• En toute structure sociale un peu large se rencontrent des minorités. Les minorités sont
    définies le plus souvent en fonction de critères extérieurs objectifs et repérables. Les membres
    appartenant à ces minorités sont plus ou moins bien tolérés en fonction des circonstances et de l'état
    d'esprit des majoritaires. En dépit des protestations d'égalité et de la reconnaissance de leurs droits, les
    minoritaires savent que leur statut demeure fragile. Les vieux démons, qui avaient été exorcisés,
    peuvent se réveiller et réduire à néant des progrès qu'on croyait acquis. Les majoritaires agissent .
    comme s'ils avaient besoin d'antagonistes, car exister-contre est plus comblant qu'exister tout court.

    La couleur de la peau, la culture de référence, l'origine ethnique, les orientations sexuelles,
    sont autant de critères qui permettent de désigner les minorités. Il peut en exister d'autres; ceux-ci
    sont les plus tenaces. Un seul de ces critères peut suffire, mais ceux-ci peuvent évidemment
    s'additionner. Lorsqu'il s'agit de rejeter, de repousser les indésirables dans les régions extérieures de
    la bonne société, on n'est jamais en reste d'imagination méprisante. Or les minoritaires sont des
    personnes qui ne peuvent rien à leur état. Ils sont nés minoritaires et le resteront toute leur vie. Même
    s'ils parviennent aux situations humaines les plus élevées, ils resteront stigmatisés.

    Les majoritaires se donnent comme la référence de l'humain. Ils relèguent les autres dans les
    marges extérieures de la société. Ils les tolèrent et même ils les encensent lorsque ceux-ci manifestent
    des talents exceptionnels. Les découvertes scientifiques et les avancées de la pensée dues à des juifs,
    les créations artistiques dues à des homosexuels, la grandeur humaine manifestée par des noirs comme
    Nelson Mandela ou Koffi Annan ont de quoi faire pâlir d'envie la majorité blanche et hétérosexuelle
    de nos pays occidentaux. Mais de telles louanges ne sont qu'une éclaircie dans le ciel des minoritaires.

    Les minoritaires sont en général la cible de quolibets, tournés en dérision, caricaturés. C'est
    la meilleure façon, pour les majoritaires, d'assurer leur supériorité. Les Nazis ont fait des Juifs des
    êtres inférieurs et nuisibles. Les Hutus, avant de se lancer dans le génocide des Tutsis, ont multiplié les
    sarcasmes, les réduisant à l'état de cancrelats. Les délits de faciès concernant les noirs et les arabes
    sont toujours d'actualité et l'image des «folles» continue d'entretenir le rejet des homosexuels. On
    trouve toujours le trait qui va ridiculiser l'autre pour s'excuser de le rejeter avant de le tuer. On se
    persuade que la réalité est bien celle qu'on définit car il convient de se donner bonne conscience.

    Toute personne est porteuse du germe du racisme à l'égard d'une minorité quelconque car la
    différence étonne et inquiète. Aussi longtemps qu'on ne s'est pas laissé apprivoiser par celui ou celle
    qui ne s'habille pas, ne mange pas, ne prie pas, n'est pas comme nous, nous répugnons à l'accepter
    dans la communauté humaine à laquelle nous avons la chance d'appartenir. On se demande comment
    il peut vivre en étant comme il est. Et même comment il peut ne pas avoir honte d'être comme il est.

    Les majoritaires éprouvent le désir de ramener tous ces gens à la raison, de les voir vivre
    comme eux, sainement. Pour parler de ceux dont on parle aujourd'hui, pourquoi tous les Juifs ne
    renoncent-il pas à leur judaïté et ne deviennent-ils pas «comme tout le monde» ? Pourquoi certains
    d'entre eux se promènent-ils encore avec de grands manteaux, des chapeaux et des papillotes ?
    Pourquoi tous les homosexuels ne font-ils pas un petit effort pour être, eux aussi, « comme tout le
    monde» et, s'ils n'y parviennent pas, pourquoi ne prononcent-ils pas tous le vœu de chasteté?

