• Lorsqu’on interroge des jeunes sur la façon dont ils conçoivent leur vie à venir, la question du couple est souvent évoquée : une relation ou une vie à deux, parfois avec enfant.

    Si l’on s’en tient au langage, on constate que l’évolution de la vie sociale, de plus en plus individualisante, n’enlève rien au désir de partager sa vie. Ce désir, on le retrouve même chez des jeunes dont l’expérience familiale a été catastrophique. Désir de stabilité ? Désir de réussir là où leurs aînés ont échoué ? Désir d’être enfin aimé(e) et reconnu(e) ?

    Cette attirance pour la vie de couple, qu’on retrouve dans toutes les générations, n’empêche pas les séparations de plus en plus fréquentes : ruptures, divorces…

    Toutes ces ruptures témoignent non seulement de l’immaturité affective contemporaine, mais aussi de la difficulté à établir une vie de couple stable lorsqu’il n’y a pas de cadre de référence. Or les structures sociales et religieuses contraignantes ont disparu et ont laissé chaque personne seule juge de sa situation avec sa liberté mais aussi sa fragilité.

    Dans ces conditions le projet de vie commune dans un couple stable, tel qu’énoncé par les jeunes, aboutit souvent à une déception. Il apparaît comme une chimère dont ils ont  rêvé.

    La prudence avec laquelle les jeunes abordent leur vie commune (le concubinage) montre leur lucidité et leurs hésitations : ils ne sont pas sûrs de leur entente sur le long terme.

     

    Dans une société qui met en avant le droit de chacun à son plein épanouissement affectif – ce qui est légitime, même si c’est irréaliste -, chaque membre du couple aspire d’abord à être aimé. L’autre doit satisfaire son besoin d’être aimé de la façon qu’il l’entend.

    Cette revendication narcissique et infantile a peu de chances d’aboutir dans la mesure où l’autre, le (la) partenaire attend la même chose. Il est peu probable que chacun se sente aimé autant qu’il le désire. Un manque et une frustration, ne peuvent alors manquer d’être éprouvés, d’autant plus profonds que le besoin d’être aimé peut être totalitaire et sans mesure.

    Vouloir se sentir aimé, rassuré et comblé dans son vide affectif ne suffit pas pour constituer un couple. Cela peut aller un temps, jusqu’à ce que l’insatisfaction l’emporte.

    L’enfant, s’il y en a un, peut aussi combler le vide affectif pendant un temps. Mais bien vite il ne suffira pas. Lui-même n’est-il pas porteur d’une revendication narcissique puissante à laquelle il demande une réponse immédiate ? sa revendication est vite envahissante. Lui non plus ne pourra pas combler le vide de celui qui attend tout de l’autre.

    Le couple ne peut que se trouver confronté à la loi de la différence entre les êtres et les sexes et à la nécessité, pour chacun, de reconnaître l’autre comme autre. L’autre est une personne. Il (elle) n’est pas un objet à la disposition de qui éprouve le besoin d’être aimé et qui cesse d’aimer dès que son désir n’est pas comblé comme il l’entend.

     

    Maintenant que la rigidité de la loi extérieure, religieuse ou sociale, n’est plus perçue comme un repère fiable, n’y a-t-il pas d’espoir pour la vie de couple ?

    Le vrai repère devient le manque, et le manque est le passage par une mort.

    La mort, c’est la reconnaissance de l’autre et de soi dans leur limite. Elle dit l’impossibilité de l’un et de l’autre à répondre totalement au désir le plus profond et le plus insaisissable qui les habite, le désir sur lequel s’exerce le moins leur maîtrise, « être aimé ».

    Cette mort est peut-être la signature la plus féconde de l’amour, car elle engage à voir l’autre et à le reconnaître comme celui ou celle qui comble et qui creuse la béance du manque.

