• Selon les lois de la nature, la mort ne peut être dépassée. Elle est immédiatement suivie de la désorganisation des tissus. Les cellules se décomposent et leurs éléments les plus infimes retournent à la terre d’où ils ont été tirés.

    Là ils se recombineront avec d’autres éléments pour continuer leur propre cycle vital. Si bien qu’il est possible de dire que la mort n’a pas le dernier mot et que la vie continue de s’exprimer sous d’autres formes, même purement matérielles. Or la matière n’est ni morte ni inerte ; partout elle est animée de mouvement ; et le mouvement est la manifestation de la vie

    Est-ce la mort qui finalement triomphe, ou la vie ?

    Mais il y a vie et vie. La différence est radicale entre l’inanimé (sans âme) - pourtant en mouvement permanent, les électrons ne cessant de tourner autour du noyau de l’atome - le végétal et l’animal. Lorsqu’on envoie des fusées vers d’autres planètes pour y rechercher des traces de vie, on ne recherche pas uniquement des échantillons de matière, mais des traces d’organismes qui se sont organisés et qui peuvent se développer et se multiplier par eux-mêmes. Ils sont vivants, au plein sens du terme. Ils donnent une âme à la matière.

    La vie, telle qu’elle s’est développée sur la Terre, fait que la matière inerte est en attente d’entrer dans le cycle d’organisation, de développement et de reproduction du vivant.

     

    La résurrection, telle que la foi nous en parle, va à l’encontre des lois de la nature.

    Elle signifie que le corps mort a repris vie. Sa décomposition a été arrêtée, ressaisie par une vie d’un autre ordre. Le corps de Jésus, lorsqu’on l’a descendu de la Croix, était un corps mort, déjà froid, auquel il a fallu faire une rapide toilette. Tant qu’il a été livré au regard de son entourage, le corps de Jésus a suivi les lois de la nature.

    Dire que ce corps est ressuscité, c’est dire qu’il existe une puissance de vie qui n’est pas réductible à la vie animale, une puissance de vie qui s’exprime chez nous par l’esprit.

    La résurrection n’est pensable que si nous postulons un vivant d’une autre nature que la nôtre, parfait dans son organisation, dans lequel la vie est dégagée de la matière. Il n’est pourtant pas sans relation avec la matière, sinon il n’y aurait aucune résurrection possible.

    La résurrection serait le point d’émergence de la nature fondamentale de ce que nous appelons la vie. Dans la résurrection, la vie se manifesterait donc, aux hommes charnels que nous sommes, comme étant d’une nature purement spirituelle, un souffle qui anime la création toute entière : tout ce qui est animé, tout ce qui possède une âme, végétale, animale ou humaine, mais aussi la matière inanimée toujours en mouvement et l’immensité des étoiles

    La résurrection n’est plus, dès lors, totalement irrationnelle. Elle est le point ultime de la rencontre de la création et de celui qui est la source de la vie, de toute vie, le Vivant. Elle est le lieu de compréhension du phénomène impalpable et fuyant de la vie.

     

    La Résurrection de Jésus est, selon cette vision, le point culminant où se révèle aux hommes la vie dans sa source et dans sa relation à tout ce qui est créé.

    La vie se révèle dans l’homme Jésus, lui qui était de condition divine. Elle n’est pas une puissance vague, diffuse, animant tout sans rien orienter, qui ne distinguerait pas entre la création et l’esprit qui l’anime. La vie au contraire s’identifie à une personne qu’on appelle Père parce que tout vient de lui, l’origine. Ce Père nous invite à restaurer en nous notre image de fils pour, un jour, nous identifier à lui non pas dans une fusion qui nous dissoudrait dans le Grand Tout, mais comme des personnes parvenues à la perfection.

    La Résurrection de Jésus nous instruit donc sur la signification de notre existence ainsi que sur le sens de tous les événements qui se déroulent sur cette terre. Le résultat est clair. Nous avons à devenir des personnes avec tout ce que ce mot implique d’autonomie, de responsabilité et d’accomplissement d’un destin qui fera de nous des Vivants avec Dieu.

    La vie s’est manifestée dans toute sa force lors de la Résurrection de Jésus. Elle n’en reste pas moins mystérieuse car insaisissable. La meilleure approche que nous pouvons en avoir est que la vie est Esprit. Sa racine est dans le ciel mais elle s’enfouit profondément au cœur de la matière. Le corps du Ressuscité est bien un corps d’homme mort, mais un corps non décomposé parce que tous ses éléments constitutifs ont été comme spiritualisés.