    Aussi longtemps que nous ne nous laisserons pas déranger par ceux que nous dénigrons, aussi
    longtemps que nous ne pousserons pas la « charité» jusqu'à leur faire confiance a priori, avant toute
    argumentation et tout jugement, nous ferons profession de racisme. Pour critiquer avec justesse il faut
    comprendre et aimer, parfois pleurer avec, lorsque surgissent le mépris, la persécution et la haine.

    Nous devons accepter le fait que les différences viennent de Dieu. C'est lui qui a appelé
    Israël. Même si l'Alliance s'est élargie, le peuple juif demeure l'aîné. C'est Dieu qui fait de chacun de
    nous un être unique, différent dans toute sa personnalité selon les lois d'une nature qu'il a lui-même
    ordonnée, chacun avec ses dons et ses particularités. Le rejet de l'autre fait offense à Dieu.

    Les minoritaires savent malheureusement qu'ils ne pourront jamais éviter d'inquiéter les
    majoritaires et de leur être un fardeau. Toujours ils susciteront agressions et railleries. Rien d'étonnant
    donc que parfois ils se rebellent ou désertent la scène, se réfugient sur la terre de leurs ancêtres ou
    s'isolent dans le dédain hautain que leurs dons naturels leur permettent. Ils se souviendront toujours
    qu'ils ne sont qu'une marge mal supportée. L'oublieraient-ils que demain le leur rappellera, du moins
    dans nos régions dites civilisées où la Voix du salut a pourtant retenti pour tout le genre humain.

    Croyons-nous vraiment que ce soit pour tous ?

     


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  • Une réunion de l'Organisation Mondiale du Commerce oppose une fois de plus les pays
    riches et puissants aux pays pauvres et en voie de développement. Un des points centraux est l'affaire
    du coton. Les intérêts des pays pauvres et émergents se trouvent en opposition à ceux des Etats-Unis.
    Ceux-ci subventionnent la production du coton. Ces subventions permettent aux producteurs
    américains de vendre leur coton à bas prix et empêchent les pays émergents, plus pauvres, de vendre
    leur production à son juste prix. Les pays riches font, une fois de plus, la loi sur le marché des matières
    premières et empêchent les pays pauvres de tirer profit de la concurrence.

    C'est un exemple parmi d'autres. Les relations commerciales internationales sont loin d'être
    équilibrées. Le développement des pays pauvres, africains pour la plupart, dépend principalement des
    revenus de l'agriculture. Or si tout le monde reconnaît qu'il faut aider les pays africains, aucun pays
    riche ne cède sur les subventions qu'il accorde à ses agriculteurs. Tous maintiennent ainsi des prix
    artificiellement bas et créent des conditions de concurrence déloyales. Les pays pauvres, qui ne
    peuvent se payer le luxe de subventionner leurs producteurs, se retrouvent en mal d'équilibrer leurs
    comptes et donc de se développer. Tout cela au nom du libéralisme économique.

    Il est compréhensible cependant qu'un pays riche cherche à protéger ses producteurs et leurs
    activités qui, non seulement coopèrent au développement du pays, mais font vivre de nombreuses
    familles. Ce souci est légitime, mais il revient à sacrifier d'autres familles, il est vrai lointaines et
    habituées à la pauvreté. En tout pays riche les cultivateurs demandent et obtiennent la protection de
    l'État. Quel gouvernement se risquerait à retirer son aide à une partie de sa population, travailleuse et
    votante, sous prétexte d'aider les pays concurrents parce qu'ils sont pauvres?

