• Question qui ne cesse de tarauder les vivants.

     

    Peu d'hommes échappent à la question.

    Ceux qui y échappent

                - ou bien sont tellement submergés par leur misère qu'ils ne sont plus en état de mesurer leur peine,

                - ou bien n'aspirent à rien, ronronnent, vivent comme des végétaux.

     

    Il n'est pas sûr que derrière nos rêves de vacances paradisiaques, de confort cossu, de vie sans risques, ne se cache pas une crainte de nous cacher même la possibilité de la souffrance.

    Nous sommes écartelés entre les sécurités tous azimuts que la société nous promet , et l'expérience que chaque pas en avant coûte.

     

    La souffrance du corps est celle dont nous voudrions être absolument protégés.

    Faute de pouvoir nous guérir à tout coup, la médecine s'engage à soulager nos douleurs et à les rendre supportables.

    D'autres médecines s'emploient à alléger le poids de nos inquiétudes ou de nos malfaçons psychologiques ou affectives.

    Les souffrances du cœur, elles, n'ont guère trouvé leur médecine.

    Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles notre quête de l'apaisement fait fleurir et prospérer nombre de professions parallèles telles que les astrologues, les guérisseurs,...

    Le paradis, même imaginaire, à n'importe quel prix, par n'importe quel moyen, fut-il lié à notre auto-destruction comme la drogue.

    La religion elle-même, si officielle soit-elle, a-t-elle jamais manqué d'être utilisée comme un narcotique ?

     

    Nous ne sommes pas faits pour la souffrance.

    La volonté d'échapper à la souffrance est un réflexe sain.

    Mais pas par n'importe quel moyen, aliénant ou mutilant.

    Lorsqu'elle survient, souvent à l'improviste, il faut pouvoir s'y mesurer, la prendre en charge en toute lucidité pour l'assumer et la dépasser.

                Sans se laisser écraser ni anéantir.

     

    Tout homme  se trouve dans cette situation paradoxale

                où il sait qu'il ne peut pas être épargné par toute souffrance,

                et où il est nécessaire qu'il fasse tout ce qu'il peut pour y échapper ou ne pas en être asphyxié.

    Il en résulte une course où nous savons que nous avons perdu d'avance, car la souffrance nous rejoindra.

    Alors se posera la question : comment réagirons-nous ?

                question à laquelle il est vain d'être assuré de donner la réponse adéquate aussi longtemps que le mal ne nous a pas atteint.

                question à laquelle nous ne pouvons éviter de nous préparer.

     

    Assaillis soudainement pas la souffrance, beaucoup d'hommes, comprenant qu'ils ne pouvaient plus l'éviter, l'ont utilisée comme un moyen puissant pour se découvrir créateurs : d'oeuvres, de foi, de sens.

    A la suite du Christ et en lui, ils entrent dans leur souffrance et dans leur mort non sans frayeur. De leur "obéissance" jaillit la vie.

     

    fr. André Lendger


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  • L'excision jugée et condamnée.

     

    Le jugement rendu comble un vide juridique.

    La justice civile est sauve.

    Mais est-elle la seule justice ?

    Le jugement rendu répond-il à tous les éléments du problème ?

     

    Un malaise se dégage d'un débat où des personnes ont été condamnées au nom de l'opposition entre une loi française qu'ils ignoraient plus ou moins et une pratique coutumière de leur pays d'origine à laquelle ils s'étaient soumis.

    Plusieurs facteurs, parfois contradictoires, entrent dans ce procès :

                - rejet de la pratique de l'excision au nom de la défense de la personne humaine dans son intégrité

                -  défense des droits des enfants que de telles pratiques mutilent à vie.

                -  respect des traditions de chaque peuple.

                - besoin des personnes venant d'autre continents de conserver leurs traditions, parfois seuls phénomènes culturels. C'est, pour eux, une question d'identité.

     

    Le jugement émis à l'issue de ce procès clôt l'aspect juridique de la question. La publicité donnée à l'affaire fera connaître les risques désormais encourus par ceux qui continueront de pratiquer l'excision.

