• Depuis deux mois, la France est plongée dans une succession ininterrompue de grèves et de manifestations en tous genres : policiers, femmes de gendarmes, gendarmes, enseignants, infirmières… et tout récemment internes, médecins et viticulteurs.

    Tous ces corps en ébullition ne ressentent pas les mêmes problèmes et ne sont pas porteurs des mêmes revendications. Leur multiplicité n’en traduit pas moins un malaise général. L’économie française se porte mieux que d’autres, mais elle traverse une turbulence en ces temps proches des élections présidentielles, chacun voulant sans doute se situer face à un avenir qu’on ne peut pas prévoir : quelle sera la majorité politique de demain ?

    Entre la libéralisation du marché, la politique agricole commune, les 35 heures et la nécessité de ne pas revenir à un déficit vertigineux du budget de la Sécurité Sociale, la liberté de manœuvre est réduite. Contrairement aux attentes des grévistes qui souhaitent des réponses immédiates, la complexité des problèmes fait retarderla solution.

    Le danger est de fragiliser des structures indispensables à la vie des citoyens. Le problème de la santé en est exemple grave, puisqu’il y va de l’égalité devant les soins, et donc de l’accès de tous aux mêmes soins de santé.

     

    Les grèves exacerbent souvent les citoyens. Il est normal qu’il en soit ainsi, car la gêne qui en résulte est précisément un des moyens de pression des grévistes. La grève est un signal d’alarme fort tiré par des hommes et des femmes qui souhaitent une amélioration de leur situation sociale et professionnelle. Mais la grève peut être populaire lorsque les citoyens approuvent sa justification. Ainsi de la grève des médecins : elle est difficilement supportable à long terme, mais chacun se rend compte de son enjeu pour sa propre personne.

    La grève semble une habitude bien française qui voudrait, selon les apparences, qu’on la déclenche avant de discuter. Cela ne va pas sans agacer. Mais puisque tout le monde perd quelque chose dans une grève, il faut bien imaginer que ceux qui la font ont des raisons, bonnes ou mauvaises selon le point de vue de chacun, d’en arriver à cette extrémité.

    Nous traversons une période difficile : le contexte mondial, la dépression économique, le choc des 35 heures - quel que soit l’avis qu’on ait sur la mesure – le chômage persistant… favorisent l’inquiétude. Nous ne pouvons pas nous étonner de l’actuelle tension sociale.

    Nous pouvons cependant espérer qu’elle prépare l’avenir en mettant en lumière les tensions qui traversent notre société. Les uns craignent les licenciements, d’autres ne veulent pas perdre leurs avantages professionnels, d’autres encore souhaitent améliorer la qualité de leur vie. Rien de tout cela ne sera acquis sans un rééquilibrage de la société, sans un élan et une confiance dans l’avenir, sans non plus voir plus loin que ses petits avantages personnels.

     

    La grève, soit. Elle est une certaine façon de s’exprimer, de la part d’une profession, dans la société. Elle a ses règles, sa légalité. Elle fait partie de ce qu’on appelle le dialogue social. Elle révèle un moment de tension et de crise, comme en connaissent toutes les com-munautés humaines et familiales. La grève fait partie de la vie. Elle en est une manifestation.

    Mais la grève est parfois marquée du signe d’une désespérance profonde qui peut entraîner des dommages du fait de manifestations de masse. De même qu’un homme désespéré peut attenter à ses biens et même à sa vie, une foule désespérée peut vouloir tout casser et se livrer à des actes de vandalisme. Nous avons vu des employés prendre en otage leur usine et nous voyons des agriculteurs qui prennent le risque de faire dérailler des trains.

    Les causes peuvent être légitimes au départ, mais les actes sont disproportionnés aux motifs initiaux. Il importe de savoir où s’arrête l’expression des revendications et où commence l’atteinte portée au bien commun de la société toute entière.

    A moins qu’il soit nécessaire de faire une révolution violente pour changer de régime.