    Un sens rigoureux de l'égalité et de la justice demanderait que les conditions soient les
    mêmes pour tous. Chacun produirait au prix de sa main-d'œuvre et vendrait au prix international, sans
    subvention. Mais c'est un faux idéal qui ne tient pas compte des problèmes propres à chaque pays, à
    quoi s'ajoutent les problèmes monétaires. C'est ainsi que la Chine peut vendre à bas prix parce que sa
    monnaie est volontairement sous-évaluée. La justice absolue est impossible dans une matière aussi
    subtile que le commerce international. Aucun pays développé ne sacrifiera ses intérêts sur l'autel
    d'une justice économique toute théorique, même si une telle justice revêt les habits de la générosité.

    Le développement des pays pauvres doit-il passer par l'appauvrissement des pays nantis?

    On imagine qu'il pourrait en aller ainsi, mais l'exemple de pays émergents comme l'Inde montre qu'il
    n'est pas besoin d'appauvrir les uns pour enrichir les autres. Au contraire, plus l'un s'enrichit, plus
    l'autre s'enrichit également. S'appauvrir pour partager, quelque généreux que cela paraisse, peut
    même être la source de déséquilibres et de chaos. Imagine-t-on les conséquences qui pourraient
    résulter d'un chaos en Chine? Ne vaut-il pas mieux que les Chinois travaillent que de faire la guerre?

    Quel cultivateur d'un pays développé accepterait de perdre son gagne-pain pour permettre à
    un cultivateur d'Afrique de mieux vivre? À tous les coups, il préférera recevoir des subventions pour
    pouvoir vendre à un prix raisonnable sur le marché international et éviter d'être concurrencé par un
    pays pauvre, ce qui lui serait mortel. Etant donné le développement du pays dans lequel il vit, son
    niveau de vie et les dépenses qu'il est obligé de faire, il subirait un préjudice irréparable.

    La situation actuelle n'est pourtant pas acceptable. Les pays riches ne doivent pas
    concurrencer les pays pauvres au point de les maintenir sous leur domination. S'il est légitime qu'un
    pays riche protège ses propres cultivateurs, ce l'est encore bien davantage pour un pays pauvre dont
    l'agriculture est la principale richesse économique. Les pays riches se doivent de protéger leur propre
    capacité économique, mais ils se doivent d'aider en même temps les pays pauvres à développer la leur.

    C'est une question de justice. C'est le prix d'une vieille dette à rembourser, celle de la
    colonisation et de l'exploitation des richesses des pays du Sud. Ce prix ne consiste pas à se limiter à un
    effort ponctuel sur une production déterminée. Il est le prix que doit payer une nation entière à une
    autre nation, via peut-être les organismes internationaux tels que la Banque Mondiale et le FMI.

    L'effort ne se limite pas en effet à faciliter la vente à un juste prix des matières premières et
    des produits agricoles des pays pauvres. Il doit concerner l'aide globale, structurelle, administrative,
    économique, éducative des pays en voie de développement. il n'est pas question de les protéger
    comme des inférieurs, destinés à demeurer dépendants pour toujours, mais de leur donner les moyens
    de gérer et de développer leurs richesses par eux-mêmes, en toute loyauté.

    Tâche impossible? Peut-être. Mais un chemin existe.

     


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  • Les Jeux Olympiques s'achèvent par une pluie de médailles sur les vainqueurs et une grande
    constemation pour celles et ceux qui n'ont pas atteint le sommet espéré ni même leur score habituel.
    Rude épreuve psychologique à assumer! 'L'important est de participer' a dit le baron Pierre de
    Coubertin. Il avait raison, mais il n'est jamais facile de faire face à l'échec, de se relever et de repartir.
    Le sportif est normalement préparé à ce genre d'épreuve et, si pour quelques-uns l'absence de réussite
    sonne l'heure de la retraite, pour les plus jeunes, il peut servir à puiser en soi un sursaut d'énergie, à
    faire une analyse sérieuse des raisons de l'échec et à mettre en oeuvre une discipline plus rigoureuse.