    Le problème culturel, lui, demeure intact. Nous sommes en effet à une époque où chaque peuple, et même chaque région, lutte pour le droit à son existence originale avec ses traditions et sa culture.

    Existe-t-il des chances, dans un tel contexte, pour que la  pratique de l'excision disparaisse partout, et même chez nous, pour la seule raison qu'elle n'est pas tolérée dans nos pays occidentaux ? Certains, s'ils le peuvent, hésiteront-ils à retourner dans leur pays d'origine faire exciser leurs enfants, même dans les pires conditions ?

     

    Quelle justice

     appliquer en pareille matière ? Seulement la justice légale et répressive ? S'il en était ainsi, nous serions nous aussi condamnés. N'avons-nous pas nous-mêmes nos "excisions" et nos "exciseurs" ? Que dire de tous ceux qui naissent "ratés" par notre faute, excisés psychologiquement et spirituellement ? Nous qui sommes à l'abri de toute excision charnelle, sommes-nous aussi libérés que nous le prétendons ? Au nom du plaisir auquel ne peuvent prétendre les excisées (et il faut affirmer que c'est une amputation grave), que ne faisons-nous pas ?

    L'application de la loi - absolument nécessaire - suffit-elle à la justice ?

     

    Une autre voie de justice s'impose : le DEVELOPPEMENT POUR TOUS.

                - développement économique

    . La pauvreté, surtout lorsqu'elle atteint le stade de la misère, ne favorise pas la vie de l'esprit. Chacun a la spiritualité de sa richesse. Ceci vaut aussi bien pour le tiers-monde que pour  notre quart-monde.

                - développement culturel

    . L'ignorance laisse le champ libre à toutes les superstitions et à tous les obscurantismes. La baisse du niveau culturel dans nos pays occidentaux est aussi alarmante que son bas niveau dans les pays sous-développés (chez lesquels nous avons d'ailleurs anéanti la culture originale). Les aberrations spirituelles occidentales n'ont rien à envier aux traditions primitives.

     

    Des hommes et des femmes ont obéi à leur conscience.

    Leur conscience était peut-être prisonnière de leur pauvreté et de leurs coutumes ancestrales,... comme la nôtre l'est  de notre richesse et de notre perte du sens.

    La libération de la conscience de l'homme ne s'obtient pas dans les prisons, mais dans la conversion des esprits et des cœurs.

     

    Les chrétiens doivent le redire : seul le Christ libère et seul il rend juste.

    Là commence notre tâche missionnaire :

                annoncer et faire advenir la Justice et la Libération d'En-Haut.

     

    fr. André LENDGER


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  • Le grain de blé tombé en terre a porté du fruit.

     

    Un homme meurt.

    La face du monde n'en est jamais changée.

    La mort est dans l'ordre des choses.

    L'homme tombera dans l'oubli.

                Au mieux il survivra dans la mémoire de l'histoire.

    Un événement banal...

     

    Dans la mort, qui nous pose l'interminable question, gît le mystère de l'homme.

                non pas dans nos bonheurs imaginés ni de nos divertissements espérés.

                non pas dans nos efforts pour repousser les limites de l'homme.

                non pas dans nos ivresses puisées aux sources ludiques de nos technopoles.

    De la mort seule peut surgir une aube

     

    L'homme qui tourne le dos à la mort

                tourne le dos à la vie,

                renonce au sens et à l'espérance.

    Il plonge ses racines dans l'illusoire

                et bute un jour ou l'autre sur la réalité esquivée.

     

    L'homme contemporain vit dans un monde dissolvant, dit-on.

                Mais n'est-ce pas le propre de tous les mondes d'être dissolvants ?

    Tout monde se construit comme s'il était à lui-même sa propre fin.

                Il ignore la mort, le péché, l'esprit.

                Il ne retient que l'esprit pratique grâce auquel il se consolide.

