• Tout le monde savait mais personne n’osait imaginer jusqu’où irait, sur notre continent, ce qu’il faut bien appeler « la traite des hommes », de toutes couleurs, races et ethnies.

    Sans oublier la traite des femmes dont on ne parle presque plus.

    Pour prendre conscience de ce qu’est le trafic des hommes, il fallait découvrir par hasard une cargaison humaine, comme on découvre par hasard dans un véhicule, parmi des centaines d’autres qui ne seront jamais inquiétés, des tonnes de cocaïne ou d’héroïne.

    Comme aux plus beaux temps de l’esclavage, le trafic n’a pas d’autre finalité que le commerce des forces humaines pour des raisons économiques et parfois politiques.

    Certes, aujourd’hui, ce sont les hommes eux-mêmes qui sont candidats à prendre place dans des barques et des camions pour émigrer sous d’autres cieux. Lorsqu’ils acceptent le marché, ils sont encore des hommes. Ils ne se doutent pas que pour ceux avec qui ils traitent ils ne sont déjà que des marchandises dont on prendra le minimum de soins.

    Combien de milliers de boat-people ont péri au fond des mers ; combien d’autres ont été pillés par des pirates ou jetés à la mer par des commandants de bord peu scrupuleux... Il faut être au fond de la misère et du désespoir pour confier aveuglément sa vie à des inconnus.

     

    A ces trafics président des gangs bien organisés, en dehors de toute légalité, ce qui est encore heureux. Sans doute ces gangs seront-il aussi difficiles à démanteler que les trafiquants de drogue, tant le marché, comme ont dit, est « porteur ». Les candidats à la ‘traite’ sont nombreux, car nombreux sont les pays qu’il est préférable de quitter, à n’importe quel prix.

    Les pays riches ne jouent-ils pas, dans cette déchéance humaine, un mauvais rôle ?

    Qu’ils exercent un attrait sur des populations démunies ou assujetties ne peut leur être imputable puisqu’ils ne sont pas directement responsables de l’imaginaire de peuples qui projettent sur eux l’espérance d’un paradis qu’ils ne sont pas et ne seront jamais.

     Mais ils sont en responsables dans la mesure où ils sont à l’origine de nombreuses situations de pauvreté dans le tiers-monde et dans la mesure où ils bloquent des évolutions possibles : l’Irak continue de voir sa population affamée avec l’accord de toutes les grandes puissances ; Anjouan continue de subir un blocus désastreux pour sa population dans une totale indifférence, la République Démocratique du Congo est pillée par tous...

    Les pays riches continuent d’accroître leurs richesses et les pays pauvres ont de plus en plus de mal à s’administrer et à trouver la voie d’un improbable développement dans un monde où ce sont les riches qui font la loi du marché, véritable idole contemporaine.

    Dans nos pays riches, chacun défend ses «avantages acquis», du smicard au PDG. Les pays pauvres ne sont-ils pas en droit de se plaindre de leurs «désavantages acquis» ?

     

    Dans un monde où la seule valeur est l’argent, où l’homme se vend et s’achète sans pudeur, où l’homme riche peut se vanter : « moi, je vaux tant », parlant de lui comme d’une marchandise, comment s’étonner que ce vide d’humanité aboutisse à un camion- tombeau ?

    Les uns s’imaginent qu’ils sont ce qu’ils valent et que leur poids de dollar constitue leur être. Les autres savent qu’ils ne valent rien et se ruinent pour être enfin quelqu’un.

    On n’existe pas quand on croupit au fond de sa misère.

    Est-on sûr d’exister quand on prend son prix marchand comme référence ?

    Le problème n’est pas propre à notre société. Il est de tous les temps et de tous les lieux.

    Les règles économiques contemporaines et une culture de plus en plus abstraite et anonyme, donnent à ce problème une acuité nouvelle : l’homme est-il encore le centre du monde ? Est-ce lui qui a la maîtrise des richesses qu’il crée, ou s’en est-il rendu l’esclave ?