    Le sport est un exercice du corps. Il aide à développer le corps, à maîtriser les réflexes et à
    coordonner les mouvements. Lorsque le sport exercé est collectif, il favorise le développement de
    1'esprit d'équipe, du partage des responsabilités, de la cohésion et de la solidarité. Même celui qui est
    le meilleur ne peut l'être qu'en tenant compte des autres et grâce à eux. Dans le sport contemporain
    tout athlète doit muscler son corps au point que parfois ce corps devient une sculpture d'art. Mais ce
    n'est qu'une étape, à dépasser. Le corps du sportif est au service d'un but supérieur: parvenir au
    maximum de ses possibilités, et si possible être le meilleur lors d'une rencontre avec d'autres athlètes.

    Il existe de multiples façons de faire du sport et d'aspirer au meilleur. Tout le monde n'a pas
    besoin de médaille. L'essentiel est d'être bien avec son corps et de le respecter. Cependant le rappel de
    la valeur éducative du sport pour toute personne, grâce aux Jeux Olympiques, doit être pris au sérieux.
    Ce n'est pas en vain qu'une bonne partie de notre héritage culturel nous vient de la Grèce où l'exercice
    sportif faisait partie de l'éducation de tout adolescent, base de son équilibre futur. Dans un pays qui a
    longtemps jeté la suspicion sur le corps, en raison de notre autre héritage, le judaïque, ce rappel est
    important. Le soin apporté à notre corps est indispensable à la construction de notre être tout entier.

    Le corps, le sport, sont des images. Le corps est une image de tout groupe humain cohérent.

    Il l'est de façon très spécifique de l'Eglise. Il n'est peut-être pas innocent que l'image de l'Eglise corps
    du Christ soit née dans l'esprit de saint Paul, élevé dans une région de culture grecque. Ce n'est pas
    non plus un hasard si le même Paul est le seul, dans le Nouveau Testament, à faire allusion aux
    athlètes sur le stade (1 Co, 9, 24-25). ils courent, dit-il, pour une gloire éphémère tandis que les
    chrétiens sont appelés à courir pour une gloire qui ne passera pas. Si donc les athlètes sont prêts à tous
    les sacrifices pour obtenir une couronne, une médaille périssable, combien plus les chrétiens doivent-
    ils être prêts à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour entrer dans le Royaume promis par Jésus.

    La vie ressemble à une course, tout le monde en convient. Course contre le temps, pour
    beaucoup de nos contemporains, mais surtout course parce qu'il y a un but à atteindre et que ce but ne
    peut être atteint qu'à la suite d'un entraînement et d'efforts constants. Le but, pour le chrétien, n'est
    pas d'arriver au bout de la piste, puisque le bout de la piste est la mort et que tout le monde y arrive un
    jour ou l'autre, avec ou sans préparation. Le but est d'y arriver en vainqueur. La mort n'est pas un but,
    elle est un terme. Le but est d'être soi en vérité à ce moment, un soi façonné pendant la course ..

    Être vainqueur pour le Royaume de Dieu, ce n'est pas ravir la première place à un autre,
    mais entrer avec lui dans le Royaume. C'est y entrer sans avoir besoin d'un repêchage autre que celui
    que nous a valu le Christ sur la croix. C'est y parvenir au mieux de notre quête humaine. Le vainqueur
    est un vainqueur sur lui-même, parvenu à limiter le pouvoir du mal en lui et à développer les
    puissances humaines et spirituelles dont il est dépositaire. Chacun de nous est appelé à être le meilleur
    et tous ensemble, meilleurs et vainqueurs, nous sommes appelés à former l'assemblée des saints

    Le départ de notre course est donné chaque jour et chaque jour nous courons vers le but, le
    plus haut sommet de notre être, notre accomplissement. Cependant il arrive que ce but se dérobe et se
    fasse de plus en plus lointain. Alors nous lui tournons le dos, las de notre piétinement et de nos échecs.
    Nous n'avons même plus la force de faire appel à Dieu. Nous déclarons forfait.

