• L’euthanasie est souvent évoquée à propos de la vieillesse. Il est vrai que les personnes âgées, vulnérables, sont menacées par la dégradation de leur corps et de leur esprit

    Mais le développement de certaines maladies infectieuses, telles que le sida et, plus récemment, la maladie de Kreutsfeld-Jacob, oblige à poser la question de l’euthanasie à tout âge. Ne se pose-t-elle pas parfois même dès la naissance lorsque des nouveau-nés présentent des handicaps particulièrement lourds ?

    Les progrès de la médecine font que, en dehors de tout acharnement thérapeutique, les fonctions biologiques uniquement végétatives peuvent continuer de fonctionner. Y a-t-il encore un sens à cette vie ? La tentation est grande, dès lors, de provoquer une mort qui tarde

    L’homme est en effet un être social, un être de communication et de relation. Dès lors qu’une personne a perdu toute conscience d’elle-même et des autres, quel que soit le fonctionnement de son organisme corporel, se pose la question de l’euthanasie.

    La question se pose également lorsqu’une personne mourante mais lucide, demande qu’on mette un terme à ses souffrances et donc à sa vie. Cette demande, adressée à des proches eux-mêmes bouleversés par les supplications du mourant, ne peut que les ébranler.

    Que faire ? que ne pas faire ? doit-on oser, ne pas oser ? où se situe le courage ?

     

    Est-on en droit de mettre un terme à la vie d’autrui, qu’il s’agisse de dégradation qui fait d’un être aimé un corps vidé de toute vie de l’esprit, ou de la demande pathétique de ceux qui n’en peuvent plus de leurs souffrances et qui se sentent humiliés de leur état ?

    En aucun cas on ne doit assimiler le geste ultime à un assassinat ou à la complicité à un suicide. Il s’agit, dans l’esprit et le cœur des acteurs de ce drame, d’un acte de compassion justifié par la volonté exprimée par le mourant ou par l’idée que se font de la vie ceux qui prennent la décision de mettre un terme à une existence réduite à l’état végétatif

    Peut-on en rester là ? L’acte peut être le fruit de l’émotion du moment, sans se rattacher à aucune réflexion profonde. Il peut au contraire avoir été réfléchi et dépendre de  l’idée qu’on se fait de la vie humaine. Dans les deux cas, on ne sort pas de la subjectivité.

    Dans les deux cas, seuls ceux qui agissent au nom de l’amour peuvent se prévaloir du droit de demander d’euthanasier ceux qui supportent l’insupportable. Se trouve exclue toute personne qui ne fait pas partie des relations du souffrant et agit en son nom personnel, selon ce qu’elle estime juste en toute circonstance. Ce peut être le cas d’un soignant qui agit, pour son compte propre, au nom de l’idée qu’il se fait de la vie humaine et de sa dignité.

    L’euthanasie se trouve au croisement de la compassion et de ce qui constitue la dignité de l’homme. Existe-t-il des critères objectifs sur lesquels se faire une opinion ?

     

    Ces critères, ainsi que le manifeste le débat public, diffèrent selon la philosophie des intervenants. Au centre du débat, nous retrouvons la notion de dignité.

    Pour les uns, la dignité de la personne humaine s’arrête lorsque celle-ci ne peut plus mener qu’une vie dégradée, ce que chacun redoute pour lui-même. Il apparaît alors légitime d’aider quelqu’un à mourir, la tête haute pourrait-on dire, en pleine acceptation de sa mort, posant un dernier acte réellement humain. L’homme serait maître de sa vie et de sa mort.

    Pour les autres, la vie est un don. Nous n’en sommes que les dépositaires. La vie ne nous appartient pas. La décision de mettre fin à nos jours ou aux jours d’autrui ne peut, en aucun cas, dépendre de nous. En quelque état qu’il soit, un homme reste un homme. Sa souffrance ne peut justifier un acte dont la responsabilité nous dépasse.

