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    J'ai droit au bonheur.

     

    Expression fort répandue, qui recouvre quelques équivoques.

     

     

     

    Chaque personne humaine aspire au bonheur.

     

    Aucune ne saurait en être exclue.

     

    Le bonheur est un droit.

     

     

     

    Le bonheur-satisfaction d'un désir, se résume-t-il à l'image que je m'en fais ?

     

    Lorsqu'il sera à portée de main

     

                - ou bien j'en verrai les limites : je risque d'être plongé dans le désarroi et de poursuivre un autre bonheur tout aussi insatisfaisant.

     

                - ou bien je m'estimerai satisfait, quitte à me cacher la vérité ou quitte à végéter.

     

     

     

    Souvent le bonheur inclut d'autres personnes : on est rarement heureux seuls.

     

    Dès lors que mon bonheur ne peut être atteint dans la solitude absolue, suis-je assuré que les autres poursuivront le même type de bonheur que moi ?

     

    Serai-je capable de ne pas vouloir réduire le bonheur des autres, tels qu'ils l'envisagent, à l'idée que je me fais de mon propre bonheur ?

     

                saurai-je les associer à ce que j'appelle mon bonheur ?

     

                ou  les inviterai-je à se soumettre à mon désir ?

     

    Mon bonheur ne sera alors atteint qu'au terme d'un rapport de force.

     

    Est-ce encore le bonheur ?

     

     

     

    Le problème revêt une acuité toute particulière lorsqu'il implique des enfants.

     

    Si un adulte accepte d'être soumis pour faire le bonheur de l'autre, et y trouve le sien à l'occasion,  c'est son affaire.

     

    L'enfant, lui, n'a pas la possibilité de faire des choix, les adultes les font pour lui.

     

    Lorsqu'une jeune fille décide de rester célibataire et d'avoir un enfant, par exemple, on peut dire que cela ne regarde qu'elle. Mais sa décision concerne aussi l'enfant à venir qui, lui, ne peut rien dire. Qu'il le veuille ou non, au nom de l'idée que sa mère se fait de son bonheur à elle, l'enfant est contraint au bonheur sans père.

     

    Il est évident que la jeune fille en question aimera son enfant et voudra son bonheur. Mais dès le départ elle n'envisage le bonheur de son enfant qu'en fonction d'elle-même.

     

     

     

    Il se pourra que cet enfant soit finalement plus heureux que celui qui a père et mère.

     

    Mais la question n'est pas là. Elle est plus profonde :

     

    Lorsqu'un jeune homme et une jeune fille décident de vivre ensemble, ils le font au nom de leur amour, et leur enfant en est le fruit naturel. Cet enfant est normalement conçu pour lui-même, non pour réaliser le bonheur de ses parents. Les parents savent au départ que leur enfant est une fin en

     

     lui-même et qu'un jour il les quittera.

     

    Lorsqu'une jeune fille décide d'avoir un enfant seule, elle le fait en fonction d'un projet strictement personnel. L'enfant, dans ce cas, est-il encore désiré pour lui-même ? Il n'est plus vraiment fin en lui-même, il est le moyen pour sa mère de réaliser son bonheur. Il devient objet, au service d'une cause, d'un droit, d'un bonheur, qui ne sont pas les siens.

     

     

     

    Les réalités humaines sont évidemment beaucoup plus nuancées que ce schéma peut le laisser supposer.

     

     Tel couple agira avec son enfant comme s'il n'était qu'un objet, tandis qu'une mère célibataire saura lui trouver, ailleurs qu'en elle seule, son bonheur.

     

     

     

    Le problème demeure entier :

     

                - l'homme n'est pas un objet. A justifier des choix qui aboutissent à faire d'un être humain, même futur, un objet, nous risquons de donner naissance à une humanité féroce dans laquelle chacun trouvera juste d'opprimer l'autre au nom de son bonheur.

