• Une mort planifiée par Dieu ?

     

    Il nous répugne de dire que Dieu avait besoin du sang de son Fils pour sauver l’homme

    Cette nécessité donnerait du créateur une image difficile à supporter : un Dieu qui, ayant créé l’homme libre et donc faillible, n’a d’autre solution pour rétablir son alliance avec sa créature que la souffrance et la mort, est un Dieu inquiétant.

    Fallait-il le sang de Jésus pour racheter la faute d’Adam ?

    Cette nécessité ne peut se comprendre que dans la mesure où Jésus, envoyé pour rétablir l’alliance de Dieu avec les hommes, a été mis à mort par les hommes.

    Jésus ne s’est pas avancé vers la mort par une nécessité autre que le complot des hommes contre lui, parce que ces derniers ont refusé son message et sa lumière. C’est eux qui l’ont mis à mort parce qu’il leur a révélé leur péché et ils n’ont pas voulu le connaître. Ils avaient figé la Loi de Moïse, et ils se sont obstinés dans leur interprétation sclérosée.

    La mort de Jésus n’a pas été programmée par un Dieu assoiffé de sang. Dieu a accepté que Son fils meure parce que Son amour pour les hommes était si grand qu’Il ne pouvait se résoudre à les laisser s’enfoncer davantage dans la ténèbre. Seule la mort pouvait les éclairer

     

    Jésus a-t-il su dès le début de sa mission qu’il était un homme pour une mort violente ?

    S’est-il lucidement acheminé vers cette mort ?

    A-t-il compris que sa mort aurait une valeur de salut pour tous les hommes, ou est-il mort dans la simple droiture d’une vie donnée à Celui qu’il appelait son Père ?

    Il est mort dans l’obéissance à la volonté de son Père, nous est-il dit dans l’évangile. Cela ne signifie par que Jésus ait eu une obéissance d’esclave, une soumission aveugle.

    S’il s’est fait esclave, ce n’est pas de son Père, mais des hommes.

    Ce sont eux qui l’ont conduit à la mort et il n’a pas résisté.

    Il aurait pu résister – Pierre le lui propose – ou fuir – c’était la nuit. Mais ç’aurait été se dérober au témoignage qu’il avait à donner. Il est mort pour porter témoignage de l’amour du Père pour les hommes, un amour qui allait jusqu’à la mort.

    Jésus n’a pas choisi la mort. Il ne s’est pas précipité vers la mort. Il y a été précipité par ses ennemis, ceux ce que son discours indisposait et qui voulaient se débarrasser de lui.

    C’est donc dans la liberté de l’homme que Jésus est entré dans sa mort. Une liberté qui n’avait rien d’une soumission à des pulsions suicidaires ou à une façon de se mettre en valeur aux yeux des hommes ou de Dieu. Rien de servile dans l’attitude de Jésus.

    Sa liberté fut celle d’un homme qui avait une totale confiance dans le Père. Sa vie n’a trouvé sa vérité et son accomplissement que dans l’accomplissement de la volonté de ce Père.

     

    Dieu n’a pas voulu la mort de son fils plus qu’il n’a voulu le péché d’Adam.

    Le seul désir de Dieu a toujours été de maintenir sa relation avec l’homme. Il l’a fait au long de l’histoire d’Israël, mais au bénéfice de ce seul Peuple. Il a voulu sceller une nouvelle alliance en se révélant comme Amour à l’ensemble de l’humanité. Jésus a prêché cet Amour. Il a proclamé le pardon de Dieu et proposé une éthique universelle de vie, les Béatitudes.

    La mise à mort de Jésus est la réponse de l’homme, de tout homme, à l’amour que Dieu lui propose hier, aujourd’hui, demain. Dieu nous dit des paroles que nous nous refusons à entendre car elles révèlent notre péché. Nous préférons nous aveugler et nous croire justes.

    Jésus est venu mettre la lumière en nous. Notre réponse a été, est et sera sa mort.