    Si la seule considération que j’ai de moi est ce que je possède dans un paradis fiscal, quel intérêt puis-je trouver en l’autre sinon ce qu’il vaut au marché et peut me rapporter ?

    Finie l’amitié et fini l’amour. La gratuité sort du domaine des relations humaines. L’homme doit rapporter de l’avoir, non pas seulement à l’outil économique – ce qui est légitime et nécessaire - mais à ceux qui déjà possèdent.

     

    Ils étaient partis pour le paradis. Ils n’ont pas quitté le pire enfer, celui des hommes.

    Le seul vrai passeur est celui qui ne valait que trente pièces d’argent, une misère !

    fr. André LENDGER


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  • Le pape Jean-Paul II n’a pas oublié les prisonniers pour ce jubilé 2000.

    Il a été au milieu d’eux non pour se réjouir de leur situation, mais pour prier avec eux Celui qui est venu ouvrir toutes grandes les portes qui les gardent enfermés.

    La démarche de Jean-Paul II rejoint de nombreuses autres démarches accomplies jusque dans notre pays où une commission parlementaire a rendu un rapport accablant.

    Les questions sont nombreuses puisqu’elles mettent en cause le fonctionnement d’une institution qui, si elle protège et rassure les gens du dehors, laisse sans voix le visiteur qui a l’occasion d’y être introduit un jour : entassement, promiscuité, violence, manque d’activités…

    Dans tous les pays du monde, dans toutes les prisons, ce sont les mêmes problèmes.

    Les bâtiments sont souvent vétustes. Quand ils ne le sont pas, ils sont surpeuplés avant d’être achevés. Parce que la délinquance augmente ? parce qu’on incarcère trop facilement et que les peines sont trop lourdes ? parce qu’on redoute d’ouvrir trop tôt les portes ?

    L’exemple récent de Patrick Henry laisse perplexe : un crime odieux, un détenu exemplaire, l’avis favorable de tous ceux qui avaient à se prononcer sur sa libération ; mais les gens ont eu peur ou peut-être trouvaient-ils que la vengeance n’était pas encore assouvie.

    D’autres Patrick Henry croupissent dans nos prisons.

     

    La question ne se résume pas à ces constats qui sont de l’ordre de l’aménagement.

    Elle est : « la prison, pour quoi faire ? » : pour punir ou pour resocialiser ?

    La conséquence est : « y a-t-il un homme dont on puisse dire qu’il est moins homme qu’un autre ? ». Le détenu est-il exclu de la condition humaine du fait de son acte ? ne doit-il pas être encore considéré comme un homme, et bénéficier du respect dû à tout être humain ?

    La société – et donc chacun d’entre nous – est-elle prête à faire confiance aux détenus récemment libérés en les accueillant comme des hommes et des femmes qui viennent de traverser une rude épreuve, qui ont besoin d’être réintégrés dans la société comme tout le monde et qui ont droit à un travail ? Sinon la libération risque de n’être qu’une duperie.

    Si la naïveté n’est pas de mise, ne convient-il pas d’oser prendre des risques ?

    La prison, qu’elle le veuille ou non et quel que soit le dévouement du personnel pénitentiaire, se situe, dans la conscience politique et sociale, du côté de la punition et de la vengeance et non pas du côté de l’effort à faire pour réadapter des êtres blessés.

    La prison est-elle la réponse la mieux adaptée aux maux sociaux ? L’idéal ne serait-il pas sa suppression et son remplacement par des structures qui tiennent compte de la différence entre les détenus : cas pathologiques, jeunes délinquants en mal de règles intérieures, violents par hasard, violeurs, démunis… Ces structures différenciées pourraient alors suivre, pour les guider dans leur réinsertion, ceux qui ont commis des infractions.

     

    Ainsi que le dit Jean-Paul II, il faut repenser la prison.