     

    Pâques, passage de la mort à la vie. La Vie est en nous, soyons-en responsables.

    fr. André Lendger


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  • Deux conflits dans lesquels la communauté internationale peine à intervenir de façon efficace. Des populations entières sont prises au piège de ceux qui disposent de la puissance militaire ou qui utilisent avec cynisme et sans scrupule le pouvoir qui leur reste.

    Pantalonnade du Conseil de Sécurité d’une part, qui vote une motion demandant à Israël de quitter les territoires qu’il occupe et qui laisse le même Israël poursuivre et accroître son occupation, arrêter des centaines de palestiniens et en liquider un bon nombre. D’un autre côté résignation des capitales étrangères qui laissent carte blanche à un ancien dictateur qui affame la capitale de son pays, la privant de tout y compris de médicaments.

    Cette incapacité à agir efficacement pour que, au moins, les populations civiles ne soient pas condamnées par l’entêtement de chefs brutaux a donné à certains pacifistes l’occasion de montrer une détermination nouvelle : aller sur le terrain, gêner les opérations, témoigner de ce qu’ils voient, servir volontairement de bouclier humain.

    Démarche toute nouvelle que celle-ci. Des hommes et des femmes de tous pays, de toute race et religion ont pris le risque de la paix en se risquant devant les chars de l’agresseur

    Faudra-t-il que les militants civils interviennent là où les diplomates sont impuissants ?

     

    Qui ne voit les dangers d’une telle situation ?

    Les pacifistes enfermés avec M. Arafat sauvent peut-être l’honneur de la morale humaine, mais ils ne pèsent pas lourd dans le conflit et n’empêcheront certainement pas un homme aussi déterminé que M. Sharon d’atteindre son objectif.

    Laisser des militants s’interposer dans les conflits signerait la capitulation des Etats qui se reposeraient sur des ONG des tâches qui leur incomberaient. Ce n’est pas la meilleure façon d’accroître l’estime qu’on a pour des hommes politiques déjà passablement discrédités.

    En outre ce type d’intervention, par son caractère sauvage, peut dériver un jour, perdre de sa nécessaire neutralité et finir par imposer une politique. Même si cette politique ne serait pas forcément plus mauvaise que la politique officielle, il est malsain de laisser entre les mains de seuls militants idéalistes la gestion des affaires de ce monde.

    Cependant, en attendant que les politiques se reprennent et sortent de leur paralysie, peut-être y a-t-il là une démarche à méditer, car nous ne pouvons pas laisser affamer et tuer nos voisins et nos frères sans réagir. Tout homme a le devoir d’intervenir sans attendre la catastrophe. Le délit de non-assistance à personne en danger doit s’étendre à la notion de non-assistance à peuple en danger. Nous l’avons trop oublié lors de la tragédie rwandaise.

     

    Nous devons également veiller à ce qu’un conflit, majeur par son importance mondiale et sa puissance symbolique, ne fasse oublier des tragédies qui, sans conséquences pour l’équilibre du monde,  n’en sont pas moins graves pour des dizaines de milliers de personnes.

    Tel est bien le cas aujourd’hui de Madagascar. Quelle que soit l’issue de la crise, elle n’engendrera pas de désordre mondial. Il est pourtant urgent d’agir pour faire tomber les barrages et rétablir la circulation à l’intérieur de l’île. La vie d’un malgache est aussi précieuse que la vie d’un israélien ou d’un palestinien. Notre négligence pourrait devenir mortelle.

    Ce n’est pas à l’honneur des démocraties de laisser ce peuple s’enfoncer dans une situation insupportable. Sous prétexte de ne pas s’immiscer dans les affaires d’un pays étranger, allons-nous demeurer spectateurs du naufrage ? Cela ne reviendrait-il pas à cautionner les violences qui viennent toutes du même camp et finalement à prendre parti ?

    La première tâche qui incombe aux citoyens que nous sommes est de faire tout notre possible pour que nos gouvernants soient informés sur les événements, et qu’ils sachent l’indignation qu’ils soulèveraient si rien n’était fait pour soulager les victimes civiles.

    C’est ensuite de faire pression pour qu’une action vienne interrompre l’enlisement et redonne espoir et confiance à un peuple en état de souffrance.

    C’est enfin de partager une partie de nos richesses pour que survivent ceux qui auront sacrifié leur bien-être pour que puisse enfin se réaliser leur rêve de liberté.

     

    Etre citoyen c’est voter, mais c’est aussi attirer l’attention de l’Etat en lui faisant part de nos réactions. A refuser d’entendre les gouvernants finiraient pas se déconsidérer.

    fr. André Lendger


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  • La multiplication des conflits armés dans le monde laisse penser que nombreux sont les dirigeants qui en attendent beaucoup de bénéfices.