     

    Il n’est pas possible, dans la vie sociale, d’éviter les oppositions, les combats, les conflits d’intérêts qui paraissent d’abord opposés mais qui en fait sont complémentaires ou doivent le devenir. Il est souhaitable que chacun ait du travail et un salaire juste ; il est souhaitable que les entreprises se développent, fassent des bénéfices et créent du travail.

    Ne craignons pas les grèves. Comprenons-les et aidons à un dialogue pour plus dejustice.                                                                                                           fr. André Lendger


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  • Le pouvoir est objet de désir pour un grand nombre de personnes.

    Innombrables sont les hommes et les femmes prêts à tout sacrifier pour obtenir un pouvoir ; pouvoir parfois dérisoire ou pouvoir suprême dans un secteur, peu importe.L’ambitieux n’a de cesse d’exercer un pouvoir sur un certain nombre de personnes. Par le pouvoir, il cherche à dissimuler ses propres insuffisances et ses limites et à donner, à lui et aux autres, l’illusion de sa propre importance.

    Cependant, exercer un pouvoir ne signifie pas toujours, loin de là, qu’on est un homme ou une femme dont la domination sur les autres est la seule ambition et le seul but dans la vie. On peut exercer un pouvoir parce qu’on vous le demande, parce que d’autres vous manifestent leur confiance, et avec le seul souci de mettre ses compétences au service d’une communauté.

    Tout le monde éprouve le besoin naturel de s’affirmer et d’exercer un pouvoir. Ce peut très bien être un pouvoir réciproque dans une vie commune où les personnes sont interdépendantes, chacune dans son domaine : le couple, les communautés de travail, les équipes de sport, de recherche... Mais il arrive souvent que nous ayons le désir de l’exercer là où nous ne sommes pas compétents.

    Les plus dangereux sont, bien sûr, ceux qui se croient capables, qui jouent des coudes pour arriver, qui finissent par arriver, mais qui conduisent tout le monde à l’échec.

     

    Dans le meilleur des cas, le pouvoir se conjugue avec l’excellence, une vertu morale qui exprime qu’une personne est un être réfléchi, équilibré, capable d’une vision synthétique des problèmes qui lui sont soumis, qui sait écouter et apprendre et qui est apte à prendre les décisions adéquates.

    L’excellence ne va pas sans la culture. Il ne s’agit pas d’être savant et d’avoir fait de longues études. Il s’agit d’avoir le souci de l’autre, de s’inscrire soi-même dans une totalité humaine qui nous dépasse, de savoir que le but poursuivi par l’exercice du pouvoir n’est pas le but final de la vie mais que tout reste à faire dans un domaine plus fondamental : qu’ai-je fait de ma vie, en vérité ?

    Ce type de discours date. Il n’a plus vraiment cours. La seule référence à laquelle on reconnaît désormais le pouvoir, c’est l’argent. Avec l’argent, on peut tout faire, y compris acheter des hommes… des hommes de main, ou des femmes pour le plaisir ou pour faire de l’argent, ou une foule pour se faire élire et finalement la dominer et la mater, comme cela se produit dans maint pays.

    De tout temps, l’homme a été sensible à l’argent. De tout temps il a tiré profit des facilités et de la richesse que lui procurait le pouvoir et il en a abusé. Qui l’en blâmera ? Maisalors personne n’était dupe, à commencer par celui qui régnait sur un domaine ou sur un royaume. Il connaissait la limite du but qu’il poursuivait, grâce à son argent, par sa domination sur les autres, car il savait que sa vie ne se jouait pas sur l’argent ou le pouvoir, mais sur des critères humains, ou plutôt humanistes.

    Mais qu’avons-nous fait de l’humanisme ? Il s’est dévoyé en sous-valeurs monétaires. Qui se nourrit des grands classiques ? de la culture grecque qui est la racine de tout l’humanisme qui a fait notre culture occidentale ? qui se préoccupe de la quête du beau, du bien et du vrai ? L’homme de pouvoir peut bien être vertueux, on ne lui reconnaît de vertu que grâce au pouvoir de son argent, celui qu’il a, celui qu’il distribue, directement ou indirectement en favorisant les plus riches.