    Le manque renvoie à la dialectique du moi et de l’autre. Il révèle chacun à lui-même en même temps qu’il révèle l’autre comme autre, dans les désirs et les faiblesses réciproques.

    Ayant pris conscience de la présence de mort au cœur de tout amour, en en ayant fini avec une idéalisation naïve, le couple pourra se fonder ou se dissoudre.

    Tout dépendra du regard que projetteront réciproquement l’un sur l’autre ceux qui cherchent la vérité de leur amour. Dans ce regard ils pourront voir se refléter l’image acceptée de leur limite et de leur faiblesse, ou au contraire l’aveu d’une insatisfaction indépassable.

    De toutes façons ce regard aura été traversé par l’épreuve du deuil et du pardon, et par la certitude que l’«amour à jamais» est le fruit d’une lente conquête.

     

    L’amour de Dieu pour les hommes témoigne que l’amour n’est possible que par le deuil

    fr. André LENDGER


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  • Le retrait de l‘armée d’Israël du Liban sud accentue la fragilité de la situation entre Israël et ses voisins arabes et donc la paix dans cette région du monde.

    La zone-tampon a disparu. Mais ne devait-elle pas, de toutes façons, disparaître ?

    A chacun désormais de se comporter en responsable derrière sa frontière.

    Cela signifie qu’il faudra beaucoup de sang-froid alors que ce qui prévaut dans ce conflit, c’est une passion qui trouve ses fondements dans la religion.

    Tous les conflits entre Etats, quels qu’ils soient, sont le fruit de passions, mais les intérêts en jeu ne sont pas tous, loin de là, liés à la religion. Les conflits qui se développent un peu partout dans le monde s’expliquent le plus souvent par de vieilles rivalités ou des haines raciales, par des enjeux économiques, par le désir d’occuper une position dominante quand elles ne sont pas la conséquence de la folie sanguinaire d’un homme comme au Sierra-Leone.

    Le conflit entre Israël et ses voisins arabes se distingue par le fait qu’Israël s’est constitué en Etat sur le territoire d’un autre peuple tout comme le premier Israël s’était installé sur cette même terre aux dépens des Cananéens. La religion, ici, est omniprésente derrière des problèmes humblement humains de personnes déplacées, d’un peuple sans terre.

    Les extrémistes des deux camps revendiquent comme leur la terre choisie par Dieu.

     

    Le monothéisme n’est pas en question, bien qu’il soit devenu multiple.

    Chacune des religions monothéistes confesse qu’il n’y a qu’un seul et unique Dieu, le même pour tous, qui a pour père le seul Abraham, à qui Dieu a promis ce pays.

    Les chrétiens et une bonne partie des juifs contemporains, tout en se référant à l’unique révélation biblique, ont fait le pari de vivre dans un monde laïc et pluraliste.

    Cela veut dire que les lois auxquelles obéissent chrétiens et juifs sont celles d’Etats contemporains. Les commandements de la Loi de Moïse pour les uns et le commandement de Jésus pour les autres n’ont pas été reniés pour autant. Ils demeurent la base de la vie personnelle, familiale et sociale des uns et des autres.

    Mais les citoyens, à quelque pays et à quelque religion qu’ils appartiennent, obéissent aux lois civiles de leurs pays respectifs. Ces lois, d’ailleurs, dans nos pays occidentaux, en dépit de certaines critiques qu’on peut leur adresser, ne sont-elles pas inspirées par la longue tradition judéo-chrétienne autour de laquelle s’est élaborée notre civilisation ?

    Les fondamentalistes musulmans, eux, poursuivent le rêve de vivre selon la loi donnée par le Prophète, la charia et de faire de cette loi religieuse la loi civile d’un Etat musulman, sans tenir compte de la religion des autres composantes de leur pays.

    Conviction que cette loi est la meilleure ou volonté de s’imposer à tous par ce biais ?

     

    Nous sommes dans un conflit où se mêlent de justes revendications et une compétition religieuse. Qui est le véritable successeur d’Abraham ?

