• Le jeûne, une survivance ? Le jeûne, une nécessité ? - 12 mars 2000

    Le jeûne est un acte religieux.

    Il est lié à la pénitence pour le pardon des péchés.

    Il s’agit d’un acte individuel, mais il passe par la médiation d’une communauté religieuse à certaines périodes symboliques de l’année : le Carême pour les chrétiens.

    Il ne s’agit pas d’un acte lié à une décision personnelle, mais d’un acte liturgique.

    Nul n’empêche quiconque de faire des jeûnes personnels, mais un jeûne accompli par une communauté de personnes professant la même foi universelle a une autre signification.

    La communauté toute entière, dispersée de par le monde, est invitée à porter les péchés de chacun de ses membres, et chacun des membres est invité à porter les péchés les uns des autres mais aussi ceux dont s’est rendue coupable la communauté comme telle

    Le jeûne de la communauté chrétienne ne prend son sens que là où est sa source : la commémoration des événements passés qui ont opéré le salut. Le jeûne nous fait passer la Mer des Roseaux, accomplir notre Exode dans le désert du Sinaï, participer à la conclusion de l’Alliance entre Dieu et son Peuple, rencontrer Dieu avec Moïse sur le mont Horeb.

    Le Carême est donc une longue démarche au cours de laquelle chaque croyant est invité à considérer où en est l’alliance avec Dieu conclue lors de son baptême, mise à mal par son laisser-aller et son insatiable appétit des richesses et des honneurs de ce monde.

     

    Le jeûne est-il une affaire de nourriture ?

    En termes de diététique, il est parfois bienvenu. Mais la diététique n’est pas religieuse.

    Le jeûne accompagne notre route de Carême, mais il n’est ni un but ni un exercice de maîtrise de soi. Il est une discipline qui accompagne une démarche intérieure de conversion..

    Jeûner, ce n’est pas se replier sur soi mais s’exercer à la relation, l’ouverture, l’accueil de l’autre. Le jeûne n’a de sens que dans le partage et le rétablissement de la justice.

    Mais est-il toujours possible de rétablir la justice ?

    Lorsqu’il y a eu des blessures affectives irréparables, des atteintes corporelles, des vies supprimées, lorsque nos passions ont engendré un mal qui a déferlé hors de nous sans que nous parvenions à l’arrêter, comme cela arrive parfois, quel jeûne pour de tels actes ?

    Mais puisque nous sommes tous homicides et même déicides, nous qui sommes complices de ceux qui ont condamné le propre fils de Dieu, quel jeûne pour nous ?

    Allons-nous nous en tirer par quelques restrictions alimentaires ?

     

    A partir d’une telle prise de conscience, le jeûne prend une dimension nouvelle.

    Le jeûne est associé à une dette à payer, que nous sommes incapables d’honorer. Elle dépasse tout ce qu’un homme peut donner. Même sa propre vie n’y suffirait pas.

    Le jeûne, partage de soi et de ses biens, est le peu que nous pouvons donner, un peu dérisoire par rapport aux dettes que nous contractons les uns envers les autres et envers Dieu.

    Il ouvre sur notre désert personnel, il nous introduit dans notre dépendance radicale à l’égard de Dieu et de nos frères, il ouvre nos yeux sur l’incapacité dans laquelle nous sommes de rétablir la justice, si ce n’est en apportant une participation qui, pour dérisoire qu’elle soit, représente pourtant le don le plus total que nous sommes en mesure de faire.

    Jeûner, c’est nous en remettre à Dieu du mal que nous avons fait.

    Faire pénitence, c’est considérer l’abîme qui sépare nos contritions de la réparation.

    N’est-ce pas à cause de cet abîme que, bien souvent, nous sommes taraudés par des péchés déjà dix fois pardonnés, dont la culpabilité continue de nous hanter ? Et n’est-ce pas un manque de foi de ne pas considérer que ce qui a été pardonné l’a été une fois pour toutes du fait d’un plus puissant que nous, le Christ, et qu’on n’a pas à revenir dessus ?

    Il est naturel que notre souffrance intérieure demeure. Elle fait partie de notre jeûne et elle ajoute le peu que nous pouvons donner, c’est-à-dire le tout de nous-mêmes. Mais seule notre confiance absolue dans le pardon du Christ nous permet de passer de la stérilité de la culpabilité à la fécondité de la foi qui édifie en nous l’homme nouveau dans la justice.

     

    Chasser le mal extrême ne peut se faire que par le jeûne, nous dit Jésus.

    Ce jeûne est d’abord un jeûne de nous-mêmes.

    fr. André LENDGER

    « Dix ans de prison. Le procès de l’abbé Maurel. - 5 mars 2000« Mea Culpa » Nous pouvons ajouter : « Nostra culpa ». - 19 mars 2000 »

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