    Mais repenser la prison, c’est aussi repenser la justice et le but qu’elle poursuit.

    L’augmentation des peines de longue durée donne-t-elle des résultats probants ? N’arrive-t-il pas un moment où l’accumulation des années ne sert à rien pour la « guérison » interne du sujet, mais contribue au contraire à le mettre définitivement hors circuit social ?

    La différence des peines pour des délits voisins laisse parfois un goût d’arbitraire qui dessert la confiance que chacun est en droit d’attendre de la justice.

    Que juge-t-on et que condamne-t-on : un acte délictueux ou une personne ?

    Juger un acte peut paraître assez simple : des barèmes existent et il est possible d’ajuster d’aussi près que possible une peine à un acte.

    Juger une personne fait appel à des critères plus subtiles, sociaux et psychologiques, car le jugement essaie alors de tenir compte non seulement de l’acte, mais de la personne dans sa complexité, sans jamais perdre de vue le problème de sa réinsertion.

    Protéger la société, punir l’acte, condamner l’auteur du méfait tout en cherchant à le sauver dans son avenir, telle est la tâche difficile mais belle de la justice.

     

    Restera toujours, à la charge du citoyen ordinaire, l’effort de considérer l’ancien condamné comme un homme et de lui donner sa chance.

    fr. André LENDGER


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  • Question apparemment de peu d’importance pour nous. Est-ce si sûr ?

     

    Les ivoiriens viennent de se prononcer, par voie de référendum, sur le concept même d’ivoirité : est ivoirien celui qui est né de père et de mère ivoiriens.

    Tant pis surtout pour M. Ouattara, candidat à l’élection présidentielle, que la classe politique ivoirienne en place veut absolument exclure de toute participation à ce scrutin.

    Au-delà de la crispation sur la personne de ce candidat, et quelles que soient les raisons, bonnes ou mauvaises, de vouloir l’écarter, les conséquences de ce référendum sont inquiétantes. Car les résultats ne valent pas pour lui seul mais pour tous.

    Le pays vivait en paix et prospérait, en un temps qui n’est pas si lointain, avec ses burkinabés qui avaient, depuis plusieurs générations, participé à son développement.

    Burkinabé ou ivoirien - qu’importait à l’époque et personne ne semblait s’en soucier -  M. Ouattara avait été premier ministre de ce pays qu’il considérait comme sien.

    L’argument de la différence des races et de l’origine a été soulevé tout soudainement .

    Déjà des burkinabés ont été victimes de tracasseries et de persécutions dans un pays dont l’économie est ébranlée, où le chômage et la délinquance augmentent.

     

    Le démon de la pureté ethnique a frappé la Côte d’Ivoire.

    Le pays, qui s’illustrait par sa capacité d’accueil et d’assimilation, s’oriente désormais vers l’exclusion. Une partie non négligeable de la population se trouve exclue par la définition très restrictive donnée à l’ivoirité, un concept totalement nouveau.

    Chacun redoute, non sans raison, un nouveau foyer de déséquilibre dans une Afrique qui, déjà, n’en manque pas, dont beaucoup sont le fruit de questions ethniques.

    Les ambitions politiques de quelques personnalités jetteront-elles bas une paix intérieure qui était le gage du développement du pays ?

    En Europe, ce sont des entités spécifiques qui demandent des statuts spéciaux ou qui décident de se séparer des pouvoirs centraux. Cela donne lieu à des conflits du type du Kosovo ou de la Tchétchénie, de l’Irlande du Nord ou du Pays Basque, sans oublier la Corse.

    En Côte d’Ivoire, un pays sous-peuplé, c’est au contraire le pouvoir central qui exclut de la reconnaissance ivoirienne une partie de la population qui est sur son sol.

    Autre est l’Europe et autre l’Afrique avec la multiplicité de ses ethnies et de ses langues, avec ses traditions encore vivantes. Les africains n’ont aucune raison de nous copier et n’ont d’ailleurs rien à nous envier en matière de guerres internes et de terrorisme.