    Trois religions en revendiquent la succession, les uns selon la chair, les autres selon la révélation faite au Prophète, les chrétiens selon la foi, Abraham étant le père des croyants.

    Mais deux peuples en revendiquent la terre. A qui appartient la terre promise ?

    La terre du Dieu unique peut-elle faire l’objet d’une appropriation exclusive ?

    N’est-elle pas vouée par essence à l’universalisme ?

    Quel statut pour Jérusalem, capitale religieuse autant qu’administrative ?

    Or les extrémistes des religions monothéistes n’imaginent pas que leur religion ne soit pas religion d’Etat (ou leur race, race dominante). Comment dès lors pourraient-ils concéder des droits égaux à toute personne étrangère à leur race ou à leur religion s’ils absolutisent leur position ? Ne faudrait-il pas, pour cela, passer par l’acceptation d’une certaine laïcité ?

    Les divisions religieuses qui entraînent des affrontements sanglants, où que ce soit, peuvent-elles trouver une solution en dehors du respect accordé à toutes les personnes, à quelque religion et race qu’elles appartiennent, par des lois laïques ouvrant à l’universel ?

     

    La paix ne sera pas facile à établir de façon durable sur la terre promise à Abraham.

    Le Dieu unique trouve-t-il son compte dans l’annexion que chacun veut faire de Lui?

    Jérusalem : une pierre d’achoppement ou de réconciliation dans la différence ?

    fr. André LENDGER


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  • Les grands événements religieux sont associés à des lieux qui sont signes des forces cosmiques : le soleil ou la lune, les sources, la végétation, l’eau, la pierre, la montagne…

    Toutes les religions ont utilisé ou utilisent ces éléments naturels dont l’esprit humain saisit immédiatement la portée symbolique : lumière et vie, fécondité et stérilité, douceur et dureté, montée, descente et chute, contemplation et plénitude du but atteint.

    La nature prise en elle-même, à l’état brut, parle de Dieu. Elle en dit la beauté et, telle un pédagogue, elle déploie sous nos yeux émerveillés ce que nous pouvons appréhender, de façon purement naturelle, de Lui, Dieu, et ce qu’Il attend de nous, les hommes.

    Encore faut-il avoir des yeux pour voir, ce qui n’est pas toujours le cas dans nos civilisations urbaines, mécanisées et de plus en plus fascinées par le virtuel.

    Les religions révélées ont utilisé ce matériau naturel au même titre que les religions païennes, mais elles s’en sont servies sans le servir : elles ont mis l’imagerie au service du Dieu créateur, sans rendre hommage à quelque divinité des sources, de la lumière ou des orages.

    C’est ainsi que les montagnes ont été considérées comme le lieu privilégié de la rencontre entre le ciel et la terre, entre Dieu et l’homme. C’est sur des montagnes que la Bible a situé les événements importants au cours desquels Dieu s’est manifesté aux hommes.

     

    C’est au sommet d’une montagne que Moïse et Elie ont « vu » Dieu.

    C’est sur une montagne que Jérusalem a été bâtie.

    C’est sur une montagne que Jésus a été tenté, qu’il a été transfiguré, qu’il est mort. C’est de là également qu’il a annoncé ses « Béatitudes ».

    Autant de situations symboliques, autant de lieux symboliques.

    Dieu n’est évidemment pas soumis à nos schémas telluriques. Il n’habite pas le sommet des montagnes. C’est l’homme qui y situe ses grandes rencontres avec Lui, marquant ainsi l’élévation nécessaire pour s’adresser à Lui et en recevoir une parole.

    Pour parvenir au sommet d’une montagne, il faut accomplir de grands efforts, se débarrasser de tout ce qui est lourd et inutile sans se laisser distraire par les facilités du chemin sinon pour se désaltérer et reprendre des forces.

