• Chaque jour nous parviennent des nouvelles de catastrophes naturelles qui frappent des populations déshéritées : Géralda à Madagascar, d'autres cyclones au Bangla-Desh, des inondations au Pérou, des épidémies... Des drames dont l'homme n'est pas la cause, mais dont il est la victime.

    Prises dans ces tourmentes, il arrive que des personnes sortent indemnes contre toute logique, de même que dans d'autres circonstances d'autres personnes guérissent de maladies dont elles n'auraient jamais dû mourir.

    Miracle ?

    Dieu en protège-t-Il quelques uns et oublie-t-Il les autres ?

     

    Comment comprendre que Dieu semble ne pas avoir la même mesure pour les uns et pour les autres, qu'Il laisse les malheurs s'accumuler sur des peuples entiers et sauve miraculeusement quelques privilégiés, abandonnant le plus grand nombre à son sort ?

    N'est-il pas choquant que dans une case on pleure sur la fatalité mortelle tandis que dans la case voisine on rend grâce pour la protection divine ?

     

    L'évangile ne nous laisse pas entrevoir un Dieu aussi capricieux. Chaque fois que Jésus nous parle de justice, loin de rejeter et d'exclure, il montre que Dieu cherche à aimer et à sauver (l'enfant prodigue, l'ouvrier de la dernière heure, les voleurs, les prostituées, les percepteurs d'impôt de l'époque...).

    L'hypothèse selon laquelle Dieu laisserait souffrir - ou même punirait - les uns et protégerait les autres semble difficilement recevable à la lecture de l'évangile.

     

    Dès lors qu'on parle de catastrophes naturelles dont l'origine n'est pas dans l'homme, nous devons convenir que la nature peut être cruelle : cyclones, tremblements de terre, éruptions volcaniques, épidémies... frappent à l'improviste.

    Si Dieu a mis l'homme au milieu de la nature telle qu'elle est, pourquoi interviendrait-Il pour éviter aux uns ou aux autres les conséquences de la vie de la nature ?

    Dieu laisse-t-Il faire ? se désintéresse-t-Il ? va-t-Il en profiter pour faire son choix ?

    Mais que signifie le "bon choix" pour notre Dieu, Lui qui a affronté la mort et en est sorti victorieux ?

     

    Ceci peut nous conduire à un triple questionnement :

                - Dieu - qui a laissé mourir Son Fils à la suite d'une injustice flagrante - ne demande-t-Il pas à l'homme de se prendre lui-même en charge puisqu'Il l'a créé libre et autonome ? Que serait cette liberté et cette autonomie de l'homme si Dieu devait sans cesse intervenir dans le déroulement des événements ? Ce qu'Il n'a pas fait pour Son Fils, pourquoi le ferait-Il pour nous ?

                - Dieu - qui sait, par son Fils, ce que c'est d'être victime - n'est-Il pas en priorité mystérieusement au cœur de ceux qui souffrent ? S'Il choisit une place au milieu des hommes, n'est-ce pas celle qui est du côté des victimes et de ceux qui souffrent l'injustice ?

                - Dieu - dont le Fils est mort par l'action des hommes - ignorerait-Il les ressources qui sont dans les hommes pour agir, maîtriser, guérir ? S'Il nous a faits à Son image et nous a donné l'intelligence, s'Il nous a faits responsables de la création, n'est-ce pas une invitation à faire reculer par nous-mêmes la fatalité de victimes innocentes, dans toute notre vie sociale, mais d'abord dans la maîtrise des forces de la nature ?

     

    Le plus grand miracle à demander à Dieu, ne serait-il pas que l'homme réussisse à gérer lui-même la nature qui lui a été confiée ?

    Il s'agirait bien de miracle car pareille entreprise ne peut se mener à bien sans la grâce de Dieu, accueillie dans un mouvement de conversion. En l'absence de Dieu nous savons bien où mènent les entreprises de l'homme.

    Dans Sa justice, Dieu demande à l'homme d'utiliser toutes les ressources de son esprit et de son cœur et de se tourner vers Lui pour faire reculer le malheur et l'injustice.

     

    fr. André LENDGER


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  • Que vont faire les belligérants ?

    L'alternative n'est pas la victoire ou la défaite, mais la guerre ou la paix.

    Un enjeu plus essentiel puisqu'il implique des vies humaines.

     

    A première vue le conflit bosniaque est archaïque et témoigne de tout ce que le mot de "balkanisation" peut avoir d'anachronique et de péjoratif.

    A l'heure où l'Europe cherche une voie d'unité entre peuples pour surmonter les barrières et en finir avec les guerres, des hommes ont déclenché une guerre pour affirmer leur appartenance ethnique et dominer leurs voisins.

    Ce conflit n'a pas éclaté sans raisons, proches ou lointaines, si l'on se réfère à l'histoire et à la souffrance des peuples.

    On peut se demander à juste titre s'il est conséquent d'ajouter des épreuves nouvelles aux anciennes.

     

    Les peuples ont besoin d'exprimer collectivement leurs colères, leurs désirs et leurs frustrations, au même titre que des personnes.

    Comme des personnes, ils doivent parvenir à la maîtrise de leurs réactions. C'est le rôle des dirigeants ou des leaders - un rôle déterminant - de savoir jusqu'où aller. La guerre, quelle qu'en soit l'issue, ne donne l'assurance que de la destruction et de la mort. Elle n'est jamais une solution adaptée au but poursuivi.

    En admettant que les serbes reconstituent la Grande Serbie, ils auront soulevé tant de nouvelles haines qu'il serait étonnant que leur avenir soit sans orages.

     

    Il s'agit donc pour l'instant de remettre les armes.

    Chacune des parties attend que l'autre commence.

    Nul ne saurait désarmer si l'adversaire ne désarme pas, même si des forces de l'ONU, neutres à priori, servent se force d'interposition.

    On peut incriminer le manque de confiance, la peur, le désir de revanche.

    Nous nous trouvons devant un blocage orgueilleux, qui rend fragile l'espoir .

     

    La Bosnie est-elle loin de nous ?

    Elle est peut-être si près de nous que nous ne la voyons pas.

    Elle est chez nous, en nous.

    Combien de couples, de familles, de communautés humaines sont ainsi divisées. La guerre ne se fait pas qu'avec des armes à feu. Certaines paroles ou certains silences, des rapports de force affectifs, des jugements à l'emporte-pièce peuvent constituer des actes de guerre à l'échelle de l'infiniment petit qui est la nôtre.

    Chacun campe sur ses positions et refuse de rendre les armes, incapable de sortir de sa peur de l'autre, si différent de ce qu'on avait imaginé et de ce qu'on est. Nous voulons avoir raison, et notre entêtement nous sert de raison.

    Ce serait déchoir, pensons-nous, que de chercher en quoi chacun - et donc moi - est un des initiateurs du combat et en quoi chacun - et donc moi - peut y mettre fin.

    Il n'y a aucune raison que rien s'arrange si je n'admets pas, a priori, ma part de responsabilité dans le conflit, même si je ne parviens pas à la percevoir sur le moment.

    La recherche de la paix et de l'entente commence par moi.

    Il m'est impossible d'obliger l'autre à rendre les armes.

    Il est pourtant indispensable que quelqu'un commence.

    Pourquoi pas moi ? même dans l'insécurité de ce qui adviendra.

    Quant à l'ultimatum, il peut être lancé sans que nous l'ayons vraiment voulu : instance en divorce, dérive des enfants, maladie... évitons la mort.

     

    Accepter de se livrer à ceux qui prétendent avoir raison.

    N'est-ce pas ce qu'a fait le Christ ?

    Il en est mort.

    Mais de sa mort a jailli la vie.

     

    fr. André LENDGER


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  • Le pape Jean-Paul II vient d'écrire aux familles.

    Les associations se mobilisent un peu partout autour de ce thème.

     

    Si l'on en parle ainsi, c'est que la famille est malade et traverse une crise d'identité

    .

    Un peu partout les familles se composent, se décomposent, se recomposent, se disloquent,  selon des schémas toujours nouveaux.

    Est-ce à dire que le concept de la famille ait vécu ?

    Beaucoup de jeunes rêvent de fonder une vraie famille, une famille traditionnelle, celle qu'ils n'ont peut-être jamais connue.

    Pourront-ils réaliser leur projet ?

     

    La vie sociale ne favorise pas le développement des familles :

                - elle l'entrave par les difficultés économiques, le chômage, le manque de logements, la précarité de bien des situations humaines.

                - elle pousse à une mobilité voisine de l'instabilité.

                - elle privilégie les loisirs célibataires.

                - elle développe, par les moyens audio-visuels, un imaginaire social et émotif que la vie concrète ne peut pas combler, et réduit au silence les couples les mieux disposés au dialogue.

     

    Des changements culturels s'interposent entre le modèle idéal dont on parle - avec  sa charge traditionnelle - et la réalité qu'on s'apprête à vivre.

    L'amour, la fidélité, le désir de vie commune, la volonté de dialogue, sont les exigences autour desquels se construit toute famille, aujourd'hui comme hier.

    Mais ces notions revêtent une coloration différente, marquées par une nouvelle appréhension de la liberté, de l'épanouissement de soi, de la fidélité, de la capacité à affronter et à assumer les épreuves et l'adversité.

    La générosité, le don de soi, ne sont pas en cause, car les nouvelles générations n'en manquent pas plus que les précédentes.

