• Un point n'a pas d'autre existence que celle que nous lui prêtons. Il surgit d'un passé et bondit vers un avenir. Comme le fléau vacillant de la balance, le point est un moment imaginaire entre un plus et un moins, entre un avant et un a-près. Noël : un point qui jaillit de la nuit cahotique des temps et nous précipite vers una parousie lumineuse et unifiante. Noël est un point sur une courbe. Noël n'est pas le sommet de la courbe : laissons-en le privilège à la fête de Pâques. Noël se situe quelque part sur la courbe de l'histoire du monde et sur la courbe de notre histoire personnelle, le point où nous commençons à voir briller la lumière. Nous pas que la lumière ne brille pas depuis longtemps, depuis l'aube de notre vie et de toute vie,mais nous ne l'avions pas remarquée, tout occupés que nous étions aux tâches quotidiennes. Car elle est faible la lumière de Noël. Dans notre nuit humaine, nous ne parvenons à  la saisir que comme une promesse. Les promesses, nous connaissons : lentes à se réaliser, tôt oubliées, sans lendemains. Nous avons tendance à penser que Dieu est comme nous, oublieux. Mais Dieu tient ses promesses, jusqu'à en mourir. En ce point qu'est Noël, le ciel et la terre se rencontrent et s'unissent : Dieu vient. Dieu est venu.  Dieu habite parmi nous. Personne ne s'en rend compte, si ce n'est quelques bergers, trois sages orientaux et les coeurs purs de tous les âges. Les hommes ont continué et continuent leur vie, les uns en cherchant Dieu où il n'est pas, d'autres s'occupant de leurs affaires, d'autres encore imaginant de glorieuses campagnes meurtrières, plus importantes à leurs yeux que le vagissement d'un enfant, fût-il le Prince de la Paix. Les temps changent. Dieu ne change pas. Le regard des hommes sur Dieu, lui non plus, ne change pas. Les promesses de Dieu tiennent-elles ? Qui s'en soucie ? Dieu, en prenant notre chair, veut-il demeurer avec nous ? Les hommes sont toujours prêts à le recrucifier. Demain, délaissant le promesse de Noël, nous baisserons les bras devant nos maux, accusant la fatalité, oubliant que celle-ci n'existe que dans notre lâcheté passive et paresseuse. Dieu vient en ce point médian où toute vie n'est que promesse fragile et menacée . Seul le cri d'un enfant peut sauver le monde.

    fr. André LENDGER


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  • S'ensuivent élan missionnaire, mais aussi sentiment de supériorité. De tels élans peuvent déraper : nous en avons de nombreuses preuves historiques.

    Comment se pose aujourd'hui la question de notre relation aux autres religions - la plus grande partie de l'humanité ne partage pas notre foi

    - les religions nous sont mieux connues dans la mesure où les moyens de communication, les échanges culturels et les mouvements migratoires ont rapetissé le monde, rendu proche ce qui était lointain, parfois même établi une promiscuité explosive.

    - les religions sont de plus en plus mêlées aux conflits politiques, quels que soient les continents et les religions : Iran, Inde, Pologne,..

    - les religions, dans leur diversité, suscitent des comportements humains divers  : travail, argent, famille, femme, enfants, nourriture,... ne sont pas perçus de la même façon par les uns et par les autres.

    - les chrétiens appartiennent aux pays riches (au moins ceux de l'Europe occidentale). Les autres religions nous apparaissent liées au sous-développement industriel mais aussi culturel. Même dans notre pays les autres religions se rencontrent majoritairement chez des travailleurs occupés à des emplois subalternes et chez des marginaux.

     

    L'imbrication de toute religion dans la vie courante et la multiplication des relations entre groupes humains hétérogènes amènent peu à peu chacun à durcir le ton vis-à-vis de l'autre et à porter des jugements hâtifs aux fondements fragiles.

     

    A l'occasion de la "Journe Mondiale de la Paix" du 1er Janvier 1991, le pape Jean-Paul II nous adresse un message sur cette question.Il nous invite :

                - à respecter la conscience de chacun.

                - à être tolérants.

    Les religions redeviennent des points de ralliement des hommes à la suite des bouleversements mondiaux et de la crise des valeurs.

    Les religions, si différentes soient-elles et si intolérantes nous apparaissent-elles, veulent combler l'aspiration universelle de l'homme à l'unité et à la paix dans l'adoration. Elles ne doivent pas ajouter (la nôtre en premier lieu) aux causes naturelles de friction.

     

    Les chrétiens, qui adorent le Prince-de-la-Paix, savent bien que leur foi les tourne naturellement vers l'annonce de la paix.

    Ils savent aussi, eux qui adorent un Dieu crucifié, que ce n'est pas par des triomphes humains qu'avance le Royaume de Dieu.

     

    La mission demeure urgente :

    - elle doit tenir compte de la vérité qu'elle veut proclamer, une vérité qui est adéquation de notre vie et de notre foi.