    Jésus ne s’est pas dérobé. Il s’est livré entre nos mains, et en lui c’est Dieu Lui-même qui s’est livré. Jésus s’est offert en sacrifice. Non que Dieu ait eu besoin de ce sacrifice. Que la mort de Jésus ait été un sacrifice est l’œuvre commune de tous les hommes de tous les temps.

    La seule offrande sacrificielle dont aient été capables les hommes lors de la mort de Jésus a été celle de leur péché dont ils ont chargé Jésus, renvoyant le Juste auprès de son Père

    Les hommes, unis dans le mal, ont poussé Jésus à la mort et le Père, pour manifester son Amour et vaincre le péché à sa racine, l’a laissé monter sur la Croix, vaincu, écrasé par la haine des hommes, ultime sacrifié dans un acte qui est la dérision du sacrifice, l’anti sacrifice.

     

    La mort de Jésus est l’ultime cri d’un Dieu qui appelle l’homme à vivre de Lui.

    fr. André LENDGER


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  • La résurrection est la victoire de la vie sur la mort.

    Qu’est la mort ? qu’est la vie ?

     

    Après qu’Adam eût péché, l’homme, nous est-il dit dans le récit de la Genèse, est devenu mortel. Il mourra donc. Mais avant de mourir, il devra vivre au milieu de difficultés liées à sa condition d’être mortel : il travaillera un sol ingrat à la sueur de son front et la femme enfantera dans la douleur. Enfin le serpent maintiendra un état de guerre permanent avec eux.

    La mort n’est donc pas seulement le terme de la vie. Elle s’accompagne d’un cortège de troubles de tous ordres : efforts, échecs, douleurs, épreuves, faim, querelles, violence, exploitation, esclavage, injustices, guerres, tortures, folie… qui sont autant d’œuvres de mort.

    La mort est d’abord un arrêt de notre vie biologique. Les œuvres de mort, elles, tuent la vie du cœur et de l’âme, parfois même les personnes. Elles ensevelissent la paix et l’amour. Elles brisent nos rêves, obscurcissent nos esprits, font échouer nos entreprises. La mort est au cœur de nos vies.

    Partout où il y a des drames dont les hommes sont la cause, la mort est à l’œuvre, d’abord dans le cœur et la pensée de leurs instigateurs avant de l’être dans leurs victimes.

    Il n’est pas d’homme qui échappe à devenir, un jour ou l’autre, l’auteur d’œuvres de mort, après avoir laissé la mort entrer en lui.

     

    La vie n’est pas seulement le contraire de la mort. Elle est d’abord l’œuvre de Dieu.

    Quel que soit le mode d’émergence de la vie dans l’univers, elle permet de supposer un plus grand qu’elle qui a la vie en perfection, qui est la Vie, le Vivant.

    Tout ce qui vit dans l’univers, depuis l’organisme le plus infime jusqu’à l’homme, proclame une victoire sur le chaos et la gloire de Dieu.

    La vie apparaît donc, pour tout ce qui a rang de créature, comme la possibilité d’organiser, de construire et de se développer. La vie s’est emparée de la matière inerte et a fini, au terme d’une longue évolution, par émerger dans l’homme pensant, qui lève son regard vers le ciel.

    Si solitaire apparaisse-t-il dans ce que nous connaissons de l’univers, il n’est pas abandonné à lui-même, fruit du hasard. Il a Dieu pour vis-à-vis, Lui en qui repose la vie en plénitude. Toute vie vient de Lui, toute vie retourne à Lui.

    La vie se manifeste en nous dans toutes nos activités physiques, intellectuelles et spirituelles qui contribuent à faire grandir et émerger en nous l’image de Dieu.

    Que nous ayons la vie en nous se vérifie dans nos œuvres de paix et de justice, dans nos efforts pour faire régner la concorde de l’amour entre les hommes, dans notre solidarité avec les pauvres, dans notre souci de partager à tous les richesses de notre monde, dans notre décision d’orienter les innombrables découvertes de l’esprit humain pour le bien de tous.

