• Dix ans de prison.

     Le procès de l’abbé Maurel. 

    Ce fut un procès hautement symbolique puisqu’il avait comme accusé un prêtre qui s’était particulièrement consacré aux enfants, qui semble avoir accompli sa tâche avec bonheur, mais qui avait en lui une faille qui allait ruiner son travail.

    En face de lui, quelques uns de ses anciens élèves parmi lesquels les trois mineurs dont le témoignage décidera de son sort, même si seuls deux de ces témoignages seront retenus dans les attendus du jugement.

    D’un côté un prêtre qui ne cache pas ses tendances affectives et sexuelles, mais rejette les accusations les plus graves qui seront portées contre lui. De l’autre des adultes, anciens élèves qui n’ont pas oublié, et les trois mineurs encore intérieurement troublés.

    Pour les parties en cause, pour les magistrats et les jurés, mais aussi pour tous ceux qui ont suivi le procès à travers la presse et les médias, ce furent des jours d’intense interrogation.

    Le jugement n’a été prononcé qu’après un long délibéré. Il témoigne de la conscience, dans une affaire délicate, avec laquelle les faits ont été discutés, étudiés au fond et analysés.

     

    Le procès dépassait ses seuls acteurs.

    Ce qui était en jeu, c’était l’image d’un prêtre à qui avait été confiée la direction d’un important collège, mais aussi l’attitude de l’Eglise dont la vigilance s’est trouvée prise en défaut. Or c’est elle qui, par son évêque, avait nommé ce prêtre à ce ministère.

    Mais c’était d’abord le procès d’un homme symbole dans lequel il est possible de se reconnaître, quitte à prendre peur, pour peu qu’on fasse l’effort d’un peu d’introspection.

    Cet homme rendait des comptes à la société.

    L’homme avait, encore une fois, des qualités d’éducateur qui semblent avoir été grandes. Mais ces qualités étaient intimement mêlées à son inclination affective. En lui, comme en chacun de nous, il y avait la lumière et l’ombre, le bon grain et l’ivraie dont chacun sait qu’ils ne peuvent grandir l’un sans l’autre, intimement mêlés. Finalement un homme comme un autre, dont l’influence positive qu’il a pu avoir devait beaucoup à sa part d’ombre.

    Mais n’est-il pas difficile, sauf héroïsme constant, de juguler totalement les pulsions de mort et de destruction qui sont à la source de nos élans les plus généreux ? Rien ne nous dit que l’abbé Maurel ne s’y est pas exercé de tout son être. Mais le procès ne portait pas sur le combat intérieur de l’homme mais, comme la plupart des procès, sur la part de l’ombre en lui.

    A juste titre puisqu’il a fait des victimes et que ces victimes et la société réclament, non pas vengeance, mais justice. Douloureuses victimes dont plusieurs ont reconnu avoir admiré et aimé ce prêtre. Peut-être certains, écartelés, continuent-ils de l’aimer et de l’admirer.

     

    Les victimes, quant à elles, n’ont-elles pas été doublement victimes ?

    Les jeunes garçons ont subi un premier traumatisme en découvrant en l’abbé ce qui n’avait pas de nom. Surpris, apeurés, ils n’ont pu que se soumettre au désir de l’homme.

    Ils ont dû ensuite surmonter la honte pour se confier à leurs parents.

    Puis ils ont dû subir les interrogatoires chez le juge, et enfin le procès.

    Etant donnée la résonance de ce procès, on est en droit de se demander si ce dernier a contribué à une catharsis libératrice chez ces jeunes ou s’il n’a pas ravivé des plaies. Le procès les aidera-t-il à situer, dans leur vie future, le viol qu’ils ont subi et à le dépasser ? Le procès , par sa dramatisation médiatique, n’ajoutera-t-il pas au premier  traumatisme ?

    Se pose alors, dans de telles situations, la question de la publicité donnée à l’affaire.

    S’il est bon que rien ne soit caché, ne redoute-t-on pas que la publicité faite dans les si nombreuses affaires de ce genre ait des effets contraires à ceux qu’on souhaite ?

    Certaines personnes ne nourrissent-elles pas leur « vertu » des turpitudes des autres ? Personne n’est insensible à ces situations qui trouvent un écho en chacun de nous. Quel écho ?

    Encore une fois, le bon grain et l’ivraie sont intimement mêlés !

     

    Reste un homme en prison.

    Mais n’était-il pas déjà en prison ? Non pas celle dans laquelle l’enferme la société, mais la prison dans laquelle il était enfermé depuis sa naissance, la prison de son affectivité ? 

    Peut-être Dieu l’attend-il dans la prison des hommes pour le libérer enfin de lui-même.

    fr. André LENDGER


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  • Le jeûne est un acte religieux.

    Il est lié à la pénitence pour le pardon des péchés.

    Il s’agit d’un acte individuel, mais il passe par la médiation d’une communauté religieuse à certaines périodes symboliques de l’année : le Carême pour les chrétiens.

    Il ne s’agit pas d’un acte lié à une décision personnelle, mais d’un acte liturgique.

    Nul n’empêche quiconque de faire des jeûnes personnels, mais un jeûne accompli par une communauté de personnes professant la même foi universelle a une autre signification.

    La communauté toute entière, dispersée de par le monde, est invitée à porter les péchés de chacun de ses membres, et chacun des membres est invité à porter les péchés les uns des autres mais aussi ceux dont s’est rendue coupable la communauté comme telle

    Le jeûne de la communauté chrétienne ne prend son sens que là où est sa source : la commémoration des événements passés qui ont opéré le salut. Le jeûne nous fait passer la Mer des Roseaux, accomplir notre Exode dans le désert du Sinaï, participer à la conclusion de l’Alliance entre Dieu et son Peuple, rencontrer Dieu avec Moïse sur le mont Horeb.

    Le Carême est donc une longue démarche au cours de laquelle chaque croyant est invité à considérer où en est l’alliance avec Dieu conclue lors de son baptême, mise à mal par son laisser-aller et son insatiable appétit des richesses et des honneurs de ce monde.

     

    Le jeûne est-il une affaire de nourriture ?

    En termes de diététique, il est parfois bienvenu. Mais la diététique n’est pas religieuse.

    Le jeûne accompagne notre route de Carême, mais il n’est ni un but ni un exercice de maîtrise de soi. Il est une discipline qui accompagne une démarche intérieure de conversion..

    Jeûner, ce n’est pas se replier sur soi mais s’exercer à la relation, l’ouverture, l’accueil de l’autre. Le jeûne n’a de sens que dans le partage et le rétablissement de la justice.

    Mais est-il toujours possible de rétablir la justice ?

    Lorsqu’il y a eu des blessures affectives irréparables, des atteintes corporelles, des vies supprimées, lorsque nos passions ont engendré un mal qui a déferlé hors de nous sans que nous parvenions à l’arrêter, comme cela arrive parfois, quel jeûne pour de tels actes ?

    Mais puisque nous sommes tous homicides et même déicides, nous qui sommes complices de ceux qui ont condamné le propre fils de Dieu, quel jeûne pour nous ?

    Allons-nous nous en tirer par quelques restrictions alimentaires ?

     

    A partir d’une telle prise de conscience, le jeûne prend une dimension nouvelle.

    Le jeûne est associé à une dette à payer, que nous sommes incapables d’honorer. Elle dépasse tout ce qu’un homme peut donner. Même sa propre vie n’y suffirait pas.

    Le jeûne, partage de soi et de ses biens, est le peu que nous pouvons donner, un peu dérisoire par rapport aux dettes que nous contractons les uns envers les autres et envers Dieu.

    Il ouvre sur notre désert personnel, il nous introduit dans notre dépendance radicale à l’égard de Dieu et de nos frères, il ouvre nos yeux sur l’incapacité dans laquelle nous sommes de rétablir la justice, si ce n’est en apportant une participation qui, pour dérisoire qu’elle soit, représente pourtant le don le plus total que nous sommes en mesure de faire.

    Jeûner, c’est nous en remettre à Dieu du mal que nous avons fait.

    Faire pénitence, c’est considérer l’abîme qui sépare nos contritions de la réparation.

    N’est-ce pas à cause de cet abîme que, bien souvent, nous sommes taraudés par des péchés déjà dix fois pardonnés, dont la culpabilité continue de nous hanter ? Et n’est-ce pas un manque de foi de ne pas considérer que ce qui a été pardonné l’a été une fois pour toutes du fait d’un plus puissant que nous, le Christ, et qu’on n’a pas à revenir dessus ?

    Il est naturel que notre souffrance intérieure demeure. Elle fait partie de notre jeûne et elle ajoute le peu que nous pouvons donner, c’est-à-dire le tout de nous-mêmes. Mais seule notre confiance absolue dans le pardon du Christ nous permet de passer de la stérilité de la culpabilité à la fécondité de la foi qui édifie en nous l’homme nouveau dans la justice.

     

    Chasser le mal extrême ne peut se faire que par le jeûne, nous dit Jésus.