    Il est des situations où la guerre apparaît être la seule issue. La paix, en effet, nécessite le consentement des deux parties, dans un respect réciproque ; si l’une des parties bloque ou pose des revendications perçues comme impossibles à satisfaire par l’autre partie, la paix se trouve fragilisée et la guerre peut être perçue comme la seule issue… si on a quelque espoir de la gagner. Se battre seulement pour l’honneur serait suicidaire.

    Ce qu’on ne sait pas, lorsqu’on déclare une guerre, c’est ce qui en sortira. On ne rétablit jamais l’ordre ancien ; de la guerre naît un ordre nouveau. Même gagnée, la guerre modifie les rapports entre nations, mais aussi à l’intérieur de chaque nation. La belle unité nationale du temps de l’état de guerre peut se craqueler. Le vainqueur peut en ressortir aussi exsangue que le vaincu. Le vainqueur peut vouloir humilier le vaincu ; il fera ainsi le lit de conflits ultérieurs. Que signifie alors la victoire ? Il faudra bien finir par s’entendre.

    On peut espérer modifier une fois pour toutes le rapport des forces et imposer sa vision de l’ordre mondial. Jusqu’au jour où l’on s’effondrera et où un autre prendra la relève.

    Les vertus de la guerre n’équilibreront jamais leur nuisance et n’empêcheront pas d’avoir à traiter un jour à égalité avec son ennemi d’hier puisque la vraie paix n’est qu’à ce prix. Or la paix est un bien supérieur. C’est donc dans le souci d’une inlassable  recherche de cette paix que peuvent et doivent se discuter les problèmes internationaux et se trouver une solution aux inévitables tensions, rapports de force, et conflits de toute nature entre les Etats.

     

    Les choses ne sont cependant pas si simples. La violence habite tous les hommes et pas seulement les gouvernants. Beaucoup acceptent la guerre comme en témoignent des sondages

    Avant le 11 septembre, la cote de popularité de M. Bush n’était pas brillante. Dès l’instant où il a déclaré la guerre aux Talibans, la satisfaction éprouvée par les Américains à son égard est montée à des sommets dans les sondages. Il est clair qu’il n’aurait pas bénéficié d’une telle popularité s’il avait engagé une démarche d’un tout autre ordre.

    Avant l’opération « Mur de protection », les sondages ne donnaient à M. Sharon qu’un taux de satisfaction de moins de 50 %. Depuis les opérations contre les Palestiniens, sa cote de popularité est remontée à plus de 70 %.

    Autant dire que les citoyens des pays concernés estiment que la guerre est une bonne décision. Cela ne peut qu’inciter les hommes d’Etat à avoir des positions inflexibles, puisque cela leur rapporte la popularité dont ils ont besoin pour établir leur pouvoir. L’exemple est d’autant plus frappant que les opérations menées par les deux hommes d’Etat ne se contentent pas d’être défensives (ce qui pourrait les justifier), mais elles visent à obtenir unleadership mondial pour l’un, régional pour l’autre. Or une telle disposition d’esprit est inquiétante parce qu’on ne peut pas établir la paix à long terme en imposant un rapport de domination.

     

    Les peuples se conduisent comme les personnes individuelles : à une agression, dans la mesure où on le peut, on répond par une autre agression, parfois plus grave.

    Ils ne sont pas rares les exemples de personnes (souvent des commerçants) qui, agressées exclusivement dans leurs biens, répondent en tuant le délinquant. Une telle réaction est parfaitement explicable et parfois excusable. Mais un Etat de droit ne peut accepter qu’on se fasse justice à soi-même. Le droit international, lui, est impuissant à imposer la même démarche aux Etats. A des agressions à mains nues, un Etat a le droit de répondre en sortant toute sa panoplie d’armes dernier cri. L’autre, pense-t-il, finira bien par se taire. Sans doute ! mais il se tairait d’autant mieux que cet Etat s’attaquerait aux causes sociales ou politiques du mal et qu’il mettrait toute son énergie à les supprimer. Sinon d’autres récidiveront.

    La guerre est une violence bien ancrée dans les mentalités. Elle est une arme politique. Elle permet de reconquérir parfois, dans une véritable fuite en avant, la confiance d’un peuple, d’assouvir des vengeances locales, de se faire respecter par la force. Elle peut être aussi utilisée pour rassembler, dans des milices, des jeunes désœuvrés qui ont grandi dans la violence, et qui seront trop heureux de la mettre au service d’un dictateur quelconque.