    Du sommet d’une montagne, on domine. Non pas comme ceux qui exercent un pouvoir sur la terre, dont la domination est un pouvoir sur les autres hommes, mais comme ceux qui, l’esprit libéré des pesanteurs de la terre,contemplent la splendeur de la création.

    Pour ceux qui Le cherchent, Dieu se fait plus proche. A qui sait écouter, Dieu parle.

    La montagne est le lieu de la rencontre et de la communion avec l’œuvre de Dieu et nous appelle à restituer la création dans sa beauté originelle.

     

    Un seul évangéliste, Matthieu, situe l’Ascension au sommet d’une montagne.

    Du silence des autres, on peut penser que le thème de la montagne s’arrête à la Croix.

    Il y a, à cela, une raison spirituelle très forte : Dieu, en Jésus-Christ mort sur la Croix, s’est abaissé jusqu’à l’homme où qu’il soit et où qu’il en soit. Cela ne veut pas dire qu’il soit désormais inutile de faire l’effort de gravir une montagne ; celle-ci demeure un appel spirituel. Mais Dieu, Lui, descendra jusqu’au fond d’un égout pour y relever l’homme qui y croupit.

    La montagne, site géographique et symbolique, n’a plus à s’inscrire dans l’avenir religieux de l’histoire de Dieu avec l’homme. Dieu ne donne plus rendez-vous à l’homme au sommet des montagnes : celles-ci appartiennent aux sportifs.

    La seule montagne désormais existante est celle de notre cœur. Il est plus facile aujourd’hui de gravir un sommet de 8 000 mètres que de monter de quelques centimètres à l’intérieur de soi. Cependant l’image symbolique demeure : pour rencontrer Dieu et L’entendre nous parler, il faut s’élever sur un sommet intérieur qu’on ne pourra atteindre qu’au terme d’une longue marche, celle de notre vie sur cette terre.

    Lorsque nous faisons l’effort de quelque ascension, si petite soit-elle, nous ne pouvons oublier que nous accomplissons en image ce qui est le sens de notre vie : avoir un but et tenter de l’atteindre sans s’étonner que le sommet recule à mesure que nous progressons.

     

    De montagne en montagne, gravissons celle qui nous est proposée : la nôtre.

    fr. André LENDGER


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  • « L’esprit de Dieu planait sur les eaux », dit le récit de la création dans la Bible.

    L’Esprit nous est présenté comme l’architecte de l’œuvre créatrice de Dieu, celui qui façonna la terre avec amour pour qu’elle soit le reflet de la beauté de Dieu.

    Il veille sur la création par une présence constante et chaleureuse.

    Il accompagne l’homme dans sa quête de vérité, mais aussi dans toute œuvre bonne.

    Il apaise et guérit les blessures en donnant à l’homme la force de dépasser l’épreuve, de vivre et s’épanouir avec l’écharde que la plupart portent au fond d’eux-mêmes.

    Il donne la paix à qui ne lui ferme pas son cœur et il pousse au pardon.

    Il nous aide à cultiver tout ce qui est bon en nous et à prendre toute décision qui sauvegarde la vie. Il ne se tient pas à l’écart des techniques contemporaines, fruit de l’intelligence de l’homme, pourvu qu’elles contribuent à l’équilibre de l’homme et de la nature.

    Il répugne au spectaculaire. Il se glisse dans le cœur et l’esprit des hommes de façon toujours discrète et silencieuse. Il est présent - et il est souhaitable qu’il le soit - chez le savant, le chercheur, l’ingénieur, l’artiste, le directeur d’entreprise, le gouvernant et chez tous ceux qui s’efforcent d’humaniser l’homme et d’en faire un joyau de la création.

     

    L’Eglise a pour mission de répandre l’évangile et de le propager afin qu’il soit connu de tous et reconnu par tous. Non pas dans le but de s’affirmer comme puissance ou pour répandre une idéologie, mais pour que les hommes se perçoivent comme des enfants de Dieu responsables les uns des autres et responsables de la création tout entière.