    Dans ce dernier cas, la dignité consiste à assumer l’inassumable, aidé autant que faire se peut par tous les traitements contre la douleur.

    Cette souffrance assumée sera le dernier et suprême acte réellement humain.

     

    Un chrétien croit que la vie vient de Dieu et retourne à Lui. Celui qui souffre croit que sa souffrance est souffrance avec le Christ. Celui qui l’assiste voit en lui la présence constante et aimante du Christ qui fait un avec l’humanité souffrante jusque dans son ultime dégradation.

    Dans cette personne en pleine déchéance, réduite à rien, c’est le Christ que je contemple.

    Oserai-je porter la main sur lui ?

    fr. André LENDGER


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  • « La vie n’a plus de sens », « Il faut redonner sens à la vie », se plaint-on de tous côtés. Mais qu’entendons-nous par « sens » ?

    Le sens, cela peut signifier avoir un but, un objectif, un projet, comme nous disons aujourd’hui. La vie prendrait sens lorsque nous sortons de nous-mêmes et que nous nous attachons à une tâche extérieure, un travail, une occupation, voire même un divertissement. Alors en effet nous sortons du marasme intérieur, de la lassitude et de l’ennui de vivre.

    Le sens peut également signifier une direction, une orientation, sans trop savoir où elle mènera. Notre vie prend alors sens en suivant un courant de pensée ou d’action, dans lequel chacun trouve sa place. Dans ce cas, ce n’est pas le but qui est premier mais le fait de se mettre en route, route du plus grand nombre ou route des réfractaires.

    On peut encore appeler sens la signification que nous donnons au simple fait de vivre. Notre vie doit alors prendre sens par elle-même, du simple fait qu’elle est la vie : une respiration, un mouvement, un élan. Elle est sens parce quelle est origine, source de nos pensées, de nos affections et de nos actions. Ce ne sont plus nos actions ou nos engagements qui donnent sens à notre vie mais l’inverse : c’est notre vie qui donne sens à ce que nous faisons et pensons. Le sens n’est plus à rechercher à l’extérieur de nous-mêmes, mais en nous. Nous n’avons plus besoin d’être stimulés par la recherche d’une raison de vivre extérieure à nous-mêmes ; c’est en nous, au centre de nous-mêmes, que se situe le sens. Le but et la direction de notre vie découlent de la plénitude de sens que comporte toute vie humaine.

     

    Le monde nous distrait de la recherche du sens en nous sollicitant de l’extérieur. Il propose des actions séduisantes, il fait miroiter à nos yeux des réalisations flatteuses pour notre « moi » et il nous donne l’illusion d’avoir trouvé un sens supérieur à notre vie, d’être « plus-moi ». Il faut du temps pour se rendre compte que ce ne sont que des leurres.

    D’autres, qui ne s’enflent pas d’orgueil contrairement aux premiers et ne cherchent pas à briller, fuient toute approche de la question du sens en se réfugiant dans les paradis artificiels ou virtuels, rompant avec le réel. Leur « moi » s’est volatilisé ; ils ne s’appartiennent plus ; ils se réduisent à n’être que rêve et fumée. Ils désertent la vie, victimes de leur souffrance de se croire néant et pourtant de se vouloir quelqu’un.

    Quant à ceux qui s’immergent dans l’action, y trouvent-ils un sens à leur vie ou s’en exilent-ils ? L’action pour l’action peut fonctionner comme une drogue et faire croire qu’on a trouvé ce qu’on cherche et s’en éloigner au contraire dans une extériorité stérilisante à terme.

    S’en tenir à ce rapport avec le monde est attirant. Cela offre de nombreuses solutions de remplacement à la question du sens. Cela fait diversion et permet à ceux qui se suffisent de cette approche de vivre à l’abri du suicide, mais ne donne pas de réponse à l’énigme du sens.

     

    Le sens ne peut se trouver qu’au-dedans de nous. Il est intérieur.