    Il tend à éterniser ses propositions de séduction par tous les moyens

                mais incline toujours dangereusement vers la mort qu'il camoufle.

     

    A l'homme il appartient de prendre la mesure du monde créé dans sa réalité charnelle

                et de lui insuffler son souffle.

    Souffle-vie dans la pleine connaissance de la mort

    et dans la pleine espérance de la victoire de la vie sur la mort-néant.

     

    La victoire a été acquise par le Christ dans la nuit de Pâques,

                par son abandon au pouvoir de la mort.

    Par la mort d'un seul homme, à son Heure, tous les hommes sont entrés dans la mort.

                Le temps pourtant n'était pas suspendu.

                Tous les hommes continuaient de vivre dans leur monde

                à l'heure où le Christ y entrait.

                            Seul.

     

    La puissance ressuscitante du Christ a été acquise pour tous les hommes,

    mais aussi pour la création tout entière, appelée à être libérée de la corruption.

     

    "Petit Reste" dans le monde aguichant des promesses consommatrices,

                il nous appartient de proclamer la promesse de la gloire de l'homme,

                            et de vivre en ressuscités dans la justice,

    Ce que le Christ nous a acquis par la puissance de Dieu

                il nous revient de le dispenser par la puissance en nous de son Esprit,

     

    La victoire de la vie sur la mort est en oeuvre en nous.

                Elle est acquise pour l'humanité entière.

     

                            Christ est ressuscité.

     

    fr. André LENDGER


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  • fr. Nicolas-Bernard VIRLET

    Il s'appelait Mounir, il avait 7 ans, et se trouvait dans un des services de chirurgie de l'Hôpital des Enfants pour y subir une intervention sans gravité à nos yeux d'adultes, mais toujours source d'inquiétude et d'angoisse compréhensibles pour lui et pour ses parents.

     Venant saluer tout le monde dans ce service ce jour-là, je passe un moment avec lui comme avec tous les autres. Comme avec beaucoup d'enfants, dans leur confiance et simplicité spontanées, le dialogue direct s'instaure tout de suite, après quelques premiers moments parfois de craintifs et joyeux étonnements :

                "- Mais qui es-tu ?

                "- l'aumônier de l'hôpital

                "- c'est quoi ça ?

                "- c'est un ami de Jésus qui passe dire bonjour à tous les enfants qui comme toi sont pour quelques jours ou parfois pour beaucoup plus longtemps à l'hôpital

                "- mais qui est ce Jésus ?

                "- pour les chrétiens dont je suis c'est le Fils de Dieu, pour d'autres il est un grand prophète, pour d'autres,...

                "- mais qu'est-ce qu'il fait Jésus ?

                "- il aime tous les hommes, chacun d'entre nous, toi, moi,...

                "- tous,... même les arabes ?"

     

    Ces quelques derniers mots en disent plus que tous les rapports les plus élaborés de nos sociologues les plus compétents. La réplique sans arrière-pensée d'un enfant qui résume en une gifle verbale bien ciblée toute la souffrance éprouvée par lui ou sa famille dans son quartier ou à son école.

     

    Faut-il un autre commentaire à cet appel ?

    Peut-être le seul : nous rappeler que si déjà autour de nous, dans notre quartier,  à l'école, dans notre milieu de travail, un RESPECT PREMIER et PROFOND habitait toute relation avec mes frères, si différents soient-ils de nous, jamais plus une telle interrogation déchirante n'habiterait le cœur d'un enfant, jamais plus un étranger ne serait impunément expulsé sous l'alibi d'une législation humainement inique, car prétendument totalisante dans ses applications,

                jamais plus notre terre ne connaîtrait l'exode de peuples entiers, qu'ils soient juifs, palestiniens, libanais, kurdes,...

                jamais plus nos esprits ne supporteraient la lâcheté politique et nos hypocrisies économiques, car il est des heures où les compromis ne sont plus admissibles : il y a quelques jours on apprenait que la Corée venait de livrer à la Syrie des fusées scud "améliorées",...

                jamais plus la guerre ne pourrait sourdre du cœur de l'homme,

                jamais plus un enfant ne douterait de l'amour de Dieu ou de son existence, c'est la même chose.