     

    La guerre est une violence intolérable. A nous de faire, de cette violence qui nous habite tous, une arme de paix.                                                                       Fr. André LENDGER


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  • Le film « Amen » nous plonge dans une époque aux souvenirs douloureux : la guerre, l’antisémitisme, les déportations. Où se situaient les urgences morales, les enjeux immédiats ? Notre époque pourrait bien ressembler à celle-ci par plus d’un côté.

    Le film a la grande honnêteté de ne pas caricaturer l’Eglise comme ce fut souvent le cas à propos de l’attitude contestée de Pie XII. Il nous permet, avec un recul de 60 ans, de comprendre les hésitations des contemporains de ces guerres, le communisme se présentant, en particulier aux yeux du pape, comme un mal plus radical que le nazisme.

    Le génocide des juifs a obligé, par la suite, à remettre ce choix en question. Privilégier la lutte contre le nazisme n’enlevait rien au caractère inhumain du communisme. Mais le nazisme s’était constitué à partir d’une idéologie qui, moins dogmatique et plus simplificatrice que le communisme, représentait un danger plus immédiat pour l’humanité.

     Les chrétiens, qu’ils aient vécu sous un régime ou sous un autre, se devaient de faire des choix radicaux s’ils ne voulaient pas cautionner les hommes en place, serait-ce par indifférence. Le pape et les évêques les auraient grandement aidés s’ils s’étaient exprimés avec plus de lucidité sur le régime nazi. Ce fut, aux yeux de beaucoup, une erreur d’appréciation tragique, une de ces nombreuses erreurs qui pourrait figurer parmi celles que le pape Jean-Paul II a reconnues dans le passé de l’Eglise. Mais attendons que les archives soient ouvertes !

     

    Ce fut l’époque de la banalisation de l’horreur. Les nazis tuaient et exterminaient avec une frénésie qui décupla comme approchait l’échec final, comme si la multiplication des crimes allait renverser le cours inévitable de la guerre, ou comme si l’extermination des juifs était une mission sacrée qui, elle au moins, aurait été accomplie avant la chute.

    La déshumanisation avait été programmée dès le début. La croyance en la supériorité d’une race sur une autre et d’un peuple sur tous les autres ne pouvait que conduire à l’humiliation et au bâillonnement de tous. Avec les nazis, il n’y avait pas besoin de « pensée juste » comme dans le marxisme. Il suffisait d’être né de la race des vainqueurs, les aryens, ces nouveaux élus. La vérité et la victoire de ce «credo» simpliste se vérifiaient à la pointe du fusil.

    Cette démesure orgueilleuse signait la mort de l’humanisme et de tout ce qu’avait d’humain notre vieille civilisation. Seuls régneraient désormais la brutalité et le cynisme.

    A ce « credo » répondit le silence. Silence forcé, silence humilié des dépositaires de la première Alliance. Silence des autres peuples paralysés par l’impréparation et la peur. Silence de l’Eglise préoccupée par les persécutions contre les siens dans les pays de l’Est, mais longtemps muette sur le nazisme avant de dénoncer les massacres dont furent victimes des millions de juifs auxquels elle aurait prêté une attention plus grande s’ils avaient été baptisés.

    Il fallut du temps pour comprendre que c’est le Christ qui mourait dans ceux qui ne le confessaient pas et que le Royaume de Dieu souffrait violence dans leur agonie.

     

    De tout cela il nous reste aujourd’hui de savoir que le pire dort en chacun de nous et, quand ce n’est pas le pire, c’est l’aveuglement volontaire, la peur et le silence, mais aussi la lâcheté, la compromission avec les forts et les violents, la fuite en avant dans des solutions soi-disant radicales où domine la légende de notre grandeur nationale et la geste de notre peuple. Avec tous les dangers d’un racisme larvé et d’un manque de générosité à l’égard de l’étranger.

    Le danger c’est aussi, en ce temps de morosité et de scepticisme qu’est le nôtre, le discrédit dont souffrent nos responsables politiques, la passivité désabusée d’une population à la recherche de l’homme providentiel qui la ferait sortir de son marasme, avec tout le danger que comportent de tels personnages, Hitler en fait foi.

    La période un peu molle qu’est la nôtre présente bien des similitudes avec celle de l’avant-guerre. Nous laissons mourir et persécuter des peuples sans intervenir, en spectateurs curieux. Nous laissons un « grand » décider pour nous de notre avenir à travers un maillage économique. Nous adaptons parfois l’évangile à des ferveurs superstitieuses qui troublent et ternissent la beauté de l’homme image de Dieu et nous détournent des enjeux fondamentaux.

    Nous sommes préoccupés par notre bien-être plus que par l’avenir de l’Homme.