    Le propre de ce but, en effet, est de ne pas pouvoir être atteint par nos propres forces. Il ne
    1'est que parce qu'un autre, le Christ, y est parvenu avant nous et qu'il n'a de cesse de nous partager sa
    victoire devenue la nôtre. Assimilé à notre but, devenu notre but, il nous appelle à le rejoindre dans la
    plénitude de son corps pour peu que nous ayons le courage de nous entraîner pour parvenir jusqu'à lui.

    Nous ne sommes cependant jamais certains d'avoir gagné car le meilleur ignore qu'il est le
    meilleur. Il demeure terrassé à la vue de ce but désirable à l'extrême, dont il jouit déjà, qui demeure
    pourtant obstinément inaccessible, but encore à venir, pourtant déjà là, en lui, donné par un autre.

    La médaille, à conquérir ou à recevoir?

     


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  • Les actions terroristes se multiplient, toutes plus odieuses les unes que les autres.

    Enlèvements, séquestrations, tortures se produisent partout, y compris dans nos pays dits civilisés. Les
    raisons peuvent varier. Il peut aussi bien s'agir de la défense ou de la propagation d'idéologies
    politiques ou religieuses par des hommes dont les forces sont insuffisantes pour se mesurer au combat.
    que des pressions exercées sur des prisonniers pour les abaisser et leur faire avouer ce qu'ils ne savent
    pas. Le procédé est partout le même, la prise en otage et la manipulation de personnes innocentes.

    Au départ du terrorisme, nous trouvons une opposition radicale entre les parties en conflit et
    une disproportion des forces telle qu'elle .interdit toute confrontation. Les exemples palestinien et
    irakien suffisent à comprendre qu'une résistance militaire frontale est impossible. Faute de trouver des
    solutions politiques viables, le combat ne peut que .. se transporter sur des actions spectaculaires, serait-
    ce pour rappeler à l'ensemble des nations que le problème n'est pas résolu et que, aussi longtemps
    qu'il ne l'aura pas été, une menace continuera de planer sur tous, impalpable et meurtrière.

    Dans aucun cas, il ne s'agit de problèmes de frontières ou du désir de vaincre une autre
    nation. il s'agit de questions politiques entre des communautés vivant sur un même territoire, ou bien
    de questions concemant l'avenir de l'Irak, pays en convulsion, occupé par une puissance étrangère,
    devenu l'épicentre des mouvements extrémistes musulmans en réaction contre la domination des
    nations occidentales. De telles questions ne seront résolues par aucune victoire militaire.

    Les données du problème du terrorisme sont telles que rien ne permet de penser que cette
    forme de violence soit près de s'arrêter. Ceux qui se battent ainsi ne se font aucune illusion sur leur
    capacité à renverser la situation en leur faveur, leurs forces étant trop faibles. Mais ils peuvent compter
    sur la peur qu'ils répandent dans la population des pays auxquels ils s'opposent pour infléchir la
    politique de ses gouvernants. La peur est l'arme fondamentale des terroristes. Ils pensent que les
    citoyens des pays riches, repus de biens, préfèrent s'incliner que de vivre dans la peur.

    Animés par un idéal religieux qu'ils croient menacé, ils n'hésitent pas à le proclamer et à le
    défendre par tous les moyens, sûrs d'une récompense divine en cas de mort brutale. ils sont prêts à
    tous les sacrifices, y compris celui de leur vie, pour sauver l'honneur de Dieu. Fanatisés, face à des
    adversaires qui ont pour eux la force des armes mais qui leur paraissent amollis, ils prennent tous les
    risques sur le terrain, et aucune action ne leur semble immorale dès lors qu'elle concourt à la victoire
    de leur cause. Ils n'ont rien de 'desperados' qui savent que leur cause est perdue parce qu'ils ont
    conscience que chaque coup donné ébranle l'adversaire malgré sa puissance et les rapproche du but.