    Une telle mission n’est pas dans le pouvoir des hommes. La mission passe par des actes et des paroles d’hommes, mais seul l’Esprit, présent dans ces hommes, peut la mener à bien car aucun homme ne peut annoncer Dieu si Dieu Lui-même n’est pas à la source de ses paroles humaines. Aucune parole d’homme, en effet, n’est proportionnée à la Parole de Dieu.

    L’Esprit est donc présent au cœur de l’Eglise qu’il irrigue et anime. Sa présence y est permanente. L’Eglise est sa demeure. S’il n’empêche pas les errements des chrétiens, il donne sa force aux nouveaux baptisés et se rend présent à tous ceux qui vivent des sacrements. Il suscite les saints et les prophètes et assure la vérité de la foi.

    L’Eglise ne vit que de l’Esprit et par l’Esprit. Cela n’exclut pas que l’Esprit veille sur tous ceux qui recherchent Dieu et ne peuvent l’approcher que dans des religions différentes.

                Si l’Esprit ne précédait la mission, la parole du missionnaire serait bien incapable de faire connaître le vrai Dieu. Mais l’Esprit précède la mission et l’accompagne tout à la fois.

    L’Esprit est indissociablement lié à l’Eglise. Cependant celle-ci ne saurait le retenir ni se l’approprier. « L’Esprit, comme le vent, souffle où il veut. »

     

    Pourquoi l’Esprit s’arrêterait-il aux portes de ce monde qu’il a contribué à créer ?

    Mais, s’il y agit, de quelle façon l’Esprit le fait-il ? Ce monde n’est-il pas le lieu de la souffrance et de la violence ? Ce monde n’est-il pas le domaine du « Prince de ce Monde » ?

    L’Esprit est nécessairement à l’œuvre dans le monde, car sans lui, tout ne serait que chaos. Mais les hommes sont laissés à leur liberté et à leurs passions. Beaucoup se laissent aller à la fascination brutale de la destruction et de la mort. Mais ceux en qui demeure l’Esprit n’ont d’autre passion que le choix de la vie, même aux dépens de la leur.

    L’Esprit reste le maître de l’histoire, même si les innombrables conflits qui agitent le monde semblent ne pas avoir de sens et ne conduire à rien.

    L’histoire des peuples avec leurs luttes pour défendre leur terre et leur culture est importante. Mais l’essentiel est l’enjeu spirituel de ces hommes en conflit les uns avec les autres, la façon dont ils se conduisent, leur effondrement moral ou leur émergence spirituelle.

    Nous sommes là au cœur du débat sur l’avenir de l’homme à une époque où nul ne pourra échapper à la mondialisation de l’économie, des technologies, de la rencontre des cultures et des religions. Cet avenir sera ce que l’homme en fera, avec ou sans l’Esprit.

    Il dépend des hommes, à l’aube de cette nouvelle civilisation, d’accueillir l’Esprit qui les guidera sur les chemins de la vie et du partage, ce qui est l’œuvre la plus difficile.

     

    Viens, Esprit, achève ton œuvre de création.

    fr. André LENDGER


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  • La mondialisation est un phénomène qui s’impose, que nous le voulions ou non.

    Elle s’impose non seulement par la diffusion des biens de consommation, mais par la concentration des capitaux entre des groupes de plus en plus puissants dont la seule limite, qui n’est pas négligeable, est de ne pas se trouver en position de monopole.

    Ce système économique présente des avantages qu’on ne saurait sous-estimer puisqu’il permet d’acquérir quantité d’objets désirables. Du moins en va-t-il ainsi pour les habitants des pays développés, les autres n’ayant droit qu’aux miettes, faute de pouvoir d’achat.