    Mais, où que ce soit, l’exclusion donne rarement des fruits de paix.

    Le pays qui exclut risque, demain, de se trouver à son tour exclu du collège des nations qui imposent un minimum de règles communes en matière d’égalité des droits.

     

    On parle de plus en plus de l’unité de l’humanité ou du genre humain tout en reconnaissant et en favorisant l’expression de sa diversité, source de richesse.

    C’est la tâche des hommes politiques de faire émerger cette unité tout en sauvegardant la diversité. C’est la meilleure garantie qu’ils puissent donner à la paix et au développement.

    La morale politique consiste à reconnaître à ceux qui sont minoritaires en quelque domaine que ce soit (race, religion ou autre) les mêmes droits qu’aux autres : citoyenneté, accès aux responsabilités dans l’Etat, liberté de réunion et de parole…

    Dans notre monde si complexe et surarmé, il est inquiétant de voir des nations créer des inégalités et donc des frustrations qui risquent de déboucher un jour dans la violence.

    La prudence politique devient alors une vertu cardinale. Non pas une prudence couarde qui se cache la vérité et nie les problèmes, mais la prudence qui consiste à proposer de nouveaux équilibres, à oser ce qui n’a pas encore été tenté, à préparer l’avenir.

    Cette prudence doit jouer à l’échelle de la planète. Solidaires, les Etats et leurs dirigeants sont responsables les uns devant les autres et devant l’humanité.

    Ceux qui se livrent à des politiques à relent raciste doivent savoir les préjudices graves que risque d’encourir leur pays. L’Autriche est là pour le rappeler. Mais il y a aussi la guérilla !

     

    L’ivoirité est un concept dangereux. Puisse-t-il ne pas devenir explosif !

    fr. André LENDGER


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  • Tous les hommes recherchent le bonheur. Chacun entretient son petit ou son grand rêve de bonheur, celui-ci évoquant une vie débarrassée des tracasseries et des soucis de tout genre. 

    De la même façon tous les parents souhaitent que leurs enfants jouissent d’une santé parfaite, sans les handicaps liés à la nature (trisomie ou autre maladie génétique détectable avant même la naissance) qui pèseraient plus tard sur leur vie entière.

    Les moyens modernes favorisent ces aspirations à une vie plus facile. L’espoir semble à portée de la main : la maladie vaincue, les problèmes économiques résolus. Ne resteraient que les problèmes de cœur, l’assurance étant moins que jamais de mise dans ce domaine.

    Ces mêmes moyens font espérer que demain seront éradiquées un grand nombre de maladies dues à des problèmes génétiques. Les travaux scientifiques avancent à grands pas et dès maintenant les malformations génétiques peuvent être détectées bien avant la naissance.

    C’est dans ce contexte qu’il faut recevoir l’allongement de la durée à 12 semaines pendant laquelle sera autorisée l’IVG. Ce délai est encore trop court aujourd’hui pour déceler les maladies génétiques, mais d’autres pays ont déjà prolongé ce délai jusqu’à ce qu’elles puissent l’être.

    Or, quel parent ne souhaite pas avoir un enfant sain dès sa naissance ?

     

    Si telle est la vision que nous entretenons pour l’humanité à venir, nous sommes inévitablement conduits à poser la question des moyens pour y parvenir, et donc celle de l’eugénisme.

    De même que nous sélectionnons les semences végétales et animales, de même nous sommes en train de glisser vers une sélection de la semence humaine pour sélectionner les humains.

    Par le biais de la santé, nous ambitionnons de donner naissance à une humanité constituée de garçons et de filles doués d’une solide santé physique, à l’abri de tout handicap naturel, beaux et forts, sûrs d’eux-mêmes, dominateurs, tels qu’on en voit les statues idéalisées placées par les régimes nazis et fascistes à l’entrée des grands stades de Berlin et de Rome.