    La sauvagerie s'abreuve à la source de cet extrémisme religieux et de la défense des valeurs
    ancestrales. L'explosion des groupuscules due au chaos provoqué par la guerre favorise tous les excès.
    Au nom de Dieu, tout est permis. Les otages deviennent des munitions dans le grand challenge qui
    oppose les fondamentalistes musulmans à ceux qu'ils considèrent comme leurs adversaires, qu'ils ont
    un devoir religieux d'humilier et de chasser. Leur premier but est d'isoler leur principal agresseur en
    poussant à l'abandon ceux qui l'ont soutenu. L'horreur des exécutions et des décapitations télévisées
    devient une arme, écœurante pour nous, mais glorieuse pour ceux qui espèrent faire ployer les
    gouvernements sous la pression de la rue, pays démocratique et élections obligent.

    Ces évènements graves nous atteignent tous. Aucun de nous ne peut être étranger à ces
    atrocités car demain elles peuvent survenir, de façon sournoise, chez nous aussi. Dans nos pays
    développés, il existe de plus en plus d'êtres mal dans leur peau, des laissés-pour-compte sans but et
    sans avenir. Aujourd'hui délinquants, ils sont en attente d'une légitimation de leur désarroi et de leur
    violence. Ne sont-ils pas un terreau pour adhérer demain à un extrémisme religieux quelconque?

    Notre réponse devrait consister à donner la priorité au respect de la vie humaine. Un respect
    qui ne se limite pas à multiplier les objets de consommation mais qui cherche à faire grandir les
    hommes dans leur dignité. C'est à un enracinement plus profond de notre culture judéo-helléno-
    chrétienne que nous sommes appelés. Non pas en croisés, mais en témoins, avec le souci du dialogue
    pour résoudre les problèmes par la justice, et non pas par les armes et le terrorisme.

    Si nous n'y parvenons pas, il est à craindre que les évènements lointains actuels ne nous
    atteignent nous aussi dans les années à venir. Pourquoi la barbarie s'attarderait-elle sur une terre
    étrangère, quand ses germes sont déjà chez nous? Sommes-nous en train d'assister, impuissants, à
    l'écroulement de notre humanité sur elle-même? S'il en allait ainsi, comment se relèverait-elle?

    Qu'en serait-il de l'homme image de Dieu? Dieu se plairait-il à une telle image?

     


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  • Qui ne s'est interrogé un jour sur Dieu? Existe? N'existe pas? Les réponses varient de l'un
    à l'autre, mais aucun n'est en mesure de convaincre l'autre par des démonstrations qui emportent
    l'adhésion. Dieu, s'il est, demeure drapé dans son mystère, trop éloigné de nous pour être accessible,
    ou trop proche pour laisser transparaître le créateur d'un univers dont l'immensité nous emplit
    d'effroi. Dieu, pour la plupart, est incertain, pour quelques-uns il est impensable, pour beaucoup il
    reste lié à la magie, pour le reste il s'est révélé comme celui qui est le but et qui donne sens.

    Dieu serait-il une projection de l'esprit humain, victime de notre incapacité à répondre à
    toutes les questions posées par une existence fragile, qui n'a aucune nécessité en elle-même?
    Certainement les premiers hommes n'ont-ils pu se comprendre qu'en relation et en dépendance à un
    être qui avait pourvu la nature de tout ce qui étaitnécessaire à leur subsistance et qui avait fait d'eux
    les maîtres de la création. Louange sans réserve était due à cet être ! Mais est venu le temps où
    l'homme n'a plus besoin de dieux pour se comprendre et donner sens à sa vie. il se définit comme
    autonome et conquérant, suffisamment adulte pour se passer d'une béquille, si divine soit-elle.

    Qu'en pensent les croyants? ils savent tout ce que savent ceux qui rejettent l'hypothèse
    Dieu. Cependant ils persévèrent dans la foi. ils n'attendent rien d'autre de Dieu si ce n'est qu'il soit ce
    qu'il est, un être qui n'est pas d'abord un grand architecte, qui ne s'impose pas par la force et la
    puissance - encore moins par la terreur - mais qui pèse de tout son poids dans le cœur de ceux qui
    l'aiment. Dieu est l'habitant de nous-mêmes, l'hôte que nous recevons et qui nous le rend bien. Nous
    n'attendons pas ses miracles, ses guérisons ni ses merveilles, rien d'autre que sa seule présence. Là !

