• 17 février 2002 - Meurtre en prison. Peine résiduelle.

    L’affaire a fait un certain bruit, mais a vite été supplantée, dans les médias, par de nouvelles affaires. Celle-ci cependant pose des questions de fond qui ne sont pas dépassées.

    Un homme a été condamné à une peine de prison. L’affaire n’est pas trop grave et le juge concède une libération conditionnelle avant le procès. Le jugement prononcé, restent deux jours de détention à accomplir. L’homme retourne en prison, est mis dans une cellule occupée par un seul détenu. Celui-ci est un malade mental ; il assassine le premier.

    Les questions sont de deux ordres. Pourquoi avoir mis un détenu dans la cellule d’un homme qu’on savait dangereux ? Pourquoi l’avoir fait revenir en prison pour deux jours ?

     

    La première question a d’abord une réponse administrative : une erreur humaine dans l’établissement pénitentiaire où s’est déroulé le drame. Mais cela ne suffit pas.

    A l’heure où Patrice Alègre passe en jugement, provoquant un déferlement de haine, il est bon de réfléchir sur ce qu’est un coupable, un condamné. Il est nécessaire de répéter que, quelle que soit l’énormité de son crime, le coupable reste un homme, mon frère. Les débordements verbaux entendus pendant le procès sont compréhensibles : la douleur des parents des victimes est à vif. Leurs déclarations n’enlèvent rien à la réalité : le criminel reste un homme avec son mystère, son passé, ses conflits intérieurs, ses déviances… tout ce qui fait un homme, à quoi nul ne saurait échapper. A quoi il faut ajouter de graves failles psychiques.

    Aujourd’hui nombre de personnes, à l’image de Patrice Alègre, souffrent de déséquilibres psychiques. Ce problème envahit les prisons où de nombreux détenus, atteints de tels déséquilibres, n’ont rien à y faire. Certains de ces détenus sont potentiellement dangereux, et la prison ne fait que les abîmer un peu plus. La société trouverait avantage à ce que ces détenus bénéficient d’une prise en charge médicale hors prison sans pour autant relever d’un hôpital psychiatrique. Mais aucune structure n’existe pour les accueillir.

    Le drame évoqué illustre ce problème. Le tueur n’aurait pas dû être où il était.

     

    La seconde question porte en elle-même la marque de son absurdité.

    Quel peut être le bénéfice, pour le coupable comme pour la victime et la société, de deux jours de prison en plus ou en moins ? Nous sommes en présence de l’application-type d’un juridisme purement formaliste qui ramène la justice à sa seule fonction punitive : rien ne peut être retranché de la peine énoncée, sans quoi il manquerait quelque chose à la justice. La justice se confond alors avec la justesse mathématique. Celle-ci, il est vrai, protège de l’arbitraire ; mais faire reposer la protection de la société et la punition du coupable sur un calcul mathématique scrupuleux, n’est-ce pas aberrant ? N’est-ce pas même décourageant et contre-éducatif de renvoyer en prison un coupable qui n’a commis aucune infraction nouvelle entre le moment où il a été libéré et le moment où le jugement est prononcé ?

    Il arrive aussi que, pour des petites peines, le coupable doive attendre des mois avant d’entrer en prison. Cela veut dire que le juge lui fait confiance et estime qu’il y a peu de chances qu’il commette de nouveaux délits pendant tout ce temps. Ce temps entre le prononcé du jugement et l’entrée en prison ne pourrait-il pas compter comme un temps de mise à l’épreuve ? Croit-on que la prison a tant de vertus éducatives que d’y entrer est une garantie d’amendement ? Si l’on estime légitime qu’un délinquant répare le mal qu’il a fait, mais qu’on pense pouvoir surseoir à l’application immédiate de la peine de prison qu’il encourt, pourquoi ne pas lui faire faire des travaux d’utilité publique ? Il est plus acceptable, pour le coupable comme pour la société, d’accomplir une peine dans la foulée de l’infraction et du jugement que d’attendre sans savoir quand ce sera et sans pouvoir engager sa vie de façon positive.

    Nous constatons que la psychologie des personnes est de plus en plus fragile. Nous savons qu’il est fréquent que des jeunes se livrent à des auto-mutilations qui peuvent aller jusqu’au suicide. Croit-on que cette sorte d’arbitraire administratif qui repousse le prix à payer à des mois de distance, sans qu’on sache pourquoi ni jusqu’à quand, soit la solution ?

     

    Dans le meurtre évoqué en exemple, tout n’était-il pas évitable en amont des erreurs d’appréciation qui ont abouti à la mise en présence de l’assassin et de sa victime ?

    La prison était-elle le lieu où aurait dû se trouve le meurtrier?

    La prison pendant deux jours, était-ce indispensable pour que la justice soit satisfaite ?

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