     

    La résurrection de Jésus est l’annonce de la victoire de la vie sur la mort.

    Elle est promesse de vie éternelle pour chacun d’entre nous. Mais cette vie éternelle devrait-elle se réduire à une promesse de vie à venir au-delà de notre mort ?

    La victoire de Jésus sur la mort, acquise à notre bénéfice à tous, doit-elle n’avoir d’autre conséquence que de nous installer dans l’attente passive de notre entrée dans la gloire de Dieu ?

    Au contraire elle éclaire, dès maintenant, notre vie quotidienne d’une lumière nouvelle. Victoire de la vie, elle est la victoire sur notre inclination au mal. Le bonheur attendu pour demain commence par la lutte engagée dès aujourd’hui pour faire triompher la vie en nous et autour de nous.

    La victoire de la vie n’a été acquise par Jésus qu’en passant par le chemin de croix et la mort.

    La vie ne pourra triompher en nous que si nous-mêmes suivons un chemin identique.

    C’est dès maintenant que nous devons ressusciter, c’est-à-dire nous mettre en route sur un chemin de mort à nous-mêmes pour être sûrs d’y rencontrer la vie.

    La plénitude de vie est une joie dans la mesure où nous consentons à l’effort pour la recevoir.

    Croire  à la résurrection, c’est croire à la force qui fait de nous des ressuscitants dès cette vie en nous faisant  participer à la Vie de Celui qui est ressuscité d’ente les morts.

    Les épreuves de la vie ne nous seront pas épargnées pour autant, mais nous aurons la force non seulement de les surmonter mais d’y puiser un approfondissement de notre foi et une plus profonde communion avec ceux qui souffrent.

     

    La résurrection de Jésus est un signe de Dieu. Elle transforme notre rapport avec Lui, nous ouvre à l’espérance et nous met sur la route exigeante d’une vie à construire.

    fr. André LENDGER


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  • La foi implique une conviction à toute épreuve, même du martyre.

    Mais comment s’assurer que la foi a des fondements suffisamment solides pour emporter l’adhésion non seulement de la sensibilité mais de l’intelligence ?

    Quand on voit la floraison des sectes en tout genre et les excès auxquels elles donnent lieu, on peut se demander si la foi peut avoir des bases rationnelles. Mais les sectes proposent-elles la foi ?

    Or la foi, telle du moins que la conçoivent les chrétiens, s’adresse à l’esprit autant qu’au cœur.

    N’avoir la foi que pour des raisons affectives, sans se préoccuper d’en connaître le contenu et sans être en mesure d’en rendre compte est insuffisant pour un chrétien.

    Les recherches sur les textes bibliques en particulier montrent à quel point la pensée chrétienne (catholiques, protestants et anglicans en particulier) est exigeante. Elles montrent aussi à quel point les chrétiens sont assurés que jamais une découverte scientifique ne viendra troubler leur foi, puisque c’est le même Dieu qui s’est révélé dans l’Ecriture et qui a créé l’univers.

    Dieu ne saurait se contredire.

    Le chrétien ne peut se contenter de se reposer sur ses seules impressions sensibles.

    Non que celles-ci soient négligeables, mais elles sont insuffisantes.

     

    Cependant la raison ne rend pas totalement compte de la foi.

    La foi implique toujours une obscurité qui, à son tour, doit entraîner une recherche. Non pas pour réunir des preuves supplémentaires, mais parce que l’esprit humain ne peut se contenter du mystère. Il cherche, par tous les moyens, à comprendre ce que sa sensibilité lui propose à croire.

    Tout chrétien désire, un jour ou l’autre, refaire le geste de Thomas : voir et toucher Jésus. Mais, dès que Thomas a vu et touché, il a compris que cette vérification sensible était étrangère à la foi

    Une foi qui ne s’appuie que sur des émotions sensibles est-elle encore une foi ?