    Cette approche de Dieu est l'aboutissement - tout provisoire sans doute - d'une évolution à
    laquelle le développement de la rationalité et des sciences a fortement contribué. Dieu, si l'on peut
    dire, s'est réfugié en l'homme Jésus. Non qu'il soit devenu étranger à la naissance de notre univers ou
    à la marche de l'histoire. Mais dans le temps où nous sommes, alors que l'homme est si souvent
    bafoué, humilié, nié, alors que des foules se réfugient dans l'adoration d'un dieu meurtrier ou dans des
    sectes taillées sur mesure, le Dieu des chrétiens est perçu comme celui qui donne sens à nos existences
    humaines et qui, par le fait même, nous humanise en nous guidant vers lui dont nous sommes l'image.

    Dieu intérieur et pourtant Dieu partagé, rassembleur de notre humanité dispersée, éclatée,
    atomisée. Dieu dont la faiblesse, ou l'extrême respect de la liberté, abandonne l'homme à ses démons,
    purement virtuels et incréés, et qui pourtant ne cesse de l'appeler à la raison, c'est-à-dire à l'amour.
    Car c'est la raison elle-même qui fait comprendre à l'homme qu'il est fait pour la communion et le
    respect. L'amour n'est pas simplement un sentiment puissant qui nous tourne vers l'autre, il est à la
    base de la vie organique, sociale, intellectuelle, le socle sur lequel repose tout ce qui fait l'homme.

    N'est-ce pas de cette façon-là qu'on peut dire: «j'aime Dieu»? Que veut dire cette
    expression un peu trop passe-partout? il est bien difficile d'aimer celui qu'on ne voit pas, qui ne parle
    pas notre langage, bien qu'on puisse se donner des quantités de sensations qui ne sont que fantasmes.
    Aimer Dieu, cela veut dire prendre conscience du poids d'un qui est là, en nous, de sa présence
    innommable, de l'accepter et de l'accueillir à tout moment, dans les épreuves comme dans les joies.
    Aimer Dieu c'est l'acte par lequel on ressaisit ce vis-à-vis qu'il est et qui s'assimile à nous.

    Croire que Dieu est nous ramène à nous-mêmes quand les dérives barbares du monde
    contemporain nous porteraient à croire qu'il n'y a pas de Dieu. Il en va ainsi depuis les débuts de
    l'humanité tels qu'ils nous sont connus. il n'y a jamais eu de paradis sur cette terre. L'homme est né
    assassin de son frère, un danger pour l'espèce humaine entière. Par une négligence divine, à moins que
    ce ne soit le prix à payer pour apprendre la liberté de l'amour. Mais quand viendra ce temps? Dans de
    telles conditions, qui peut penser que la foi est un refuge? Elle est au contraire un pari fou.

    Dieu se trahit à la lecture de nos vies, parfois à leur relecture. Simple imagination ou
    interprétation toute personnelle peut-être, mais traces d'une présence, d'une attention, qui aboutissent
    à la construction d'un soi-même dans la peine, les catastrophes évitées, les exclamations de bonheur
    éphémère, les combats essentiels encore à venir, comme si quelqu'un nous aidait à lire les signes de sa
    présence que nous avons posés nous-mêmes en écrivant, de notre propre main, notre propre vie.
    Comme si ce quelqu'un n'avait cessé d'être là, de nous éclairer et de nous pousser encore en avant.

    Il en va de même pour l'histoire des peuples, des hommes, dans cette brume opaque dans
    laquelle nous sommes ensevelis, où chacun semble prisonnier de sa naissance, où cependant il trace
    son sillon de lumière de sorte qu'on puisse dire: ici, un homme est passé, trace du Dieu vivant,

                                               manifesté dans l'éternel matin de Pâques. 


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