    Mais elles s'expriment dans un contexte social différent, selon un type de relations humaines sans précédent par leur multiplicité et leur fragilité.

     

    Si la famille est, comme le disent les chrétiens, la base de la structure sociale, les difficultés - tant sociales, politiques et économiques que culturelles et affectives - auxquelles se heurte aujourd'hui le schéma "père - mère - enfants" doivent être prises en considération, faute de quoi la dérive des familles est assurée.

    On ne peut pas se contenter de parler de la famille comme d'un idéal que les conditions de vie rendraient à tout jamais inaccessible.

    Il faut donner à la famille des chances de réussir, la rendre possible

    .

    Des efforts sociaux et économiques sont nécessaires, mais ils ne suffiront pas.

    Les efforts moraux, voire les rappels à l'ordre spirituels eux-mêmes ne suffiront pas puisque la crise de la famille est liée à une crise de société qui engendre elle-même une crise culturelle.

     

    Il s'agit pourtant bien d'un problème spirituel majeur.

    Il est un des points d'application privilégié de la place de l'homme dans le monde et dans la société :

                - si la personne humaine n'est destinée qu'à servir les rouages économiques, laissons les hommes se faire écraser et mutiler, comme nous avons fait avec la nature pendant des décennies. La famille n'est alors qu'une superstructure inutile.

                - si au contraire nous estimons que chaque personne humaine a un destin spirituel, nous devons le proclamer haut et fort, non pour faire la morale à ceux qui ont du mal à suivre, mais pour ré humaniser notre société, faire de l'homme son centre et sa raison d'être, et rendre possible l'épanouissement de chaque personne humaine. La famille alors retrouvera naturellement sa place.

     

    Nous pourrions appeler cela une écologie de la famille

    fr. André LENDGER


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  • Un mot qui, pendant longtemps, a semblé l'apanage des pays déshérités aux structures étatiques mal assurées et à la justice complaisante.

    Le mot, depuis quelques temps, déferle sur La Réunion, mais aussi sur la métropole avec ses "affaires" et sur de nombreux pays occidentaux.

     

    La corruption est affaire d'hommes

    .

    Mais pourquoi les hommes seraient-ils plus corruptibles aujourd'hui qu'autrefois ?

                . conséquence d'une baisse de la morale civique collective ?

                . conséquence d'une évolution de la société dont la complexité autorise plus d'une ruse et qui multiplie les tentations et les rêves ?

     

    Aucune autre époque que la nôtre peut-être n'a fait miroiter, devant les hommes la toute-puissance de l'argent, une puissance qui paraît sans limites.

    Aucune autre époque surtout n'a permis, dans certaines circonstances, d'accumuler des fortunes importantes aussi facilement et aussi rapidement...

    ... sur fond de chômage et de malaise social, ce qui accroît l'injustice et le scandale du procédé : la nécessité des uns favorise l'affairisme des autres.

    Nulle part ailleurs que dans notre société qui a perdu ses repères humains et spirituels, l'argent n'a pu devenir à ce point une fin en soi

    . Posséder est devenu, pour beaucoup, la seule façon d'exister. Et beaucoup de ceux qui sont démunis n'ont pas d'autre modèle en tête, faute pour eux d'en connaître d'autre.

    Que l'argent devienne une fin ne l'empêche pas de continuer son office de moyen, moyen qui l'assure dans son rôle de fin. Il pourra donc être utilisé pour "acheter" des hommes afin de vendre marchandises et services, asseoir un peu mieux son pouvoir économique et se donner l'impression d'exister aux yeux de tous, et aux siens propres.

     

    Tout cela sous le couvert d'une apparente innocence, car rien n'est simple. Les justifications ne manquent pas et on préfère se cacher le mal qu'on fait.

    De fait la corruption relève sans doute plus souvent de l'entraînement que du cynisme, de la faiblesse plutôt que de la perversité.

     

    La question qui est nôtre est moins celle de la culpabilité morale des hommes impliqués dans des "affaires", que la recherche de notre complicité avec le mal qui les a frappés, gangrenés, dont nous portons tous, plus ou moins, le germe avant-coureur.

    Il faut tout d'abord affirmer que nous avons tous des droits fondamentaux (droit à la vie, à la liberté, à la justice, à l'égalité, au respect de la personne...) qui ne peuvent être remis en question. Ils sont liés à notre existence, à notre être.

    A ces droits sont associés aujourd'hui, dans la conscience commune, de nombreux besoins matériels qui nous paraissent tout aussi fondamentaux, dont l'importance vient :

                . de la forme de notre société qui ne peut subsister sans créer des besoins, parfois même la simple illusion de besoins, pourvu qu'il y ait du rêve et une demande suffisante pour tenter d'acquérir des produits et de créer un marché.

