n’existe pas de différence radicale entre la faute d’Adam et nos fautes. Le premier acte libre est celui par lequel on largue les amarres. C’est une étape décisive. Mais la faute d’Adam ne s’est pas limitée à la transgression de l’interdit ; elle s’est accrue de sa lâcheté. Adam s’est caché, il s’est enfermé dans sa honte et sa culpabilité, il n’a pas avoué son péché ni demandé pardon, il a fait retomber sa faute sur les autres… Il a eu peur de Dieu.

    A la condition de ne pas imiter Adam dans sa lâcheté mais de reconnaître notre erreur ou notre faute, notre première chute est l’occasion de mieux nous connaître, de grandir et de découvrir que le chemin de la liberté est rude et semé d’embûches.

    La liberté est un risque. Faudrait-il ne pas le courir et refuser d’oser sa liberté ?

    Si le premier acte libre se traduit souvent par une faute ou une erreur, l’inverse n’est pas vrai : fautes et erreurs sont trop souvent le fait de personnes aliénées par les fantasmes imposés par la société, par la pauvreté et le manque de culture, par les pressions des bandes de jeunes ou par tout autre entraînement… et par la peur d’être soi, distinct des autres.

     

    La chute fait partie de l’école de la vie pour des hommes dont la nature est blessée.

    Elle n’est jamais une épreuve purement négative ni un échec irrémédiable.

    Elle nous pousse au pardon et à l’amour inconditionnel de l’autre.

    fr. André LENDGER

     


    votre commentaire