     

    Que sera l’homme de demain, que sera la société et la civilisation de demain, si nous continuons à abandonner nos références humanistes ? Quelle humanité naîtra si le pouvoir doit se mesurer à l’aune du seul argent ? Si l’homme ne poursuit d’autre but dans sa vie que d’accumuler de l’argent, de se donner l’impression d’être quelqu’un d’important à cause de son argent et de s’en gaver au point d’en crever, quel avenir est le sien ?

    Nous venons de nous libérer d’un esclavage par lequel on achetait des hommes avec de l’argent pour leur force de travail. Nous arrivons dans une société où l’homme se jette de lui-même dans les bras d’un nouvel esclavage. Il vend sa force de travail pour que ses nouveaux maîtres, spécialement les capitalistes anonymes et mondialisés, exercent leur pouvoir sur lui et accumulent de l’argent pour eux, comme faisaient les anciens maîtres. Mais cela en l’absence de tout humanisme.

    L’homme, endormi par les médias et les facilités de notre civilisation, finit par ne désirer rien d’autre, en matière de culture, que les connaissances qui lui servent à se procurer de l’argent, à acquérir, si peu que ce soit, un pouvoir par l’argent, et à accroître le pouvoir de leurs nouveaux maîtres.

    Alors, ayant laissé s’assécher toute source de culture humaniste et tout recours possible à cette source unique, l’homme se livrera aux mains des puissants ; il pressurera les habitants des pays les plus pauvres pour être sûr, lui, de ne pas voir baisser son revenu ; il fera la guerre pour étendre le pouvoir des tyrans qu’il aura lui-même choisis ; il mourra sans savoir pourquoi il a vécu

     

    Il est nécessaire qu’il y ait des hommes de pouvoir.

    Il est nécessaire que ces hommes aient le souci de servir le bien commun de tous.

    Il est nécessaire de ne pas perdre de vue que l’humanité est solidairement une.

    Il est nécessaire de ne pas laisser les faucons et les tyrans s’emparer du pouvoir.

    Il est nécessaire que la redécouverte d’un humanisme permette à chaque être humain de se libérer de l’esclavage de l’argent et qu’il redécouvre que sa raison de vivre est ailleurs.


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  • Toute vie humaine est marquée par des ruptures qui nous atteignent au plus intime.

    Qu’un de nos proches disparaisse, qu’une maladie survienne et entrave les projets que nous avions faits, que nous-mêmes passions d’un âge à un autre en abandonnant une partie de notre souplesse et de nos forces tant psychiques que physiques, nous ne pouvons éviter de traverser des séparations et des remises en question douloureuses.

    Il ne s’agit pas encore de deuil, mais de mort. La mort ou une certaine forme de mort nous atteint et nous ne pourrons pas revenir en arrière. Tout juste pourrons-nous limiter les dégâts. La mort, inexorablement, grignote notre vie avant même le grand rendez-vous.

    Le deuil se dit du malaise et des troubles ressentis lorsque la mort vient de faire son entrée dans notre vie : douleurs affectives et psychiques, désintérêt à l’égard du monde, graves dysfonctionnements somatiques, culpabilité… accompagnent l’épreuve du deuil.

    Le deuil ne se limite donc pas au constat social que nous venons de perdre un être cher (je suis en deuil), mais à la période plus ou moins longue qui nous permet d’intégrer et de dépasser la situation affective et psychique nouvelle issue de l’irruption de la mort, de l’irréversible (j’entre en deuil). Le deuil introduit à un nouvel équilibre de vie.

     

    Les circonstances dans lesquelles survient le deuil sont différentes les unes des autres et rendent parfois difficile l’accès au deuil ou son achèvement.

    Récemment un procès devait faire la lumière sur un assassinat déjà ancien et pas encore élucidé. Un présumé coupable était là. La famille espérait que cet homme était le vrai coupable et qu’on pourrait enfin en finir une bonne fois pour toutes et refermer la plaie. Mais le non-lieu fut prononcé et la question du pourquoi et du comment est demeurée posée.

    Certains en ont déduit que l’absence de coupable et donc l’impossibilité d’élucider les questions qu’elle pose ne permettaient pas à la famille de faire son travail de deuil.