     

    La campagne électorale qui s’achève est peut-être à l’image de ce que nous sommes : des hommes et des femmes incertains, pas encore déshumanisés, mais ayant perdu l’ambition de sauver l’Homme.                                                                        fr. André Lendger


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  • La démocratie est le mode de gouvernement le plus parfait, celui qui convient le mieux à l’homme ; mais son fonctionnement nécessite des citoyens vertueux, c’est-à-dire adultes et responsables, qui veillent sur elle avec une attention jalouse, car elle est fragile par essence, menacée par des hommes prêts à l’utiliser pour s’emparer du pouvoir et la détruire.

    Le comportement des français le 21 avril témoigne de leur immaturité. Une partie des électeurs a préféré aller à la plage en comptant sur les autres pour aller voter, et une autre partie a fait confiance aux mêmes autres pour voter comme elle aurait dû le faire et a préféré s’amuser à voter pour des petits candidats dont le programme ne tenait pas.

    Le résultat est que c’est le pire ennemi de la démocratie – avec tout ce que ce mot comporte d’humanisme et de liberté – qui a été sélectionné pour le second tour.

    Il n’est pas trop tard pour éliminer ce candidat, mais le vote démocratique est dès maintenant faussé, puisque l’élection du 5 mai ne sera plus un choix entre deux candidats, mais un sauvetage in extremis des institutions de la République.

    Le président élu ne pourra qu’être mal élu. Les électeurs ne vont pas voter pour lui comme candidat ; ils vont choisir de sauver ce qui peut l’être de notre démocratie.

     

    La légèreté des français à l’égard de leurs institutions politiques est le reflet des tensions qui les traversent et de la priorité qu’ils donnent à leurs problèmes immédiats.

    Qu’en pleine campagne électorale se soient prolongées ou aient éclaté des grèves nationales telles que la grève des médecins puis celle des pompiers montre où, pour certaines catégories professionnelles, se situe l’enjeu de l’élection d’un Président de la République !

    Que les deux hommes sélectionnés pour le second tour aient eu l’un et l’autre des problèmes avec la justice qui leur interdiraient, dans d’autres pays, d’être seulement ministres, montre le peu de cas que nos concitoyens font de la morale en politique. Penser que ces hommes ont été portés à la candidature par les caciques de leur parti étonne et inquiète.

    Que les français se plaisent à dire que la politique est sale et que les hommes politiques sont tous pourris pour justifier leur abstention, leur désintérêt de la chose publique et leur retrait sur leurs seuls petits intérêts égoïstes, est lâche, faux et consternant.

    Que chaque français ne considère pas comme un honneur d’être appelé à participer à la gestion des affaires de son pays et ne daigne même pas faire les démarches pour s’inscrire sur les listes électorales montre que tout est mûr pour faire place à n’importe quel aventurier.

    Que les médias s’ingénient à mettre l’accent sur des événements secondaires pour s’assurer de la fidélité de leurs lecteurs qui en sont friands est proche de la désinformation.

    Comment s’étonner dès lors du peu de crédibilité de nos gouvernants sur la scène internationale et de la paralysie totale de l’Europe dans les grands problèmes mondiaux ?

    On rit déjà de la France dans le monde : puisse-t-on ne pas en rire davantage !

     

    Le mal est fait, reste à éviter le pire.

    Le pire serait que les français ne prennent conscience de leur désaffection à l’égard de leur démocratie que de façon ponctuelle, à l’occasion de cette crise, et que demain ils soient de nouveau incapables de voir que leur vie quotidienne dépend des solutions qui seront apportées aux grands problèmes contemporains, à l’égard desquels chacun doit pouvoir se situer et faire pression sur ses élus : mondialisation, racisme ethnique et religieux, corruption, inégalité du développement dans le monde, exploitation du tiers-monde, sida, chômage…

    Des propositions ont été faites pour que les enfants soient initiés à leurs futures responsabilités civiques pour lutter contre l’irresponsabilité et la désinvolture du moment. Puisse-t-elle avoir un meilleur résultat que l’initiation  à l’écologie et à l’environnement.

    Habituer les enfants à obtenir la satisfaction de leurs désirs immédiats et en laisser certains sans autre moyen pour combler leur faim que la délinquance, fait le lit de toutes les aventures totalitaires qui ont l’habitude de croître sur un tel terreau.

    L’inégalité dans nos sociétés riches, l’absence d’un idéal qui dépasse tout homme et l’ouvre à l’inquiétude de l’autre et du bien commun, est une faille grave dans nos démocraties.

     

    La mort de la démocratie n’est pas une fatalité. Cela dépend de nous.

    fr. André Lendger


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