     

                - dans notre recherche du bonheur, nous devons nous poser la question du bonheur de l'autre comme autre, dans sa requête fondamentale à vivre comme personne libre, indépendante, maîtresse de son destin.

     

     

     

    Le bonheur se trouve-t-il ailleurs que dans la recherche du juste bonheur des autres ?

     

                et du plaisir de l'Autre ?

     

     

    fr. André LENDGER


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  • Elle allait y réclamer l'extradition d'Aloïs Brunner, tortionnaire nazi. 

    L'obstination de cette femme dans la mission qu'elle s'est donnée a une grandeur tragique. Traquer les criminels de guerre après tant d'années, ne laisser aucun répit à ceux qui ont commis le génocide juif, cela relève-t-il de la justice ou de la vengeance ?

    Son combat, inlassablement dirigé contre les seuls criminels nazis, n'a-t-il d'autre but que de raviver le souvenir des horreurs de la Shoah, afin que nul n'oublie ?

    Ne ferait-elle que cela, elle rappellerait au monde entier qu'il est des crimes dont la férocité est telle qu'ils défient le temps. Surtout quand ces atrocités s'insèrent dans une histoire qui dépasse une époque donnée, qu'elles participent et ajoutent à la continuelle persécution dont a été victime un peuple,  et qu'ils y prennent valeur exemplaire. 

    Le temps n'efface pas tout,

                le pardon n'empêche pas le jugement des hommes.

    De pardon il ne peut y avoir que si le coupable reconnaît ses fautes,

                si le tortionnaire a la vision (même diminuée par son refus de regarder la vérité en face) des horreurs qu'il a commises.

    L'opiniâtreté de Beate Karsfeld, au-delà de sa protestation contre la, nous interroge également sur l'attitude des gouvernants qui protègent de tels criminels.

    Pourquoi tant de chefs d'Etat, de l'Amérique Latine à la Syrie, ont-ils donné asile à tant de ces hommes, et ont-ils refusé de les extrader lorsque leur ignominie a été dévoilée ?

    L'antisémitisme suffit-il à expliquer pourquoi des chefs d'Etat considèrent comme secondaire la vie ou la mort d'un juif ? 

    Cela pourrait se concevoir si les juifs étaient seuls concernés,

                mais les juifs ne sont malheureusement pas isolés sur ce terrain.

    Que Pol-Pot, par exemple, puisse encore jouer un rôle politique,

                que les Khmers Rouges puissent encore prétendre à la direction collégiale du Cambodge parce que la Chine y trouve son intérêt politique, voilà qui dépasse tout propos antisémite, et où affleure une autre vérité, plus insidieuse :

                - leur carrière achevée, les criminels de guerre demeurent des cartes politiques,

                - leurs protecteurs font montre de leur complicité, non seulement à l'égard de tel génocide passé, mais au cœur de toute répression et de tout génocide contemporains.

    Les dictateurs terroristes et tortionnaires se reconnaissent dans ces grands criminels. Ils en sont les cousins et les frères. Ensemble ils forment une grande famille dans laquelle chacun se cache derrière l'autre et le protège.

      La société internationale pourra-t-elle éternellement tolérer semblables agissements ?

      Beate Karsfeld a raison de ne pas baisser les bras.

    Elle montre la voie en ce qui concerne les "comptes" avec le nazisme,

                mais la cause qu'elle défend ne se limite pas au seul  génocide juif.

    C'est  de l'homme, de tout homme,

                et de la clarté des rapports entre les peuples qu'il est question.

    Pas de vengeance, mais la justice.

    Pas d'oubli, mais le courage de reconnaître que le monstre qui meurtrit, avilit et détruit l'autre,  toujours dénoncé et partout montré du doigt, est à l'affût en chacun de nous.

     Noël est le temps où le Prince de la Paix prend chair.

    C'est le temps où nous devons insister, par la prière et l'action, pour que le Prince de ce Monde n'ait pas le dernier mot.

     

    fr. André LENDGER


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