    Il est certain que l’ignorance dans laquelle est tenue cette famille quant à l’identité du coupable l’oblige à vivre comme si le mort était encore là, avec son corps  ; elle est sans cesse appelée à tenter d’éclaircir les circonstances du drame, les derniers instants du défunt ; elle voudrait savoir et comprendre. Cette situation ne peut que retarder son entrée dans le deuil.

    Pourtant, même en ce cas, le deuil ne peut que faire son œuvre ; plus lentement certes, mais l’irréversibilité de la mort est un fait, même s’il y manque une explication satisfaisante.

    Savoir ce qui s’est passé est une chose. Faire son deuil d’une mort inexpliquée en est une autre. En ce cas là le deuil est double : celui d’un être proche et aimé et celui de ne pas savoir. Une pièce manquera toujours à ce deuil, le volet ne sera jamais complètement refermé et l’esprit continuera de s’interroger. Jusqu’au jour où l’on sera passé de ‘j’aimerais savoir’ à ‘j’aurais aimé savoir’. Le deuil sera fait, sans coupable, sans procès, sans condamnation.

     

    Le deuil nous atteint non seulement en ce qu’il suit la disparition d’un être cher ou la fin d’une certaine période de notre vie, mais surtout en ce qu’il nous rappelle et anticipe notre propre mort. Le deuil nous fait passer de la connaissance théorique de notre condition mortelle à la perception affective, parfois dramatique, de la fragilité de notre vie.

    Le deuil rend plus présent, mais d’une façon toute nouvelle, l’être aimé qui nous a quittés. Les conflits affectifs, liés à la différence des personnalités, disparaissent. Un deuil bien mené peut conduire à une communion paisible et intime avec le défunt, débarrassée de culpabilité. Il peut nous faire parvenir à une plus grande paix avec notre entourage.

    Lorsque le travail de deuil est vraiment achevé, il peut nous aider à comprendre la beauté et l’importance de la vie. Loin de nous attarder sur sa fugacité ou, pour certains, sur son insignifiance, la vie apparaît dans toute sa richesse au-delà des générations, comme un temps qui nous est donné pour participer de toutes nos forces à l’aventure humaine.

    De la mort et du deuil peuvent jaillir des trésors de vie ; modestes le plus souvent, ils nous font participer plus activement à l’œuvre de la création et à son humanisation.

    La mort donne de l’urgence et du bonheur à la vie, quel que soit l’avenir dans lequel on se projette selon notre foi ou notre absence de toute foi.

     

    Le deuil accompagne la vie à toutes les étapes de notre existence personnelle.

    Par les souffrances qu’il occasionne et les questions qu’il pose, il donne du prix à la vie.

    fr. André Lendger


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  • Le peuple malgache se trouve engagé dans un bras de fer entre le président Ratsiraka et son challenger aux élections présidentielles, Marc Ravalomanana. Le premier s’accroche au pouvoir après avoir proclamé des résultats contestés et imposé une apparence de légalité, le second se proclame déjà élu sur la foi de ses propres décomptes.

    Nous connaissons la suite : les foules se rassemblent dans d’impressionnantes manifestations autour de leur candidat, dans un rejet total de l’amiral-président.

    Quelle sera l’issue de cette confrontation ? s’arrêtera-t-elle à temps avant la violence ?

    Une chose est certaine : l’économie de l’île sortira exsangue de grèves massivement suivies. Les habitants, déjà fort pauvres et bien souvent dans la misère, s’installent dans des conditions de survie qui vont accroître encore la précarité de leur état.

    Nous pouvons penser qu’il s’agit d’un phénomène de foule totalement irrationnel.

    Au contraire nous pouvons y voir le choix fait par une multitude de personnes, réunies pour faire prévaloir, dans la clarté et la vérité, leurs propres options politiques, rejetant un régime corrompu qui est loin d’avoir fait sortir le pays de son sous-développement.