    Combien de sectes ne doivent leur succès qu’à l’aveuglement de fidèles qui prennent pour la foi ce qui n’est qu’enthousiasme sensible, crédules et fascinés par l’enseignement d’un pseudo-maître.

    L’exercice d’une raison critique est indispensable pour asseoir solidement la foi.

    Mais comme la raison ne peut qu’approcher et appréhender l’objet de la foi sans jamais pouvoir le démontrer, il faut bien accepter l’inquiétude, l’interrogation douloureuse, la remise en question et le doute comme des éléments qui contribuent à la recherche de la foi.

    Les réticences de l’esprit à adhérer à la foi ou à tel article de foi font partie du statut tant de la raison que de la foi avec la limite de la première et de l’excès de sens de la seconde.

    Une foi sans questionnement est-elle une foi ?

    L’appétit contemporain pour des signes visibles et sensibles montre bien la fragilité de la foi. Pour beaucoup, cela répond au besoin de se rassurer, comme si Dieu était vérifiable par des signes. Ces signes suffisent-ils à la foi ? la consolident-ils ? n’en dénoncent-ils pas plutôt les faiblesses ?

     

    Il doit exister un bon usage du doute.

    Le doute religieux, situé au cœur de la foi, n’est ni un empêchement ni un refus de croire.

    Le doute, tel qu’il s’exprime habituellement dans la foi, témoigne d’un déséquilibre - qui peut être momentané ou se prolonger dans le temps - entre la foi et la raison lorsque survient un événement imprévu, qui peut être personnel mais aussi communautaire, auquel il faut le temps de s’adapter.

    Ni l’adhésion à la personne de Jésus ni sa divinité ne sont mises en doute pour autant, mais une rupture s’est effectuée dans la compréhension générale de ce qui paraissait acquis.

    Le doute peut, bien sûr, ruiner la foi.

    Mais la foi peut au contraire sortir renforcée de ce qui aura été une épreuve bienfaisante vers la maîtrise de la vérité et l’approfondissement de la foi.

    Le croyant se trouvera d’ailleurs en excellente compagnie s’il lit la Bible : Job ne cesse de ressasser sa question sur la relation entre le malheur qui le frappe et le Dieu qu’il refuse de maudire.

    Ne pas comprendre Dieu n’a rien d’étonnant pour l’homme, lui qui n’est qu’une créature.

    Nous n’avons pas à cultiver le doute pour le plaisir, car il n’est pas besoin de cet aiguillon pour chercher à comprendre la Parole de Dieu. D’elle-même la Parole invite à s’interroger, faute de quoi nous n’avançons pas dans la connaissance de Dieu ni, par conséquent, dans Son amour.

    Aimer, c’est chercher. Aimer Dieu c’est Le chercher par toutes les fibres de notre être.

     

    Ne nous dérobons pas au doute. Cherchons et aimons.

     fr. André LENDGER


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  •            Ce commandement apparaît tellement évident qu’il semble inutile de le rappeler.

               Non que les crimes aient disparu et permettent à tout homme de dormir en paix.

               Mais celui qui tue sait en général qu’il fait un acte interdit, qu’il sera jugé et condamné. La plupart du temps il reconnaîtra que la peine qu’il encourt est le prix à payer.

               Les lois protègent la vie des citoyens de notre époque, comme la Loi de Moïse permettait de faire régner l’ordre dans la foule des hébreux repliés en désordre dans la désert.

               Mais la Loi de Moïse signifiait-elle seulement cela ?

               Elle était une loi destinée à régir les rapports sociaux, certes, comme l’étaient et le sont les lois de toute les sociétés. Mais elle était d’abord une loi religieuse.

    Moïse ne parlait pas seulement au nom de la paix et de la justice sociale. Il parlait au nom de Dieu. Tuer était toujours un acte en relation avec Dieu, qui signifiait : « au nom de Dieu, tu ne tueras pas. » Ce qui peut s’entendre en deux sens :

    - Dieu a le crime en horreur et par égard pour Lui, qui t’a tiré de l’esclavage des Egyptiens, tu ne tueras pas. Tu respecteras donc la vie d’autrui pour ne pas déplaire à Dieu.

