• 27 janvier 2002 - L’appétit du pouvoir.

    Le pouvoir est objet de désir pour un grand nombre de personnes.

    Innombrables sont les hommes et les femmes prêts à tout sacrifier pour obtenir un pouvoir ; pouvoir parfois dérisoire ou pouvoir suprême dans un secteur, peu importe.L’ambitieux n’a de cesse d’exercer un pouvoir sur un certain nombre de personnes. Par le pouvoir, il cherche à dissimuler ses propres insuffisances et ses limites et à donner, à lui et aux autres, l’illusion de sa propre importance.

    Cependant, exercer un pouvoir ne signifie pas toujours, loin de là, qu’on est un homme ou une femme dont la domination sur les autres est la seule ambition et le seul but dans la vie. On peut exercer un pouvoir parce qu’on vous le demande, parce que d’autres vous manifestent leur confiance, et avec le seul souci de mettre ses compétences au service d’une communauté.

    Tout le monde éprouve le besoin naturel de s’affirmer et d’exercer un pouvoir. Ce peut très bien être un pouvoir réciproque dans une vie commune où les personnes sont interdépendantes, chacune dans son domaine : le couple, les communautés de travail, les équipes de sport, de recherche... Mais il arrive souvent que nous ayons le désir de l’exercer là où nous ne sommes pas compétents.

    Les plus dangereux sont, bien sûr, ceux qui se croient capables, qui jouent des coudes pour arriver, qui finissent par arriver, mais qui conduisent tout le monde à l’échec.

     

    Dans le meilleur des cas, le pouvoir se conjugue avec l’excellence, une vertu morale qui exprime qu’une personne est un être réfléchi, équilibré, capable d’une vision synthétique des problèmes qui lui sont soumis, qui sait écouter et apprendre et qui est apte à prendre les décisions adéquates.

    L’excellence ne va pas sans la culture. Il ne s’agit pas d’être savant et d’avoir fait de longues études. Il s’agit d’avoir le souci de l’autre, de s’inscrire soi-même dans une totalité humaine qui nous dépasse, de savoir que le but poursuivi par l’exercice du pouvoir n’est pas le but final de la vie mais que tout reste à faire dans un domaine plus fondamental : qu’ai-je fait de ma vie, en vérité ?

    Ce type de discours date. Il n’a plus vraiment cours. La seule référence à laquelle on reconnaît désormais le pouvoir, c’est l’argent. Avec l’argent, on peut tout faire, y compris acheter des hommes… des hommes de main, ou des femmes pour le plaisir ou pour faire de l’argent, ou une foule pour se faire élire et finalement la dominer et la mater, comme cela se produit dans maint pays.

    De tout temps, l’homme a été sensible à l’argent. De tout temps il a tiré profit des facilités et de la richesse que lui procurait le pouvoir et il en a abusé. Qui l’en blâmera ? Maisalors personne n’était dupe, à commencer par celui qui régnait sur un domaine ou sur un royaume. Il connaissait la limite du but qu’il poursuivait, grâce à son argent, par sa domination sur les autres, car il savait que sa vie ne se jouait pas sur l’argent ou le pouvoir, mais sur des critères humains, ou plutôt humanistes.

    Mais qu’avons-nous fait de l’humanisme ? Il s’est dévoyé en sous-valeurs monétaires. Qui se nourrit des grands classiques ? de la culture grecque qui est la racine de tout l’humanisme qui a fait notre culture occidentale ? qui se préoccupe de la quête du beau, du bien et du vrai ? L’homme de pouvoir peut bien être vertueux, on ne lui reconnaît de vertu que grâce au pouvoir de son argent, celui qu’il a, celui qu’il distribue, directement ou indirectement en favorisant les plus riches.

     

    Que sera l’homme de demain, que sera la société et la civilisation de demain, si nous continuons à abandonner nos références humanistes ? Quelle humanité naîtra si le pouvoir doit se mesurer à l’aune du seul argent ? Si l’homme ne poursuit d’autre but dans sa vie que d’accumuler de l’argent, de se donner l’impression d’être quelqu’un d’important à cause de son argent et de s’en gaver au point d’en crever, quel avenir est le sien ?

    Nous venons de nous libérer d’un esclavage par lequel on achetait des hommes avec de l’argent pour leur force de travail. Nous arrivons dans une société où l’homme se jette de lui-même dans les bras d’un nouvel esclavage. Il vend sa force de travail pour que ses nouveaux maîtres, spécialement les capitalistes anonymes et mondialisés, exercent leur pouvoir sur lui et accumulent de l’argent pour eux, comme faisaient les anciens maîtres. Mais cela en l’absence de tout humanisme.

    L’homme, endormi par les médias et les facilités de notre civilisation, finit par ne désirer rien d’autre, en matière de culture, que les connaissances qui lui servent à se procurer de l’argent, à acquérir, si peu que ce soit, un pouvoir par l’argent, et à accroître le pouvoir de leurs nouveaux maîtres.

    Alors, ayant laissé s’assécher toute source de culture humaniste et tout recours possible à cette source unique, l’homme se livrera aux mains des puissants ; il pressurera les habitants des pays les plus pauvres pour être sûr, lui, de ne pas voir baisser son revenu ; il fera la guerre pour étendre le pouvoir des tyrans qu’il aura lui-même choisis ; il mourra sans savoir pourquoi il a vécu

     

    Il est nécessaire qu’il y ait des hommes de pouvoir.

    Il est nécessaire que ces hommes aient le souci de servir le bien commun de tous.

    Il est nécessaire de ne pas perdre de vue que l’humanité est solidairement une.

    Il est nécessaire de ne pas laisser les faucons et les tyrans s’emparer du pouvoir.

    Il est nécessaire que la redécouverte d’un humanisme permette à chaque être humain de se libérer de l’esclavage de l’argent et qu’il redécouvre que sa raison de vivre est ailleurs.

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