    Le monde ne trouve de sens que parce que nous le lui donnons. Croyants et incroyants s’accordent à penser que ce monde appelle leur maîtrise. Qu’ils croient que ce monde leur a été donné par Dieu ou qu’ils le considèrent tout simplement comme étant là, offert à leur recherche et à leur esprit de conquête, les uns et les autres se savent appelés à lui donner sens. Même si les uns et les autres ont une conscience claire que ce monde passera.

    C’est en nous confrontant à la rude matière qui constitue le monde et dans laquelle la vie se manifeste à nos yeux charnels que nous nous éveillons au sens qu’a la vie pour nous.

    Ce sens, c’est à nous de le découvrir. Il ne nous est pas donné d’avance.

    Chacun d’entre nous est placé devant la finitude du monde qui se traduit le plus souvent par les limites matérielles, sociales, psychologiques auxquelles nous devons faire face. Mais chacun aussi se sent appelé à franchir cette barrière de la finitude afin de répondre à l’appel que leur lance le monde d’y déposer la marque de l’homme, son sceau.

    Quelle est ce sceau sinon celui de l’intériorité et de la spiritualité, seul en mesure de donner sens ? Ce n’est donc pas le monde qui peut, de l’extérieur, donner sens à l’homme, mais l’homme qui, par sa conscience, peut donner forme et sens au monde.

     

    Donner sens à la vie, donner sens au monde, une responsabilité pour l’homme.

    fr. André LENDGER


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  • La loi sera probablement votée : l’avortement pourra être pratiqué jusqu’à 12 semaines. L’allongement du délai à 12 semaines, s’il est une nécessité sociale et une justice à l’égard des femmes, change cependant les données de l’IVG telle qu’elle est encore pratiquée, les deux semaines supplémentaires étant fondamentales dans le développement de l’embryon.

    Qu’on soit moralement pour ou contre, le nombre des avortements pratiqués chaque année témoigne de l’opportunité de l’IVG dans un contexte laïque, même si cela traduit la tendance de notre société - nécessité ou facilité ? - à assimiler l’embryon à une chose.

    L’Eglise catholique a beau s’élever contre l’avortement, la société civile ne marche pas au même pas qu’elle : elle répond aux besoins de ses concitoyens, en particulier dans tout ce qui touche leur santé. Or l’avortement fait partie du domaine de la santé.

     

    L’avortement ne trouve pas sa justification en lui-même. Ce n’est pas parce qu’il est légal qu’il est bon. Il ne trouve sa légitimité que dans la conscience de la femme qui le demande. Nous sommes donc renvoyés aux raisons qui poussent à demander l’IVG.

    Or l’avortement peut être détourné de son but. Il peut être utilisé comme un simple moyen contraceptif, faute d’avoir pris des précautions. Il peut devenir un moyen eugénique lorsque des malformations, même minimes, se présentent chez l’enfant à naître.

    Se pose ici une question aux ramifications nombreuses : les progrès de la médecine et la généralisation du confort font rêver d’un monde paradisiaque où le défaut physique, pas plus que la moindre atteinte psychologique ne doivent exister, surtout chez les enfants.

    Il convient donc, dans l’esprit d’un certain nombre de couples, de sélectionner les embryons de qualité et de supprimer ceux pour lesquels existe un point d’interrogation. L’allongement de la période autorisée pour l’IVG permettra cette pratique.

    N’est-ce pas réduire la vision qu’on a de l’homme à son apparence extérieure ? N’avoir que des enfants beaux, sains, sans défaut physique, élevés à l’abri de toute contamination, en faire des petits dieux, est-ce l’idéal ? est-ce la meilleure façon d’en faire des hommes ?

    Cela rappelle un certain racisme nazi et le désir de refaire le monde mieux que Dieu.