    Le pacifisme de cette foule et l’absence de débordement qui la caractérisent sont la preuve que ces hommes et ces femmes savent ce qu’ils veulent, ne se réunissent pas sous la contrainte, ont mûrement réfléchi à leur engagement et en acceptent les conséquences

     

                Dans notre monde occidental, on ne fait généralement la grève que pour réclamer des augmentations de salaire ou des améliorations des conditions de vie ou de travail. Il est frappant de voir qu’un peuple dans la misère estime plus important de s’appauvrir un peu plus pour que soit respectée la volonté des citoyens, telle qu’elle s’est exprimée dans un vote démocratique. Même si l’économie du pays s’en trouve provisoirement brisée.

    Des occidentaux à la tête froide et calculatrice peuvent penser que cette situation présente des aspects de suicide collectif. Dans leur logique, ils ont raison. Mais un peuple pauvre n’a pas peur d’être provisoirement plus pauvre dès lors qu’il gagne, dans une action de cette sorte, quelque chose de plus essentiel que l’argent, sadignité.

    Les occidentaux ont perdu le sens du désintéressement et de la gratuité du geste qui peut aller jusqu’à la perte d’avantages matériels en vue d’atteindre un but difficile mais de grande valeur humaine. Nous nous comportons en consommateurs prêts à vendre leur âme pour nous enrichir ; d’autres engagent toutes leurs forces pour accéder, dans la liberté et la justice, à plus d’humanité, ce qui est une valeur culturelle purement spirituelle.

    Mieux vivre, pour nous, cela veut dire avoir plus. Qu’importe que l’argent soit sale !

    Ceux qui au contraire n’ont rien, ceux qui n’ont même pas l’espoir d’arriver demain à une suffisance matérielle, vont à l’essentiel, la défense de leur dignité. Qu’on les respecte et qu’on respecte leurs choix. Pour cela, ils sont prêts à perdre même le peu qu’ils ont encore.

     

    Ce peuple s’est vu tout enlever, il essaie maintenant de sauver au moins sa dignité. Cela s’appelle la vertu, un mot complètement oublié et dévalorisé chez nous. Le mot ‘vertu’ évoque le plus souvent un comportement infantile ou moralisant, étroit et mesquin. La vertu, au contraire, est le moteur de la vie humaine. Elle nous fait choisir les valeurs qui font de nous des hommes et non des animaux, des êtres accessibles non seulement à la connaissance rationnelle mais à la vie morale au sens le plus noble du mot, une valorisation par l’esprit.

    Le monde matérialiste, tel qu’il se développe, fait perdre à l’homme le sens de sa grandeur. Des peuples préfèrent vivre riches mais dépendants, avec tout ce que cela peut avoir d’avilissement, plutôt que de vivre moins riche mais par leurs propres moyens. De même qu’une personne peut être dite ‘entretenue’ lorsqu’on la paie bien pour qu’elle fasse ce qu’on lui demande tout en se taisant, on peut parler de peuples ‘entretenus’. L’un n’est pas plus honorable que l’autre. Cela signifie une abdication de sa dignité humaine, une démission devant la force de la vertu, un renoncement à vivre libre pourvu qu’on ait le ventre trop plein.

    Les peuples soi-disant sous-développés seraient-il le dernier refuge où nous pouvons rencontrer des hommes encore attachés à ce qui nous constitue tous en propre ? Madagascar, dans sa misère, aurait-elle des leçons à donner aux riches que nous sommes ?

     

    Ne nous laissons pas déposséder de la vertu, elle fait de nous des humains.


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  • L’affaire a fait un certain bruit, mais a vite été supplantée, dans les médias, par de nouvelles affaires. Celle-ci cependant pose des questions de fond qui ne sont pas dépassées.

    Un homme a été condamné à une peine de prison. L’affaire n’est pas trop grave et le juge concède une libération conditionnelle avant le procès. Le jugement prononcé, restent deux jours de détention à accomplir. L’homme retourne en prison, est mis dans une cellule occupée par un seul détenu. Celui-ci est un malade mental ; il assassine le premier.

    Les questions sont de deux ordres. Pourquoi avoir mis un détenu dans la cellule d’un homme qu’on savait dangereux ? Pourquoi l’avoir fait revenir en prison pour deux jours ?