    Quelles que soient les vertus du système, il pose de nombreuses questions quant à la redistribution des richesses et à l’écart entre les revenus des uns et des autres.

    Partant du domaine économique, la mondialisation tend à devenir culturelle. Le pays dont l’économie est dominante, superpuissance incontestée, impose ses valeurs culturelles au reste du monde. Non par une simple volonté de puissance, mais par la force des choses, l’économie ayant un rôle moteur jusque dans le domaine de la pensée et de l’art.

    Il y a danger mortel pour les cultures les plus dépourvues de moyens. Des sagesses et des arts de vivre millénaires sont en train de disparaître, y compris chez nous, leur seul espoir de survie étant le refus de ce naufrage par des écologistes de la pensée et de la nature.

    La mondialisation tend à uniformiser le monde économique, le monde de la culture et de la pensée sur un modèle unique ce qui, à l’échelle mondiale, constitue un appauvrissement.

     

    La mondialisation n’épargne pas plus les personnes qu’elle n’épargne les cultures.

    Elle ne le fait pas de propos délibéré, mais parce que la puissance des publicités et l’abondance des produits jetés sur le marché enchaînent les hommes à des besoins chaque jour nouveaux, auxquels ils ne peuvent pas se soustraire à moins de se couper du monde.

    Il faut beaucoup de volonté et, par conséquent, beaucoup de maîtrise de soi (ce qui ne peut s’acquérir que par la culture ou une solide vie spirituelle) pour prendre ses distances et se contenter de ne consommer qu’en fonction de ses besoins et de ses moyens.

    La publicité, les suggestions d’un argent facile grâce à des banques ou des assurances qui se déclarent prêtes à vous payer votre voiture, fonctionnent comme une drogue face à d’innombrables ménages qui n’ont peut-être jamais appris à gérer un budget familial.

    Les personnes n’existent que dans la mesure où elles consomment. Peu importe leur devenir individuel. Elles sont appelées à être nivelées sinon broyées par la mondialisation.

    La mondialisation ne cherche pas à développer le sens de la responsabilité ou de la liberté des personnes. Elle les incite à dépenser pour consolider le profit des grands groupes internationaux, car eux-mêmes sont soumis à la nécessité de croître... ou de disparaître.

     

    La mondialisation a toujours été à l’honneur chez l’homme. Les grands empires se sont nourris du projet d’unifier politiquement et culturellement l’humanité. Ce faisant, ils en ont évité l’émiettement et ont permis l’élaboration et la diffusion d’une pensée universelle.

     La Bible, jamais invoquée en cette matière, nous propose, elle aussi, deux modèles de mondialisation diamétralement opposés, qui illustrent les extrêmes possibles.

    Le récit de la tour de Babel nous présente une humanité unie et affairée à construire sa tour. Le projet est si ambitieux qu’il se propose de monter jusqu’au ciel et d’usurper le pouvoir de Dieu. Cette humanité est unie comme un bloc. De personnes il n’y en a pas. C’est une vraie fourmilière aux êtres anonymes et indistincts. Tous sont un mais aucun n’existe pour lui-même. Ils fusionnent dans un obscur dessein, celui d’établir sur l’univers un pouvoir absolu mais sans âme : nazisme, stalinisme, marché… Dieu, heureusement, vient confondre leurs langues pour rendre chacun à lui-même et lui permettre de faire son œuvre personnelle.

    Cette première mondialisation, inquiétante, trouve son extrême inverse lors de la Pentecôte. Chacun entend le même message, mais dans sa langue et sa culture personnelles, avec toute liberté d’accepter ou de refuser. La proposition est adressée à l’esprit et au cœur. Chacun est respecté et même est confirmé dans sa personnalité propre par le choix qu’il fait.

     

    La mondialisation, rendue inévitable par le rétrécissement de la planète, ne peut que balancer entre ces deux extrêmes dont un seul fait de l’homme une image de Dieu.

    fr. André LENDGER


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