    Nous voulons croire que le bonheur auquel chacun de nous aspire sera atteint le jour où nous serons maîtres de la nature et lorsque nous aurons éliminé toute tare physique et  psychologique.

    Est-ce la voie du bonheur ? l’humanité en sortira-t-elle grandie et même améliorée ?

    Il n’est pas question de minimiser et encore moins de rejeter l’intérêt et l’importance des travaux des chercheurs. Tout ce qui peut améliorer le sort de l’homme est un progrès indiscutable. Ce qui l’est moins est la façon dont nous utilisons les découvertes. En utilisant ces moyens pour préserver notre santé et celle de nos enfants, c’est l’orientation spirituelle de l’homme qui est en cause.

    S’il est légitime de désirer ne pas avoir un enfant trisomique ou atteint de quelque autre handicap, la question se pose de savoir s’il est aussi légitime de se lancer dans la recherche systématique de l’enfant garanti idéal tant au plan physique qu’au plan psychologique.

     

    La recherche inlassable de l’enfant parfait et de la vie sans souci fait partie du projet de l’homme et de sa lutte pour faire reculer le mal est rendue possible. Elle répond à la nostalgie d’un paradis originel qu’il nous serait possible d’instaurer par nos propres forces humaines. Ne met-elle pas en danger l’humanité en la berçant de l’illusion que c’est possible et finalement en la bernant ?

    Tout ce qui peut soulager la souffrance de l’homme est bon et toute recherche du bonheur est positive, car l’homme est fait pour le bonheur. Mais ce désir se heurte à la limite d’un mal antérieur, toujours premier, que nous l’appelions péché d’origine ou d’un autre nom.

    La recherche de l’homme parfait présente le danger de nier la condition humaine présente.

    La souffrance est l’ennemie de l’homme et l’homme prouvera sa force et son génie en parvenant à l’éliminer. Mais il trouvera sa grandeur et sa dignité en l’assumant là où elle se trouve.

    La lutte contre le mal grâce à la recherche et à la technique et l’acceptation du mal qui surgit sont les deux volets de la place de l’homme dans la nature.

    Faire croire que la souffrance demain disparaîtra est une tromperie. La faire reculer, aussi loin  qu’on peut nous laisse la responsabilité de la vivre.

    L’humanité glisse sur la pente de l’eugénisme. Il n’est pas sûr qu’elle y gagne, si l’on estime que ce qui fait l’homme est son être moral. Que cherche-t-on à vouloir éviter la venue au monde de handicapés : éviter la souffrance de ces êtres à venir ou rechercher notre confort personnel ? la réponse à cette question engage non seulement les géniteurs mais une certaine conception de l’homme.

    Accepter la souffrance n’est-ce pas aussi une façon de la dominer ?

     

    La science résout des problèmes techniques ; à l’homme de résoudre les problèmes moraux.

    fr. André LENDGER


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  • Les avatars du général Pinochet pourraient nous faire croire qu’il n’y en a pas.

    Est-ce bien sûr ?

     

    Le cas du Chili est exemplaire, mais ce qui sert d’exemple n’est pas forcément destiné à faire école. La possible mise en accusation du général Pinochet résulte d’un concours de circonstances tout à fait exceptionnel. Rien ne dit qu’il se reproduise de sitôt.

    Passer d’une dictature à une démocratie n’est pas à la portée de toutes les nations.

    Quelques-unes ont cependant réussi à se débarrasser de leurs dictateurs et ceux-ci ont trouvé de paisibles terres d’accueil dans des démocraties occidentales. Il est vrai que, contrairement au général Pinochet, la plupart d’entre eux ne jouent plus aucun rôle dans leur pays d’origine et ne constituent plus une menace… ce qui n’empêcherait pas de les juger.

    Mais un certain nombre de dictateurs se maintiennent au pouvoir avec l’aide indirecte des démocraties, ce qui est paradoxal. C’est ainsi que les deux personnages-phare que sont Saddam Hussein et Milosevic doivent leur longévité dictatoriale aux maladresses occidentales.