    - tu ne pourras jamais justifier ton crime en prétextant l’avoir fait au nom de Dieu.

     

    Ce commandement fondamental est de la plus grande actualité, même si les chrétiens sont loin de l’avoir respecté au cours des siècles passés.

    Les frontières politiques sont de plus en plus calquées sur des frontières religieuses.

    Rendre gloire à Dieu revient souvent à conquérir le pouvoir, y compris par les armes.

    Dieu devient ainsi la raison de tuer, puisqu’une guerre ou une guérilla sont toujours une affaire de mort violente. Les lieux où se déroulent des conflits sanglants sur fonds religieux sont innombrables aujourd’hui. Les uns veulent faire triompher la cause de Dieu tel qu’ils L’adorent, imposer Sa loi et les rites religieux qui en découlent ; les autres veulent légitimement avoir le droit de vivre leur foi, librement et autrement.

    Ainsi que chacun se plait à le répéter sans cesse, il n’y a qu’un Dieu.

    Quelle que soit la façon dont on Le connaît, c’est Lui qui est atteint par nos actes. La façon dont mon frère Le connaît est aussi respectable que la mienne.

    Dieu ne peut pas nous dire : « Tu ne tueras pas » et nous demander ensuite de le faire pour Sa plus grande gloire.

    Tuer en Son Nom revient à Le tuer, Lui.

     

    Dieu ne veut pas la mort, Lui qui a créé la vie.

    Dieu est Celui qui veut faire passer de l’esclavage à la liberté.

    Dieu est l’Unique.

    Il arrive que nous en fassions une idole au nom de laquelle nous nous croyons tout permis. Idole ne signifie pas ici une statue quelconque, mais une puissance d’où se dégagerait une vertu qui favoriserait nos desseins pour peu que nous accomplissions quelques rites qui lui seraient chers. L’idole est ici la puissance que nous mettons au service de notre cause.

    Nous comporter vis-à-vis de Dieu comme d’une idole, cela veut dire que nous Le rabaissons et cherchons à Le mettre au service de nos causes personnelles, communautaires ou nationales, comme si nous pouvions Le dominer.

    Nous le réduisons alors à n’être qu’un instrument, un outil de notre pouvoir, un esclave enchaîné à nos rêves et à nos désirs.

    Si Dieu ne peut que résister à un tel traitement, il n’en va pas de même de l’homme.

    L’homme, en tant qu’image de Dieu, est atteint.

                L’homme a été créé libre. Lorsqu’il cherche à ravir le pouvoir de Dieu, c’est lui, l’homme, qui repasse de la liberté à l’esclavage dont Dieu l’avait tiré en Se révélant à lui comme Tout Autre. Il veut utiliser Dieu alors que c’est lui qui appartient à Dieu.

    De même que personne ne peut prétendre avoir une connaissance totale de Dieu, personne ne peut avoir la prétention de Le posséder et de Le contraindre quand c’est Lui qui, pouvant nous avoir et nous contraindre, nous donne notre liberté.

     

    Dieu est le Dieu de tous. Mon Dieu est le Dieu des autres.

    fr. André LENDGER


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  • Un sentiment qui distille son poison dans d’innombrables vies.

     

    La jalousie est souvent considérée comme allant de pair avec l’amour.

    Celui et celle qui aiment seraient naturellement portés à la jalousie, dans le désir de ne pas être séparés de l’objet de leur amour et dans la peur de l’être.

    La jalousie voudrait se faire passer pour une preuve d’amour, même si ce sentiment obsédant n’en représente que le versant douloureux et négatif.

