• Exclusion – Insertion. - 16 janvier 2000

    Qu’est-ce qui fait la différence ?

     

    Nous nous en tenons, la plupart du temps, à l’apparence : celui qui est inséré travaille et a une famille. Au contraire, celui qui est exclu n’a pas de travail et ne fonde pas une famille et s’il en fonde une, elle pose des problèmes sociaux. Se retrouvent exclus le délinquant, le SDF, le violent, l’alcoolique, et tous ceux qui gênent l’ordre.

    Tentons une autre approche en approfondissant les caractéristiques propres à l’insertion pour mettre en lumière ce qui crée l’exclusion et fait des exclus.

    La personne insérée est une personne qui a conquis son autonomie et n’est plus sous la dépendance d’une autre, en famille ou célibataire. L’enfant ou l’adolescent ne sont pas encore autonomes. Ils ne sont insérés que par la médiation de leurs parents, ce qui pose tout de suite la question de l’insertion de ces derniers. A parents insérés, enfants insérés ; à parents non insérés, enfants qui ne le seront que difficilement et risquent de ne l’être jamais.

     

    L’autonomie ne va pas sans des ressources propres et donc sans le travail.

    Le travail est la pierre d’angle de l’insertion et c’est la raison pour laquelle nous nous trouvons aujourd’hui devant tant d’exclus de la société. Peu de formation, peu de travail, cela ne peut que faire des jeunes et des moins jeunes qui n’ont pas leur place dans la société.

    Le travail est nécessaire non seulement pour avoir un salaire, mais parce qu’il permet à chacun d’établir un rapport avec la matière, brute ou sociale. L’homme est appelé à maîtriser et à transformer le monde selon un projet dans lequel il s’engage et qui le dépasse.

    Le travail permet également d’établir un rapport avec d’autres personnes, il favorise la parole et l’échange, il fait sortir de l’isolement, ouvre les horizons personnels et enrichit. Parler, c’est échanger des sensations, des idées, des projets, échanger des signes.

    Quelle socialisation peut se faire lorsqu’une personne ne peut avoir aucune prise sur quelque matière que ce soit, même pas la sienne, et qu’elle se retrouve murée dans son silence, incapable de sortir de soi ? Cette personne est étouffée et coupée du reste du monde.

     

    L’autonomie ne va pas non plus sans une certaine liberté affective.

    Aimer fait partie de la conquête de l’autonomie puisqu’il s’agit, ici encore, de faire des projets et de s’unir dans et par ces projets. C’est ressentir l’insuffisance de ce qui est déjà donné et reçu et être appelé à aller sans cesse plus loin dans l’échange de ce qu’on est.

    L’amour est le contraire de la violence, puisqu’il implique une recherche prioritaire du bonheur de l’autre avant le sien propre. Quant au bonheur qui échoit à ceux qui aiment, il les pousse à tenter de percer le mystère de l’autre. Parfois on ne discerne rien d’autre que la projection de son propre désir, parfois on découvre l’unique et parfois on y rencontre Dieu.

    Comment celui et celle qui sont enfermés en eux-mêmes par l’absence de parole et par le manque de confrontation avec la matière que procure le travail, eux qui sont sans projet et n’ont jamais connu, en fait d’autonomie, que les prestations sociales, comment peuvent-ils avoir la liberté d’aimer autant qu’ils le désirent alors qu’ils y sont, eux aussi, comme les autres, appelés ? Dans l’amour même ils sont renforcés dans leur exclusion.

     

    Que dire alors de la jouissance ? non pas telle qu’on l’entend dans les propos grivois.

    La jouissance est ce juste plaisir que nous trouvons dans nos activités humaines.

    Personne ne peut agir à longueur de journée sans éprouver une satisfaction dans ce qu’il fait. Cela est d’autant plus vrai lorsque ce qui est fait l’est avec amour, par don de soi.

    La gratuité est un terme flatteur, mais il n’est pas pur de toute hypocrisie. Il ne s’agit pas ici d’argent, mais du plaisir éprouvé à aimer, à servir, à donner de soi à l’autre. On se voudrait parfois si gratuit qu’on ne ressente aucun plaisir en retour. L’abnégation, la négation de soi, soit ! mais il est humain d’éprouver du plaisir et de la jouissance.

    Le plaisir et la jouissance font partie de la vie de l’homme. Quels que soient leur rapport avec les sens, il sont, fondamentalement, une réponse gratifiante d’ordre spirituel.

    Comment un tel plaisir, qui est peut-être le sommet de l’intégration et de l’autonomie, peut-il être vécu par celui qui s’est trouvé privé de parole, de projet et souvent d’amour ?

     

    L’exclu, c’est un homme ou une femme à qui la vie, dans sa totalité, a été interdite.

    fr. André LENDGER - 16 janvier 2000

     

    « Dans mille ans - 2 janvier 2000Poser des actes - 9 janvier 2000 »

    Tags Tags : , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :