• 06/03/1994 - Corruption.

    Un mot qui, pendant longtemps, a semblé l'apanage des pays déshérités aux structures étatiques mal assurées et à la justice complaisante.

    Le mot, depuis quelques temps, déferle sur La Réunion, mais aussi sur la métropole avec ses "affaires" et sur de nombreux pays occidentaux.

     

    La corruption est affaire d'hommes

    .

    Mais pourquoi les hommes seraient-ils plus corruptibles aujourd'hui qu'autrefois ?

                . conséquence d'une baisse de la morale civique collective ?

                . conséquence d'une évolution de la société dont la complexité autorise plus d'une ruse et qui multiplie les tentations et les rêves ?

     

    Aucune autre époque que la nôtre peut-être n'a fait miroiter, devant les hommes la toute-puissance de l'argent, une puissance qui paraît sans limites.

    Aucune autre époque surtout n'a permis, dans certaines circonstances, d'accumuler des fortunes importantes aussi facilement et aussi rapidement...

    ... sur fond de chômage et de malaise social, ce qui accroît l'injustice et le scandale du procédé : la nécessité des uns favorise l'affairisme des autres.

    Nulle part ailleurs que dans notre société qui a perdu ses repères humains et spirituels, l'argent n'a pu devenir à ce point une fin en soi

    . Posséder est devenu, pour beaucoup, la seule façon d'exister. Et beaucoup de ceux qui sont démunis n'ont pas d'autre modèle en tête, faute pour eux d'en connaître d'autre.

    Que l'argent devienne une fin ne l'empêche pas de continuer son office de moyen, moyen qui l'assure dans son rôle de fin. Il pourra donc être utilisé pour "acheter" des hommes afin de vendre marchandises et services, asseoir un peu mieux son pouvoir économique et se donner l'impression d'exister aux yeux de tous, et aux siens propres.

     

    Tout cela sous le couvert d'une apparente innocence, car rien n'est simple. Les justifications ne manquent pas et on préfère se cacher le mal qu'on fait.

    De fait la corruption relève sans doute plus souvent de l'entraînement que du cynisme, de la faiblesse plutôt que de la perversité.

     

    La question qui est nôtre est moins celle de la culpabilité morale des hommes impliqués dans des "affaires", que la recherche de notre complicité avec le mal qui les a frappés, gangrenés, dont nous portons tous, plus ou moins, le germe avant-coureur.

    Il faut tout d'abord affirmer que nous avons tous des droits fondamentaux (droit à la vie, à la liberté, à la justice, à l'égalité, au respect de la personne...) qui ne peuvent être remis en question. Ils sont liés à notre existence, à notre être.

    A ces droits sont associés aujourd'hui, dans la conscience commune, de nombreux besoins matériels qui nous paraissent tout aussi fondamentaux, dont l'importance vient :

                . de la forme de notre société qui ne peut subsister sans créer des besoins, parfois même la simple illusion de besoins, pourvu qu'il y ait du rêve et une demande suffisante pour tenter d'acquérir des produits et de créer un marché.

                . de l'absence de toute alternative humaine suffisamment crédible et de toute référence qui pourrait, sinon combler notre besoin de rêve autrement que par des possessions ou des jouissances matérielles, du moins nous en faire entrevoir l'inadéquation.

    Dans ces conditions nous sommes voués à la dépendance  l'égard de nos rêves, et nos rêves n'ont pas plus de limite que notre désir d'être. Exister devient synonyme d'assouvir son rêve avec l'empressement et la nécessité que d'autres éprouvent à l'égard de la drogue. Exister est un droit absolu, assouvir son rêve devient faussement un droit de même nature. On n'est plus capable de voir qu'on se laisse entraîner par des chimères se moque de la justice sociale et des autres ! L'essentiel est que je m'engage sur la voie de ma soit-disant réalisation. La corruption guette : il ne manque que l'occasion.

    Se réjouir de voir démasquées les pratiques de corruption ne suffit pas.

    Il nous faut trouver des réponses autres que des biens consommables pour satisfaire aux besoins existentiels de l'homme, pour que la corruption elle-même apparaisse à ceux qu'elle tente comme ce qu'elle est : une fausse réponse à un vrai besoin.

     

    fr. André LENDGER

    « 3 octobre 2004 Dieu, question. 13/03/1994 - Réfréner ses désirs. »

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