    La jalousie est un sentiment dévorant qui ne souffre pas d’apaisement. Même lorsqu’on est avec celui ou celle qu’on aime, la jalousie demeure, nourrie par l’imagination qui, dans ce domaine, ne connaît ni borne ni repos. Elle s’alimente au moindre soupçon, au plus petit détail. Tout est motif de craindre que notre amour ne soit pas payé de retour.

    La jalousie ne se limite pas à la possible tromperie mais s’étend à toutes les activités que l’autre affectionne de faire. Car le jaloux pense que rien ne doit satisfaire l’être aimé en dehors de lui ou de ce qui le rattache à sa seule et unique personne.

    La jalousie se fait tyrannique, mais elle tyrannise autant le jaloux lui-même que l’être à l’égard duquel il nourrit sa jalousie. Le premier en perd la tête, ne dort plus, est prêt à la violence tandis que le second est étouffé et paralysé dans toutes ses initiatives. Jusqu’au jour où les barrières craquent et où les relations doivent être remises à plat ou disparaître.

     

    La jalousie – sa description l’indique - est une passion liée à la peur, au réflexe par lequel on veut prendre possession de l’autre et le dominer. Mais la jalousie révèle aussi les failles existantes chez le jaloux, en particulier son immaturité affective. Le jaloux a un besoin viscéral d’être sécurisé. Il ne peut se passer de la présence de l’autre. Si l’autre lui échappe en quoi que ce soit, s’il n’est pas conforme à son attente et à son désir, il se retrouve perdu comme un très jeune enfant qui ne peut se passer de la présence de sa mère. D’où la nécessité dans laquelle il se trouve de dresser des barrières de sécurité tout autour de l’autre.

    Mais le jaloux aime-t-il en vérité ?

    Est-il de l’essence de l’amour d’emprisonner la personne qu’on aime, de la réduire à l’état d’objet ou d’esclave et de la maintenir en permanence dans un climat de suspicion ?

    Le jaloux pourrait bien n’aimer que lui-même, et encore de façon infantile, dans un désir fusionnel où il ne distingue pas l’autre de lui-même.

    L’amour véritable échappe à la jalousie. Il unit deux personnes dont chacune a droit à son juste épanouissement. L’unité de ces deux personnes sera d’autant plus forte que chacune pourra réaliser sa vie selon ce qu’elle est, dans la liberté et le respect de l’autre.

     

    Les situations humaines et sociales d’un couple ou d’un groupe ne peuvent manquer d’évoluer. Il est inévitable que de nouveaux équilibres doivent être trouvés.

    La nouveauté des situations peut alors susciter de nouvelles jalousies.

    Ce peut être le cas de la mère qui, libérée du travail d’éducation de ses enfants, aspire à de nouvelles tâches qui lui permettraient de se faire de nouvelles relations humaines, d’obtenir un travail, d’accéder à un statut voisin, parfois même supérieur à celui de son mari. Tout l’équilibre du couple peut ainsi se trouver remis en question.

    Le travail de l’autre– mais ce peut être toute autre situation - peut alors être perçu comme un rival, voire comme créant une situation voisine de l’adultère.

    Dans des cas de cette nature, il faut beaucoup de capacité de dialogue et d’accueil des êtres les uns envers les autres pour faire le point, résoudre le conflit et éviter l’éclatement. De nombreux sentiments humains, en effet, se retrouvent là : désir de domination, désir d’émancipation… et jalousie. Car le travail ou toute autre activité surgit comme un intrus, et l’un des membres du couple craint que cet intrus éloigne l’autre au point qu’il lui échappe.

     

    La jalousie finit par tuer, parfois au sens le plus matériel du terme.

    Elle rôde souvent dans la vie, non seulement de couple, mais dans toute vie de groupe, et dans la plupart des activités humaines où les hommes sont en relation ou en concurrence.

    La repérer au milieu de raisons plus avouables parce que plus nobles qui opposent les êtres, est la meilleure façon d’en maîtriser les effets.

    La jalousie, alors, peut être un des moments dialectiques d’un dialogue constructif.                                                                                               fr. André LENDGER


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