     

    La première question a d’abord une réponse administrative : une erreur humaine dans l’établissement pénitentiaire où s’est déroulé le drame. Mais cela ne suffit pas.

    A l’heure où Patrice Alègre passe en jugement, provoquant un déferlement de haine, il est bon de réfléchir sur ce qu’est un coupable, un condamné. Il est nécessaire de répéter que, quelle que soit l’énormité de son crime, le coupable reste un homme, mon frère. Les débordements verbaux entendus pendant le procès sont compréhensibles : la douleur des parents des victimes est à vif. Leurs déclarations n’enlèvent rien à la réalité : le criminel reste un homme avec son mystère, son passé, ses conflits intérieurs, ses déviances… tout ce qui fait un homme, à quoi nul ne saurait échapper. A quoi il faut ajouter de graves failles psychiques.

    Aujourd’hui nombre de personnes, à l’image de Patrice Alègre, souffrent de déséquilibres psychiques. Ce problème envahit les prisons où de nombreux détenus, atteints de tels déséquilibres, n’ont rien à y faire. Certains de ces détenus sont potentiellement dangereux, et la prison ne fait que les abîmer un peu plus. La société trouverait avantage à ce que ces détenus bénéficient d’une prise en charge médicale hors prison sans pour autant relever d’un hôpital psychiatrique. Mais aucune structure n’existe pour les accueillir.

    Le drame évoqué illustre ce problème. Le tueur n’aurait pas dû être où il était.

     

    La seconde question porte en elle-même la marque de son absurdité.

    Quel peut être le bénéfice, pour le coupable comme pour la victime et la société, de deux jours de prison en plus ou en moins ? Nous sommes en présence de l’application-type d’un juridisme purement formaliste qui ramène la justice à sa seule fonction punitive : rien ne peut être retranché de la peine énoncée, sans quoi il manquerait quelque chose à la justice. La justice se confond alors avec la justesse mathématique. Celle-ci, il est vrai, protège de l’arbitraire ; mais faire reposer la protection de la société et la punition du coupable sur un calcul mathématique scrupuleux, n’est-ce pas aberrant ? N’est-ce pas même décourageant et contre-éducatif de renvoyer en prison un coupable qui n’a commis aucune infraction nouvelle entre le moment où il a été libéré et le moment où le jugement est prononcé ?

    Il arrive aussi que, pour des petites peines, le coupable doive attendre des mois avant d’entrer en prison. Cela veut dire que le juge lui fait confiance et estime qu’il y a peu de chances qu’il commette de nouveaux délits pendant tout ce temps. Ce temps entre le prononcé du jugement et l’entrée en prison ne pourrait-il pas compter comme un temps de mise à l’épreuve ? Croit-on que la prison a tant de vertus éducatives que d’y entrer est une garantie d’amendement ? Si l’on estime légitime qu’un délinquant répare le mal qu’il a fait, mais qu’on pense pouvoir surseoir à l’application immédiate de la peine de prison qu’il encourt, pourquoi ne pas lui faire faire des travaux d’utilité publique ? Il est plus acceptable, pour le coupable comme pour la société, d’accomplir une peine dans la foulée de l’infraction et du jugement que d’attendre sans savoir quand ce sera et sans pouvoir engager sa vie de façon positive.

    Nous constatons que la psychologie des personnes est de plus en plus fragile. Nous savons qu’il est fréquent que des jeunes se livrent à des auto-mutilations qui peuvent aller jusqu’au suicide. Croit-on que cette sorte d’arbitraire administratif qui repousse le prix à payer à des mois de distance, sans qu’on sache pourquoi ni jusqu’à quand, soit la solution ?

     

    Dans le meurtre évoqué en exemple, tout n’était-il pas évitable en amont des erreurs d’appréciation qui ont abouti à la mise en présence de l’assassin et de sa victime ?

    La prison était-elle le lieu où aurait dû se trouve le meurtrier?

    La prison pendant deux jours, était-ce indispensable pour que la justice soit satisfaite ?


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