    Ce jeûne est d’abord un jeûne de nous-mêmes.

    fr. André LENDGER


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  • La demande de pardon que Jean-Paul II a adressée au monde pour toutes les fautes passées de l’Eglise l’a été en notre nom, car l’Eglise ne saurait être dissociée de ses membres

    Certains ont regretté que Jean-Paul II n’ait pas été plus précis sur certaines dérives ou lâchetés de l’Eglise au long des siècles, spécialement concernant des événements proches. Mais le but du pape n’était pas d’être exhaustif. Il a choisi de poser un acte symbolique et prophétique et il a formulé le vœu que l’Eglise ne retombe plus jamais dans ses fautes.

    Puisque Jean-Paul II nous a engagés dans cette célébration tout à fait exceptionnelle, nous sommes invités, chacun pour notre part, à faire nôtre cette demande de pardon. Nous ne pouvons pas nous réfugier dans l’abstention, estimer que cela ne nous concerne pas, puisque nous sommes l’Eglise, que le péché de l’Eglise est notre péché, communautaire et personnel.

    Si nous ne pouvons pas nous sentir personnellement responsables d’événements passés lointains (l’Inquisition, les Croisades, les conversions forcées…) nous ne sommes pas à l’abri de quelque complicité dans leur résurgence contemporaine. Un récent sondage ne nous indique-t-il pas que le racisme et l’antisémitisme sont en augmentation en France ?

    Or nous savons à quelles aberrations ces attitudes ont conduit l’humanité il y a peu.

     

    Nous sommes invités à faire, à notre tour, un examen de conscience et à reconnaître notre complaisance à l’égard de nos errements de pensée. Ils portent atteinte à l’image de l’Eglise. Les exemples donnés par le pape constituent un utile fil directeur.

    Il n’est demandé à personne de renoncer à ses opinions ni à sa façon d’appréhender la vie et la pensée de l’Eglise et son rapport au monde. Il est permis de se sentir mal à l’aise devant la démarche de Jean-Paul II. Mais chacun est appelé à reconnaître, par honnêteté morale, que ses opinions et plus encore sa façon de les proclamer à tout vent engagent l’Eglise

    Est-il certain que ne traînent pas, dans nos esprits et nos paroles, des relents d’inquisition, des regrets de voir les femmes assumer de plus en plus de responsabilités, des agacements à l’égard de la démocratie ou du respect des droits de l’homme… ?

    Or, si nous n’y prenons pas garde, ce qui n’est que sentiment ou inclination à l’état d’ébauche, peut grandir de façon sauvage, prendre forme, se durcir et devenir action. Pendant qu’il est temps et afin qu’un jugement critique puisse s’exercer, faisons appel à la raison.

    Si nous voulons que l’Eglise ne réédite pas des fautes aussi graves que celles pour lesquelles le pape a demandé pardon au monde et pour que soit exaucée sa prière « plus jamais ça » , il nous appartient de débusquer en nous les racines du mal.

    Sinon il sera toujours facile de justifier l’injustifiable, la religion permettant tous les excès au nom de la vérité ou de la tradition, et servant de revêtement à nos passions.

     

    Le geste de Jean-Paul II est un exemple.

    Qu’une communauté de foi reconnaisse ses erreurs passées et son infidélité aux exigences de la Bonne Nouvelle qu’elle a mission de proclamer au nom de Dieu, exige courage et lucidité. L’évangile, comme toute révélation, a été remis entre les mains des hommes et il n’est pas d’exemple que les hommes ne détournent à leur profit le trésor qui leur a été confié.

    Le reconnaître, c’est reconnaître la distance infinie qui sépare Dieu de tout homme et la difficulté à rendre compte du Dieu qu’on adore. La trahison rôde toujours quelque part.

    L’exemple donné vaut pour toutes les institutions humaines, religieuses ou non.

    Toutes s’efforcent de se présenter sans tache. Les hommes qui les ont en charge dressent des catalogues d’accusation les uns contre les autres, rejetant sur autrui ou sur les faiblesses de l’institution ses propres insuffisances. Pourquoi ne pas reconnaître qu’il n’existe pas d’homme qui ne défaille de quelque façon ni d’institution qui soit parfaite ?

    Il ne convient pas pour autant de passer son temps à se flageller. Il suffit de savoir que nous sommes faillibles et d’accepter que les autres le soient.

    Il n’y a rien d’étonnant à cela pour qui accepte – ce que nous croyons - que la volonté de l’homme, si bonne se veut-elle, est blessée par le péché dès l’origine et que la perfection, la pureté, la justice ou la vérité demeurent une promesse inaccessible.