                . de l'absence de toute alternative humaine suffisamment crédible et de toute référence qui pourrait, sinon combler notre besoin de rêve autrement que par des possessions ou des jouissances matérielles, du moins nous en faire entrevoir l'inadéquation.

    Dans ces conditions nous sommes voués à la dépendance  l'égard de nos rêves, et nos rêves n'ont pas plus de limite que notre désir d'être. Exister devient synonyme d'assouvir son rêve avec l'empressement et la nécessité que d'autres éprouvent à l'égard de la drogue. Exister est un droit absolu, assouvir son rêve devient faussement un droit de même nature. On n'est plus capable de voir qu'on se laisse entraîner par des chimères se moque de la justice sociale et des autres ! L'essentiel est que je m'engage sur la voie de ma soit-disant réalisation. La corruption guette : il ne manque que l'occasion.

    Se réjouir de voir démasquées les pratiques de corruption ne suffit pas.

    Il nous faut trouver des réponses autres que des biens consommables pour satisfaire aux besoins existentiels de l'homme, pour que la corruption elle-même apparaisse à ceux qu'elle tente comme ce qu'elle est : une fausse réponse à un vrai besoin.

     

    fr. André LENDGER


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  • Une expression que nous répétons souvent pendant le Carême.

    Nos désirs seraient-ils la source de désordres ?

     

    Nous vivons dans une société où il semble que les désirs sont multipliés à l'infini.

    Biens de consommation, loisirs, plaisirs, tout nous est proposé à profusion comme un gage de bonheur.

    La lune elle-même est à notre portée.

    La publicité se fait un devoir d'éveiller en nous les désirs les plus divers et les plus secrets, au point que ceux qui ont les moyens de se les offrir peuvent avoir du mal à choisir.

     

    Ceci ne va pas sans contrepartie.

    La multiplication des désirs agit comme une force centrifuge sur notre personne qui n'a pas plus de raisons de satisfaire tel désir plutôt que tel autre et qui s'engage sur toutes les voies à la fois, en dehors de tout principe de cohésion.

    Il s'ensuit un certain nombre de frustrations possibles :

                - un choix ne peut être fait qu'au détriment d'autres désirs potentiels.

                - il y a peu de chance d'aller jusqu'au bout de la réalisation de chaque désir si non ne parvient pas à choisir.

    Nous finissons par être étouffés par la multiplication des sollicitations.

    Nous finissons par perdre de vue le fondement même de notre être, son unité et sa profondeur.

     

    Ce phénomène, s'il revêt une acuité inconnue jusque là en raison de l'évolution de notre société de consommation, n'est pas nouveau.

    C'est pour nous aider à retrouver la fonction du désir et à le resituer dans notre vie que les grandes religions ont institué des périodes de jeûne.

     

    Car le désir n'est pas à supprimer.

    Il est indispensable à l'homme, y compris dans sa relation à Dieu.

    Le désir nous met en mouvement, nous pousse vers l'autre et finalement vers Dieu.

    Le désir nous fait franchir les limites dans lesquelles nous pourrions nous complaire.

    Le désir est l'expression de la vie qui est tension.

    L'homme sans désir est déjà mort.

     

    La multiplicité des désirs humains est-elle conciliable avec l'unique désir de Dieu ?

    Cela peut ne pas apparaître possible.

    Pourtant si nos désirs peuvent nous détourner de Dieu, aucun n'est en dehors de lui.

    Tous nos désirs prennent leur source dans l'unique et insatiable désir de l'Autre que nous ne pouvons atteindre qu'à travers le voile des sens.

    Le désir de Dieu apparaît éclaté entre mille désirs, mais tous rendent Dieu accessible, car le désir vers lequel tendent tous nos sens est l'unique au-delà d'eux -mêmes.

     

    L'illusion est malheureusement possible.

    Quand nous avons atteint l'objet désiré, quand le rêve a été réalisé, nous pouvons nous en suffire, éviter la frustration qui nous fait signe d'un inachèvement, et d'une requête plus profonde.

    Au lieu de laisser nos désirs nous entraîner au-delà de l'objet, nous pouvons nous replier sur nous avec cet objet, croyant nous en être enrichis, avoir passé un bon moment ou avoir fait une bonne expérience. Mais nous n'avons alors atteint que le fantôme de ce que nous recherchions. Nous sommes enfermés en nous-mêmes comme dans une prison.

    La satisfaction du désir n'est pas atteinte si l'on se contente de s'emparer de quelque chose ou de quelqu'un. Elle ne l'est que si l'on se donne et si l'on aime au point de se trouver toujours insatisfait de ce qui est atteint.

    Au lieu d'atteindre Dieu on peut se gaver d'idoles.

     

    Réapprenons le désir.

    fr. André LENDGER


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