    - elle implique, de la part de l'Eglise et donc de tout chrétien, le respect de toute religion et de tout homme dans ses convictions.

    - elle passe par un éveil des consciences

     

    fr. André LENDGER


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  •  

    Jamais une civilisation n'a produit autant d'images que la nôtre.

     

    Quelques unes sont belles ou émouvantes.

     

    Beaucoup, en extrême abondance même, nous confrontent à la violence, aux cités-bétons, aux conflits familiaux ou sociaux, aux morts de toutes les routes humaines .

     

    Ces images nous attirent et nous marquent, nous fascinent et nous blessent.

     

    Nous n'avons parfois qu'une envie : tourner le bouton ou fermer les yeux, non sans nous demander jusqu'où l'homme est capable d'aller dans l'horreur et l'abjection.

     

     

     

    Les sociétés contemporaines, quelles qu'elles soient, nous proposent spectacles et images dont beaucoup nous paraissent comme autant de maux.

     

    Quelle société a  jamais pu éviter de tels excès ?

     

    Aucune (en dépit de quelques tentatives) n'a réussi à imposer une rigueur de mœurs telle que rien jamais ne vienne troubler le regard de quiconque.

     

    La nouveauté vient de la prolifération des images-choc qu'on ne peut éviter de  voir, qui s'imposent à nous et finissent par habiter et hanter notre imaginaire personnel.

     

    Eclate alors un ras-le-bol, un durcissement intérieur, un refus.

     

    Nous parlons de scandale.

     

    Nous cherchons des coupables : producteurs et réalisateurs de films, journalistes et photographes de l'insoutenable, agents de publicités aguichantes,... Et nous requérons la police ou les autorités civiles.

     

     

     

    Provoqués par l'image, nos yeux demeurent prisonniers de son pouvoir.

     

    Nos réactions en deviennent passionnelles, sans nuance, et refusent toute raison.

     

    Nous tentons d'échapper à la complicité qui pourrait s'insinuer en nous, transformant notre rejet initial en regard complaisant.

     

    Qui peut tracer la limite entre ce que nous désirons plus ou moins lucidement, et ce que nous refusons de toutes nos forces avec notre pleine conscience ?

     

    A nous engager sur cette voie, nous nous enfonçons dans une impasse, car nous ne sortirons jamais du tunnel psychologique, aussi étouffant que les images.

     

     

     

    "Si ton oeil te scandalise,..." nous dit Jésus.

     

    Le scandale pourrait bien avoir une de ses sources en nous-mêmes.

     

    Le scandale : la conjonction de notre complaisance, ou de notre peur, et d'une image repoussante-attirante.

     

    Notre oeil : il ne suffit pas d'accuser les fabricants d'images, si perverses ou atroces soient-elles. Qui pourra jamais vivre dans une société sans traumatismes, sans incitations malsaines ? Le scandale est aussi inévitable que l'homme pécheur.

     

    Notre oeil : quelque chose existe en nous que nous pouvons changer, que désigne notre répulsion. Nous ne dénonçons le mal de l'image que parce que nous le reconnaissons en nous et que nous avons, quelque part en nous, partie liée avec lui.

     

    L'horrible, l'abominable, le honteux, l'atroce existent bel et bien.

     

    Ils ne deviennent occasion de chute ou de scandale que parce que mon "intérieur" est fragile.

     

     

     

    Si notre oeil s'arrête à la surface du visible, en reste à la douleur du choc reçu, et n'éveille que nos pulsions-passions, s'il ne parvient pas à se libérer de son mal intérieur, comment pourra-t-il accueillir non seulement ce qui est paisible et beau, mais l'au-delà de qui l'est ?

     

    Comment pourra-t-il déceler, par-delà l'étoile, la promesse ?

     

    par-delà le visage de l'homme bafoué, le Christ ?

     

    Nous ne pouvons passer sans voir.

     

    A nous  d'apprendre à lire avec le regard de notre cœur.

     

     

    fr. André LENDGER


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  •  de fr. Nicolas-Bernard VIRLET 

    Avec vous nous voudrions encore croire possible que le cauchemar dantesque, qui se profile à l'horizon désertique de notre espérance, en ces jours qui viennent, n'est qu'un mauvais rêve, et qu'une autre Réalité est encore possible, plus proche du rêve créateur de Dieu sur l'homme. Pour cela ne faut-il pas avoir l'ultime audace de mêler, en ces jours aux enjeux si gigantesques, l'appel au cœur et à l'esprit, à la raison politique qui préside en dernier recours à un tel choix : guerre ou paix.

     

     

     

    En effet la frontière entre le bien et le mal ne passe pas entre tel ou tel homme, mais dans le cœur de tout homme. Ainsi en tout homme demeure une parcelle de lumière qu'il lui est toujours possible de saisir en lui-même, en son frère, si enfouie soit-elle.