     

    "Banalité !" me direz-vous,... et pourtant ?

    Banalité bien oubliée par les hommes d'aujourd'hui... que nous sommes.

    L'histoire que des peuples écrivent en ces jours dans les larmes et le sang aurait-elle raison de la mémoire de cette banalité ?

    Ou alors, cette banalité n'est qu'un rêve ! Mais alors ce n'est plus une banalité, c'est un rêve, et le rêve n'est jamais banal. Car le rêve est peut-être le dernier bien que possède un enfant quand il a tout perdu sur les chemins de l'exode... Il est le seul bien que nul ne peut lui ravir.

    Ce rêve et déjà à la porté de nos mains : c'est le visage de mon frère, qui dit à qui veut l'écouter la trace du visage d'un Autre.

     

    fr. Nicolas-Bernard VIRLET


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  • La tragédie kurde, jusqu'où ?

     

    Nous n'en finissons pas de voir nos semblables s'enfoncer dans la déréliction.

    Spectateurs d'une guerre, nous le sommes maintenant du naufrage d'un peuple.

    Le stade de la souffrance physique est ici dépassé.

    C'est de dignité élémentaire qu'il faut parler.

    Défilent devant nos yeux des êtres de détresse et d'abandon, emportés par la bourrasque de la terreur, auxquels nous avons peine à reconnaître un visage humain.

    Immense troupeau parqué dans la désolation, a-t-il même encore visage de Dieu ?

     

    Tout autour de ce peuple kurde, la vie continue :

                les économies mondiales se développent,

                notre télévision nous déverse ses images habituelles,

                nos projets personnels ne sont pas remis en cause,

                nos aspirations se bornent à des horizons matériels immédiats.

    Notre solidarité ne dépasse guère le cap de l'émotion télévisuelle.

    Parfois cependant, un sentiment de malaise nous effleure :

                nous aimerions nous situer en "justiciers-cow-boys", et cette part de nous-mêmes éprouve une solidarité certaine pour ces kurdes.

                mais nous savons que nous sommes fondamentalement solidaires de ceux qui les ont menés dans leurs culs-de-sac enneigés et boueux.

    D'où ce sentiment de faute, lié à l'intuition d'une complicité diffuse que nous nous gardons bien d'examiner profondément.

    Nous retrouvons notre bonne conscience, bardés d'excuses sans réplique :

                - nous ne pouvons rien faire,

                - la disproportion entre nos possibilités et les besoins est patente,

                - le pays en question est trop éloigné

                - nous n'avons pas de responsabilité directe dans la situation,...

    C'est vrai, à notre échelle individuelle, nous ne pouvons rien faire pour les kurdes.

    Est-ce une raison pour nous réfugier dans notre train-train d'impuissance ?

    Ne pourrions-nous pas finir par avoir honte d'être NOUS, de n'être que NOUS ?

     

    En dépit de ce qu'on nous a dit sur l'ampleur de la tragédie kurde, elle n'était pas imprévisible, souvenons-nous de la débâcle française de 1940,  t de tant d'autres, elle était dans l'ordre des choses, car la vie que nous menons les uns et les autres se plie à cet "ordre" et le permet.

     

    Le chrétien sait que l'humanité ne fait qu'un, en Adam et dans le Christ.

    Notre solidarité ne peut être que totale

                - avec les kurdes, peuple crucifié,

                - avec leurs sacrificateurs et persécuteurs.

    Si la compassion nous atteint,

                ayons le courage de voir la relation de notre conduite quotidienne, de nos rêves humains, de notre péché donc, avec le désordre du monde,

                soyons ardents à faire reculer le désordre de ce monde, à commencer par notre péché aux conséquences si désastreuses pour les autres, nous qui annonçons la victoire de la justice, de la paix et de l'amour sur les forces de mort.

     

    fr. André LENDGER


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