    Sommes-nous devenus incapables d’affronter l’épreuve ? N’est-ce pas tourner le dos à la réalité ? « Le meilleur des mondes » serait-il possible ? La malformation, l’imperfection, l’anomalie, le mal en fin de compte, ne sont-ils pas les inévitables accompagnateurs de nos vies 

    Supprimer l’enfant à naître parce qu’il ne répond pas à nos critères de perfection n’est-ce pas une démission, un refus d’assumer notre condition humaine dans toutes ses dimensions ? N’est-ce pas aussi se préparer à des désillusions sur l’enfant déjà né ?

                La question est d’autant plus douloureuse que l’avortement est en lui-même, le plus souvent sinon toujours, un acte difficile, qui laisse des traces, même chez les très jeunes filles qui, non préparées à la maternité, ont pourtant plus de raisons que d’autres d’y avoir recours. Malheureusement elles y sont parfois poussées par leur entourage familial le plus proche.

     

    L’avortement existe. Il se pratique. Il ne suffit pas de parler en théoricien ni de s’élever contre lui. C’est un phénomène massif de notre civilisation avec lequel il faut compter.

    Recevoir, écouter, accueillir, telle est la seule attitude morale possible auprès de femmes qui se proposent d’avorter. Elles vivent des moments de souffrance psychologique. Il est bon qu’elles ne soient pas abandonnées à elles-mêmes et u’elles puissent s’exprimer en confiance, réfléchir avec quelqu’un d’autre, sans être jugées ni condamnées. Leurs raisons leur appartiennent. Elles doivent demeurer libres de leur décision et respectées dans leur choix.

    Reste, surtout pour les jeunes, le problème de l’information sexuelle dans une société permissive. Elle est insuffisante au regard du nombre de jeunes filles qui ont recours à l’avortement. La pilule du lendemain ne résoudra pas le problème. Car le problème, fondamental mais évité, est un problème éthique sur la vie, l’amour, le sexe, l’HOMME.

     

    De fait il existe un décalage entre la panoplie des moyens contraceptifs et les comportements amoureux puisés dans une culture populaire, «nature», qui leur font obstacle.

    Alors que l’avortement, quelle que soit son utilité sociale, plane comme une menace de déshumanisation, la résistance naturelle aux camisoles chimiques ou plastiques dans le domaine de l’amour pourrait être le prélude à une redécouverte d’une éthique de la vie. 

    fr. André LENDGER


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  • La terre est assez riche pour nourrir tous ses habitants et leur offrir une vie décente, mais tous n’ont pas un droit égal à bénéficier de ses largesses.

    Conflits, mauvaise gestion interne, enrichissement par la corruption, trafics en tous genres, détournement des richesses des Etats et des prêts consentis par les organismes inter-nationaux, structures sociales inégalitaires, sont responsables de la pauvreté dans le monde.

    Des actions sont entreprises pour sortir de cette situation. Certaines sont destinées à des personnes individuelles et d’autres à des collectivités nationales. Mais elles ne changent pas fondamentalement les causes humaines, locales ou internationales de la pauvreté. Aussi longtemps que des règles de morale internationale n’auront pas été mises en place et que la paix ne régnera pas, la misère ne disparaîtra pas. Le mal est toujours là, endémique.

    La misère est une épine dans la bonne conscience des pays riches. Car si leur richesse a été acquise en grande partie grâce au travail de leurs habitants, elle l’a été également grâce à leur domination politique et économique sur les pays pauvres. Leur réticence à partager a fait le reste. L’exemple du sida est éloquent : les malades des pays pauvres n’ont qu’à mourir.

     

    La pauvreté est un mal. Elle est une souffrance pour les pauvres et une injustice de la part des riches. La souffrance est évidente. L’injustice n’apparaît pas au premier regard.

    Les pauvres d’aujourd’hui sont ceux qui sont nés dans la pauvreté d’hier.