     

     

     

    Ainsi, en dernier recours, pour ce type de terrifiante décision qui semble appartenir à deux hommes - Georges Bush et Sadam Hussein - le choix reste encore possible, car l'homme, en aucune situation finale, n'est entièrement déterminé et contraint. Là se tient son ultime grandeur : quand tout semble le conduire inexorablement vers des actes d'une irréparable gravité, faisant de l'homme un loup pour l'homme, la révolte de l'esprit où surgit la liberté créatrice qui réside en tout homme est bien plus grande et vraie que toute solution, fruit de la logique en marche.

     

     

     

    L'équilibre du Proche et Moyen-Orient semble être assis depuis des décennies sur des injustices qui ne peuvent que générer injustice et violence. Toujours trop de larmes et de sang ont déjà coulé dans ces régions du monde et dans tant d'autres. Selon un proverbe africain, quand deux éléphants se battent, ce ne sont pas les éléphants eux-mêmes qui souffrent le plus, mais l'herbe qui est en dessous ; ce seront tous les petits, les pauvres, les démunis de la terre. Peut-être fallait-il que l'on arrive à ces derniers jours, avec un tel déploiement d'armement dans un équilibre terrifiant pour que s'ouvre le cœur de l'homme, pour que l'humanité prenne conscience d'une situation intolérable.

     

     

     

    Tôt ou tard, à la fin d'une guerre, il faut s'asseoir à une table commune pour faire des bilans non moins terrifiants et essayer de reconstruire. Alors que toute démarche de dialogue diplomatique semble avoir échoué jusqu'à ces jours, la seule voie pour que l'homme demeure homme pour l'homme ne serait-elle pas dans un ultime geste, prophétique entre tous, transcendant la raison politique et sa logique froide dans ses solutions finales : celui d'une rencontre entre ces deux chefs d'Etat eux-mêmes qui ouvriraient, après, des rencontres entres tous les représentants sans exception de cette région du monde. Ces deux hommes, leur peuple, l'humanité toute entière en sortiraient infiniment grandis.

     

     

     

    C'est avec et au nom de tous les enfants de la terre, avant que des idéologies en aient fait des adultes prématurés ou des interdits d'innocence, avec tous les enfants qui souffrent en leur chair, en leur esprit, en leur âme, avec tous les petits de la terre, avec tout homme de bonne volonté, que nous devons porter activement cette Espérance prophétique jusqu'au bout. Car la Paix est possible aujourd'hui, et non demain après une guerre.

     

     

     

    Oui, si ces deux hommes acceptaient de commencer à boire un verre d'eau ensemble dans une simple rencontre, la face de l'humanité, qui en ces jours prend les traits sinistres de la mort, en serait changée. Les gestes les plus simples dans l'histoire ont toujours été les plus grands, ceux que l'on connaît, ceux que l'on a retenus, ceux que l'histoire a retenus, car ils ont fait l'histoire, c'est-à-dire ce qu'il y a de grandeur, de bonheur et de bénédiction en notre humanité commune à tous.

     

     

    fr. Nicolas-Bernard VIRLET


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  • par Fr Benoît-Philippe PEKLE 

    Des images oubliées depuis le printemps de Pékin ressurgissent de nos mémoires.

     

    Comme si l'hydre de la violence renaissait.

     

    Pour nous rappeler notre souffrance de croyant et ré incruster en nos cœurs la question fondamentale :

     

    Si Dieu existe, pourquoi ?

     

    Pourquoi le loup ne vit-il pas avec l'agneau puisque Dieu s'est fait homme, puisque le prince de la paix est arrivé, puisque les cieux se sont ouverts sinon pour nous rappeler que le royaume annoncé reste en tension entre une incarnation et un accomplissement n'éliminant jamais l'histoire de la souffrance et nous laissant des rêves d'Histoires à accomplir.

     

    Gardons nous des assimilations hâtives des déceptions trop vite acceptées des pertes de confiance envers des hommes nouveaux sous prétexte qu'ils ne réalisent pas une utopie que nous seuls avons rêvée. Gardons nous des reprises en mains dues aux seules pesanteurs de l'histoire.

     

    Les rêves, et le communisme en fut un (et un des plus beaux) sont, lorsqu'ils sont universels, irréalisables comme tous les messianismes.

     

    Le fait d'en prendre conscience ne doit pas nous empêcher d'en réaliser au moins une partie.

     

     Nous piétinons les ruines d'un rêve et nous savons désormais qu'il y a malgré tous les "plus jamais ça" du monde un panthéon des Massada, des Oradour et des Viet Nam, des Cambodge, des Israël et des Chili, des Auschwitz, des Katyn, des Bagdad...

     

    Cette affirmation et cette prise de conscience ne doit pas nous acheminer à la désespérance, mais à modestement ne pas confondre Espoir et illusion.

     

     

    Fr Benoît-Philippe PEKLE


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