    On peut même se demander si la situation dramatique dans laquelle l’embargo et les continuels bombardements anglo-américains plongent la population de l’Irak ne relève pas en elle-même de la violation des Droits de l’Homme. Sous prétexte de faire plier un homme, on tue sciemment une partie de la population en l’affamant et on prive le pays de tout avenir non seulement en anéantissant ses structure industrielles, mais en rendant impossible tout accès à l’éducation.

     

    Les dictateurs ne sont donc pas encore réellement menacés. La frontière est d’ailleurs floue entre un dictateur, un homme fort et un président honoré. M. Poutine est un homme fort ; certains présidents africains sont de vrais dictateurs bien qu’il soient reçus dans certaines démocraties.

    Il est vrai que, dans plusieurs pays d’Afrique ou d’Amérique Latine, d’anciens dictateurs reviennent au pouvoir d’une façon relativement démocratique. S’ils conservent un profil autoritaire, ils se gardent de leurs excès antérieurs. Là encore, les frontières sont incertaines.

    Il ne faut pas oublier que les responsabilités sont partagées. Ce qui nous est révélé peu à peu de la vente des diamants africains montre que les dictateurs en herbe qui arrivent au pouvoir par le terrorisme sont soutenus efficacement par ceux qui trafiquent avec eux, et par bien d’autres…

    Faut-il juger et condamner non seulement les dictateurs mais leurs complices ?

    Moralement ils sont déjà condamnés. Cela ne suffit évidemment pas.

    L’importance de mouvements comme « Amnesty International » est de nous rappeler que la justice concernant la dignité et le respect de l’homme ne peut pas se contenter de déclarations d’intention, mais que partout où l’homme est en danger, il convient de le faire savoir et d’agir.

    La limite de toute action est cependant évidente : à imposer la rigueur dans toutes les opérations politiques et commerciales on s’achemine vers une autre dictature, celle de la pureté. Ce n’est pas la moins dangereuse. Elle peut déboucher sur la Terreur, comme en 1794.

     

    Le but de toute action à l’encontre des dictatures est que tout homme ait la possibilité de vivre dans la dignité et le respect de soi avec la liberté de pensée, de parole et de circulation.

    La vigilance s’impose, car les conditions qui favorisent les dictatures sont loin d’avoir partout disparu. Là même où il semble qu’on ne courre aucun risque de dictature, nombreuses sont encore les situations de pauvreté humaine (ou plutôt inhumaine) et d’exploitation qui méritent d’être dénoncées et qui exigent parfois l’intervention des tribunaux nationaux ou internationaux.

    L’homme doit être la mesure de toute action. N’est-ce pas ce qui pose problème dans les conditions imposées à l’Irak ? On ne prend pas en considération les irakiens. On prétend ne faire la guerre qu’à un seul homme et on provoque la mort de quantité d’autres hommes, déjà otages du premier. Ce qui apparaissait juste au départ se révèle non seulement vain mais radicalement injuste.

    Les meilleures intentions peuvent conduire à des actions moralement douteuses et même condamnables. N’est-ce pas ce qui se passe en Grande-Bretagne avec la chasse aux pédophiles ?

    Le combat contre les dictatures et contre tout ceux qui portent atteinte aux droits de l’homme a besoin du concours de tous. Il faut avoir le courage de parler et d’informer, non par esprit de délation, mais pour faire connaître les maux cachés de toute société. Mais il ne faut pas se tromper de moyen sous peine de tomber dans l’injustice et de se retrouver soi-même en situation d’accusé et de violent. 

     

    Dans tous les pays, même les plus attentifs à l’homme, les situations d’injustice demeurent proches. Il sera toujours indispensable d’établir des veilleurs pour que tout homme soit respecté.

    C’est dans le respect que même les dictateurs et les violents doivent être jugés.

    fr. André LENDGER


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