    Il existe, bien sûr, des exceptions. Mais elles restent des exceptions. Même les révolutions n’ont pas renversé totalement l’équilibre entre les riches et les pauvres. Même la colonisation n’a pas fait disparaître complètement les anciennes aristocraties locales.

    La pauvreté, comme la richesse, se transmet de génération en génération.

    C’est là un fait bien établi. Et un fait, en soi, ne comporte aucun caractère moral. Mais ce fait devient source de responsabilité morale dès lors qu’il parvient à la conscience. Cela est vrai des personnes ; cela vaut également pour les nations. Les pays riches ne peuvent demeurer indifférents à la misère des pays pauvres, résultat lui aussi d’un vieil héritage.

    On peut penser que si injustice il y a, elle est d’ordre naturel et qu’il n’y a pas lieu de s’en sentir moralement responsable. On peut penser au contraire qu’un meilleur partage rétablirait l’équilibre et que la morale demande aux riches de se dépouiller.

    Aucune de ces deux opinions, cependant, ne répond totalement à la situation. Certes la reproduction, génération après génération, de la pauvreté semble vouer à l’échec tout effort pour en sortir ; quant au partage des richesses, l’idée est vertueuse mais inefficace.

    La pauvreté est liée aux difficultés humaines et culturelles des familles et à l’histoire des nations ; les familles pauvres rencontrent souvent des difficultés dans la scolarité de leurs enfants et les échecs de ces derniers les vouent à l’exclusion sociale. Il en va de même pour les Etats qui peinent à franchir le pas de notre civilisation dominante et dominatrice.

    C’est dans le domaine culturel, sans aucun doute, qu’il convient d’intervenir.

     

    La culture, pour les personnes, ce n’est pas ce qu’on apprend à l’école. C’est tout un art de vivre, de penser, d’agir et de ressentir. Cela commence dès l’enfance, en famille. Cette base culturelle familiale permet à l’enfant d’accueillir ou non l’enseignement qui lui sera donné à l’école, de le faire sien et d’y prendre appui pour assurer sa place dans la société.

    Il en va de même pour les nations. Elles ne peuvent sortir de leur pauvreté, dans un monde auquel elles ne peuvent échapper, que par un difficile effort culturel, puisqu’il ne leur est pas possible de faire fi des coutumes du passé tout en essayant d’assimiler la culture dominante, puisque c’est elle qui conditionne la vie économique et politique de la planète.

    La justice qu’il nous faut rétablir sollicite notre effort dans un accueil, celui de la fréquentation et de l’amour des pauvres, pour en connaître, de l’intérieur, les valeurs culturelles. Car elles existent et elles ne demandent qu’à s’épanouir dans leur richesse et à revitaliser les valeurs des riches que nous sommes : elles sont simplement prisonnières de la misère. Faire reculer la pauvreté, cela veut dire faire route avec le pauvre, l’accueillir et en être accueilli, qu’il soit de notre pays ou de pays étrangers, dans un échange permanent.

     

    L’effort culturel et l’accueil sont la base de la disparition de la pauvreté dans le monde.

    Faute de quoi…                                                                          fr. André LENDGER


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  • Ce n’est une révélation pour personne, le sport suit une évolution dangereuse. S’y entremêlent les problèmes d’argent et de drogue, et l’exploitation à outrance du star system.

    Or l’engouement populaire suscité par les manifestations sportives nécessite une clarification, faute de quoi chaque spectateur, jeune spécialement, peut se trouver justifié de suivre ses idoles en tout ce qu’elles font, spécialement dans les domaines où la fragilité adolescente est la plus grande, l’argent et la drogue, mais aussi parfois la brutalité.

    Le sport a été, de tout temps, assimilé au jeu, à la compétition loyale et gratuite.

    Le sport, individuel ou collectif, est aussi un art, et le grand sportif est un véritable artiste avec tout ce que cela comporte de maîtrise de soi et d’apprentissage d’une technique.

    A ce titre-là, il est normal que le sportif soit honoré et adulé comme l’est un peintre, une actrice, un musicien, une cantatrice ou un danseur qui arrivent à la perfection de leur art.