     

    Faire mea culpa, n’est-ce pas prendre conscience de ses limites et les reconnaître ?

    fr. André LENDGER

     


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  • Jean-Paul II vient de faire un pèlerinage sur la route des monothéismes.

    Il est paradoxal de dire que Dieu est unique et qu’il est adoré dans trois religions distinctes. Si Dieu est unique, il paraîtrait logique qu’il soit connu et adoré dans une unique religion, puisque le Dieu Un ne peut se révéler de façon différente aux uns et aux autres.

    Si Dieu est unique, Il est le même pour tous.

    C’est d’ailleurs ce qu’affirme chacune des trois religions monothéistes : Dieu est un. Il n’en est pas d’autre possible. Il est universel, le même et le seul pour tous les peuples.

    Dieu, étant conséquent avec Lui-même, ne peut pas tenir des langages différents.

    Est-il donc concevable que Dieu ait fait, de Lui-même, trois révélations différentes et successives, chacune venant compléter la précédente ?

    On peut avoir le sentiment que Dieu n’a révélé de Lui que ce que les hommes de telle époque étaient en mesure de recevoir et de comprendre. C’est une fausse perspective. Dieu s’est toujours révélé dans sa plénitude. Ce sont les hommes qui ont progressivement approfondi la connaissance qu’ils avaient de Lui. Il ne s’agit pas de révélation  nouvelle.

    D’Abraham à Jésus, c’est le même Dieu qui a été adoré, mais les traits de ce Dieu se sont précisés, aux yeux des hommes, tout le long de l’histoire douloureuse d’Israël. Il a été reconnu comme un Dieu bon, fidèle, vrai, juste, ami des pauvres, serviteur souffrant…

     

    Les trois religions monothéistes ont un père commun, Abraham.

    Le Dieu unique ne s’est révélé nulle part à aucun autre homme. Le Bouddha, quelle que soit la grandeur de sa spiritualité, n’a pas reçu de révélation divine particulière.

    Juifs, chrétiens et musulmans parlent, eux, du même Dieu révélé à Abraham.

    Mais l’histoire a distingué les fidèles de chaque religion et il y a peu de chance que les uns et les autres puissent se rapprocher, tant ce qui les sépare est grand.

    Il peut bien y avoir des conversions de l’une à l’autre religion, mais ces choix individuels ne changent pas les données du problème. Il en irait de même s’il y avait des conversions massives forcées dans une partie du globe, comme il y en eut tant dans le passé.

    Ces trois religions ont beaucoup de mal à cohabiter, dans la mesure où, par nature, elles ont tendance à s’exclure les unes les autres au nom de la révélation qu’elles ont reçue.

    Seul le judaïsme se tient en dehors de toute rivalité, jouissant à juste titre de son statut de Peuple Elu et n’ayant aucune prétention à convertir l’univers. Ce qui ne l’a pas empêché d’être persécuté par les uns et les autres et de servir de bouc émissaire.

    En revanche Islam et christianisme, ayant chacun reçu une vocation missionnaire se trouvent souvent en concurrence, voire en opposition.

     

    Le souci de Jean-Paul II, manifesté au cours de son pèlerinage, a pourtant été de promouvoir l’esprit de rencontre et de dialogue entre les grandes religions monothéistes, se souvenant de leur origine commune en Abraham.

    Le problème essentiel, dans notre monde contemporain, est celui du respect mutuel puisque ces religions ne partagent ni les mêmes rites ni les mêmes coutumes.

    Est-il possible de vivre ensemble, sur un même territoire, en obligeant les fidèles d’une religion à obéir aux lois et coutumes des fidèles de la religion majoritaire ? Les exemples du Timor, des Moluques, du Soudan ou du Nigéria montrent la nécessité d’une tolérance.

    La gloire de Dieu, quelle que soit la révélation à laquelle on se réfère, sort-elle grandie de l’utilisation de la force et de la contrainte ? ne risque-t-elle pas de servir de masque à un impérialisme politique purement humain et brutal ? est-ce cela que veut Dieu ?

    Les trois religions monothéistes sont donc invitées à redécouvrir ce qui leur est commun, l’héritage d’Abraham, à charge pour elles de ne pas le défigurer.

    Il faudra beaucoup de courage aux uns et aux autres pour dépasser les préjugés et les contraintes sociales et d’accepter de vivre ensemble et différents.

    Il n’est pourtant pas d’autre chemin pour qui veut rendre gloire à Dieu sur cette terre.

     

    Peut-être faut-il rappeler aux extrémistes de tous bords que le seul extrémisme que connaisse Dieu est celui de l’amour et du pardon.

    fr. André LENDGER


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  • On la rencontre dans toutes les vies et à tout moment.

    Elle est celle qu’on n’attend pas et qu’on refuse.

    Elle surgit aussi bien dans la vie du corps que dans la vie affective.

    Elle engendre aussi bien la dépression et la démission que le raidissement et la dureté.

    Elle induit la tentation de la nier, de se révolter, de trouver des boucs émissaires.

    Dieu est le premier accusé, lui qui a « permis » que cela arrive. Et si ce n’est Lui, parce qu’on en ignore l’existence, on s’en prendra aux proches, à la nature humaine ou à soi.

    La plupart du temps, notre cri ne rencontre pas d’écho. Nous sommes seuls dans l’épreuve, et seuls nous restons. Aucune voix ne s’élève pour nous soulager et les paroles compatissantes de nos intimes nous irritent plutôt qu’elles nous apaisent. Elles nous paraissent, de toutes façons, à côté du sujet et sans rapport avec notre désarroi.

    L’épreuve nous frappe comme une injustice à laquelle nous opposons notre justice.

    Elle n’a pas de raison. Nous ne savons comment l’éviter. Nous ne comprenons pas comment elle a pu naître. Parfois elle est l’imprévisible conséquence d’un banal malentendu ou l’inflammation désordonnée d’une égratignure superficielle.

    L’épreuve nous laisse face à nous-mêmes.

    Pourquoi ? et pourquoi moi ?

     

    L’épreuve, qu’elle soit physique ou psychologique, nous plonge dans le désert intérieur, sans autre appui sûr que la force que nous pouvons avoir en nous.

    Nous pouvons nous appuyer également sur Dieu si nous sommes croyants. Encore faut-il que Dieu se fasse sensible lorsque tout se dérobe. Car Lui aussi peut se dérober !

    L’épreuve est inévitable ; peut-être même est-elle nécessaire.

    Elle nous révèle plus sûrement à nous-mêmes que les jours sans histoire. Elle nous oblige à mettre en question les valeurs sur lesquelles nous avons bâti notre vie. Elle nous pousse à approfondir le sens de notre existence et le sens de toute vie.

    Elle est le lieu de notre vérité : la haine ou le pardon, la guerre ou la réconciliation, l’écroulement ou le sursaut. De quel côté allons-nous pencher ?

    L’épreuve peut conduire au mépris et au rejet de soi tant elle déstructure et désagrège. Elle devient alors insurmontable et prend l’aspect d’un mur infranchissable. Le suicide guette.

    Nous entrons dans la nuit, dans ce moment où nous ne sommes plus en mesure de prendre le recul nécessaire pour répondre aux questions existentielles qui se posent :

    qui suis-je ? qu’est l’autre pour moi ? quel est mon Dieu ou ce qui en tient lieu ?

     

    Mais pour qui parvient à réagir, l’épreuve joue un rôle créatif irremplaçable.

    Elle est l’occasion de vérifier la solidité du socle sur lequel est établie notre vie.

    Elle en creuse et en approfondit les fondations de sorte qu’il sera possible, l’épreuve dépassée, d’entreprendre avec plus d’assurance et d’aller plus loin dans la vie.

    L’avenir n’est pas le même après l’épreuve qu’avant parce qu’on a vaincu la tentation du laisser-aller et de la démission. On est prêt, s’il le faut, à affronter de nouvelles épreuves, plus redoutables peut-être, parce que le combat nous a rendus plus confiants et plus forts.

    La victoire ne doit cependant pas endurcir notre cœur au point de devenir insensibles. Au contraire elle peut nous aider à mieux comprendre les difficultés des autres. Aguerris, nous avons plus de facilités à pardonner parce que nous savons ce que peut être la tentation.

    Loin de nous replier sur nous-mêmes, l’épreuve, surmontée, nous fait voir que nous avons une vie à construire dans l’effort, la réussite ou l’échec mais toujours avec l’espérance.

    De nouvelles actions, qui faisaient peur hier encore, deviennent possibles aujourd’hui. L’avenir s’ouvre avec une plus grande richesse. L’épreuve surmontée joue un rôle dynamisant.

    L’épreuve laisse pourtant souvent des traces douloureuses. Il se peut que, de temps en temps, la tentation revienne de se laisser happer par des souvenirs insupportables. L’épreuve initiale resurgit comme une blessure mal cicatrisée et doit être surmontée une fois de plus. De nouveau il faut s’en emparer et réapprofondir les bases et le sens de notre vie.

     

    Le pourquoi ultime de nos épreuves nous échappera toujours.

    Il nous appartient de leur donner sens en les accueillant comme un don.

    fr. André LENDGER


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