    Mais en art, on ne peut pas tricher. Tout juste peut-on cabotiner et tenter de se donner à soi-même et aux autres l’illusion qu’on est meilleur que ce qu’on est. Mais cela ne dure pas.

    Le sport, comme l’art, comporte une ascèse exigée par le désir d’atteindre ses propres limites, c’est-à-dire la perfection de son geste, faute de pouvoir la dépasser.

    Le sport, comme l’art, revêt un caractère religieux et sacré, parce qu’il atteint l’homme dans son effort pour faire de son corps le moyen de s’élever dans le don de soi.

     

    La civilisation de la communication a bouleversé toutes ces notions.

    Le sportif peut bien avoir le désir d’honorer toutes les dimensions spirituelles de son art, d’autres l’attendent pour le récupérer et en faire de l’argent. Ceux-là n’hésiteront pas à organiser un système pour abreuver les sportifs de drogue en fonction du bénéfice à attendre

    Certaines formes d’art, il est vrai, peuvent être liées à la drogue (poésie, peinture, musique…) ; il s’agit alors d’un choix qui n’engage que tel artiste ou tel groupe d’artistes sans manquer à la loyauté envers les autres ni tromper son public qui, le sachant, l’accepte ou non.

    Le sport, lui, n’autorise pas l’usage de la drogue parce qu’il rompt le contrat passé avec les concurrents et avec le public qui attend une vraie compétition, à armes égales.

    Il suffit que le sport et le sportif progressent grâce au développement des techniques d’entraînement et à une meilleure connaissance du corps et de ses ressources.

    Il est tout à fait compréhensible qu’un sportif se prenne pour une grande vedette. Il en est une à bien des égards et mérite sa réputation s’il a fait des exploits. Mais le vedettariat ne peut pas se construire sur des mensonges. Le menteur sera vite rejeté, même s’il se repent.

    On pourra estimer que l’homme a eu du courage pour descendre de son piédestal et avouer, même si son aveu est tardif. Nul doute que cet homme ne sortira pas de son épreuve sans avoir sondé son propre être moral et sans s’être posé des questions sur lui-même et sur l’homme, comme Adam découvrant soudain sa nudité après avoir voulu s’égaler à Dieu.

     

    Il faut de l’argent, beaucoup d’argent, pour faire du sport. Nul n’en doute.

    Cet argent, il vient des spectateurs, qu’ils soient sur le stade ou derrière leur télévision.

    Le spectateur est à même de demander des comptes. C’est son argent qui est utilisé. Il n’a pas été donné pour que certains le détournent à des fins frauduleuses.

    Cependant, bien des spectateurs sont piégés par les organisateurs qui s’ingénient à leur faire miroiter des triomphes. L’émotion attendue d’un match fonctionne elle aussi comme une drogue qui s’ajoute souvent à celle que prend déjà le jeune spectateur. Si l’équipe à laquelle il s’est identifié trébuche, il est frustré et en manque d’un succès qui aurait dû être son succès.

    Nous sommes enfermés dans un cercle vicieux de drogués. Que va faire alors le jeune spectateur, incapable de comprendre qu’il est une victime de la drogue ? il va casser.

    A-t-on jamais vu des supporters lucides traîner en justice leur club pour tromperie ?

    Le sport coûte, le sport rapporte. Il exige beaucoup de  travail, mais c’est un travail qui procure un plaisir, parfois l’ivresse et la gloire. C’est déjà une belle rétribution, même si cela n’empêche pas un salaire conséquent, car la carrière est courte. Le sport demeure-t-il un jeu ? Conserve-t-il encore quelque sens de la gratuité et de la morale la plus élémentaire ?

     

    Le sport est un spectacle trop beau pour être détourné de sa finalité qui est de faire de son corps une louange spirituelle.                                                            fr. André LENDGER


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