• Fête des mères. Fête des pères. Chaque année ces fêtes rythment notre vie civile. Elles ne sont pas le rappel d’un devoir que nous aurions à l’égard de celles et ceux de qui nous tenons la vie. Il s’agit de fêtes et donc de moments de joie. Elles sont une invitation à exprimer le bonheur d’avoir une mère et un père que nous pouvons appeler ‘maman’ et ‘papa’, deux mots qui expriment une familiarité et une proximité uniques, une intimité à la fois simple et extrême, que nul ne pourra dérober à ceux qui les prononcent. Elles sont l’occasion d’une prise de conscience des fondements de notre personnalité.

    Comme toute fête, celles-ci ont des relents commerciaux. Nul ne s’en plaindra s’il s’agit de faire connaître des sentiments par le moyen de quelques menus objets qui en sont le signe. Mais cela ne suffit pas car le plus important ne se monnaye pas. L’essentiel est la reconnaissance de la dette que nous devons à nos géniteurs, dette de la vie donnée et de l’amour partagé. Non pas une dette dont on pourrait se libérer par de l’argent, mais une dette qui court tout au long de la vie, qui est l’inverse de ce que ce mot signifie habituellement. ‘Dette’, ici, signifie que nous ne nous sommes pas faits tout seuls et que nous tenons notre origine d’un acte et d’une volonté d’amour qui appellent une réciprocité

    Comme toute fête, celles-ci peuvent être des moments de souffrance puisque tout le monde n’a pas la chance d’avoir une mère et un père vivants ni même connus et identifiés. Tout le monde n’a pas non plus la chance d’avoir une mère et un père aimants, car les conditions de l’engendrement aussi bien que celles de la vie quotidienne ne facilitent pas toujours l’épanouissement de l’amour. Trop d’enfants ne peuvent pas bénéficier de ce à quoi ils ont droit en arrivant au monde et les fêtes ne peuvent que creuser en eux le manque et parfois attiser leur haine.

     

    On n’a jamais tant fêté la famille, et pourtant la famille donne des signes d’essoufflement. Elle est remise en question par la vie contemporaine qui disperse les adultes, les individualise, les fait évoluer à l’écart ou à l’opposé l’un de l’autre. Chacun des mère et père peut se trouver un jour incapable de suivre les changements survenus chez l’autre. Des remises en cause douloureuses du ‘vivre ensemble’ peuvent s’imposer brutalement, mettant un terme à toute intimité, transformant le lien d’amour en mur d’opposition, conduisant au rejet de l’autre dans la totalité de sa personne.

    Les enfants ne seront jamais épargnés dans de tels conflits. Leur relation aux parents en sera perturbée, surtout si l’un des parents ne cesse d’abaisser et de condamner l’autre, de le flétrir au regard de l’enfant. Et ce trouble ne pourra que rejaillir sur le caractère de l’enfant, sur son avenir, son instabilité, son manque de confiance dans les adultes, sa capacité à s’engager à son tour dans une relation amoureuse avec un désir d’enfant d’où pourra naître un nouvel enfant désiré.

    La famille, aujourd’hui plus qu’hier, est une structure sociale aussi indispensable qu’instable. Indispensable parce que la mère et le père sont nécessaires pour le développement humain de l’enfant et pour son équilibre futur. Instable si l’on consulte les statistiques des divorces et qu’on y ajoute le nombre de couples vivant en concubinage qui se séparent.  Quant aux enfants, ils se retrouvent dans un nouveau type de famille soit monoparentale soit recomposée avec de nouveaux partenaires adultes.

     

    La famille, père et mère vivant ensemble et participant ensemble à l’éducation de leurs enfants, reste le modèle fondateur. Mais le concept de ‘famille’ est en train de s’élargir à des situations étrangères à la signification originelle de ce mot. Jusqu’où la société évoluera-t-elle ? il est difficile de le dire, surtout si demain le mariage homosexuel se banalise et aboutit à la constitution de familles monosexuelles. Y aura-t-il des retours en arrière, des rééquilibrages ? Beaucoup dépend du législateur, mais lui-même dépend de l’évolution de la société, des électeurs, et donc de la conscience collective.

    Mais surtout comment réagiront les jeunes générations ? À les entendre, il semble que le modèle classique garde toute leur faveur. Même les plus asociaux aiment à se projeter dans l’avenir avec une petite maison, une femme et des enfants, images de stabilité et de réussite. Mais cette image sera-t-elle suffisamment forte pour devenir dynamisante ? ne restera-t-elle pas un rêve d’enfance, les déséquilibres personnels et l’évolution inexorable de la société poussant dans d’autres directions ?

    En dépit de tout et quelle que soit son évolution, la famille demeurera longtemps encore la référence.  Elle est le meilleur moyen de réussir l’éducation des enfants et d’assurer la stabilité du monde. Elle est structurante tant pour les personnes que pour la société. L’homme n’est pas fait pour la solitude et l’errance ne permet pas de construire. Fragilisée mais pas détruite, confusément désirée par tous, la famille restera longtemps encore la base de la vie de l’homme sur cette terre.

     

    Dieu a fait l’homme homme et femme pour être une aide l’un pour l’autre (Gn 2, 24).


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  • Un nom jusque-là parfaitement inconnu de la plupart des gens, désormais célèbre et destiné à servir de point de référence dans l’histoire judiciaire de notre pays. Là un procès hors du commun va s’achever dans quelques jours après des semaines de débats houleux ponctués de coups de théâtre. La matière du procès, la pédophilie, le nombre des accusés, 17 et l’âge des enfants victimes de sévices ont de quoi faire tourner la tête. Tout, dans cette affaire, donne l’impression qu’un délire a saisi tous les protagonistes, y compris le magistrat instructeur. Procès hors norme pour situation monstrueuse.

    Le débat public est clos. Il ne reste plus qu’à attendre le verdict. Quel qu’il soit, un certain nombre d’affirmations, admises sans réserve depuis de nombreuses années, ne bénéficieront plus de la même autorité. Ce qui paraissait une doctrine sûre sera reçu avec précaution. Désormais nous le savons, les enfants peuvent dire autre chose que la vérité et pourtant ne pas mentir. Ils peuvent adopter des stratégies d’accusation et de défense en fonction d’intérêts qui nous échappent. Ils peuvent mêler et confondre les personnes. Ils peuvent ajouter ou retirer de ce qu’ils ont vécu selon leurs fantasmes,.

    Il n’empêche que les dégâts causés par les accusations mensongères pourtant tenues pour véridiques, sont considérables. Des adultes ont passé des années en prison et certains d’entre eux pourraient faire l’expérience amère des difficultés qui en découlent. La suspicion continuera de peser sur les prévenus pour lesquels le Procureur a jugé bon de réclamer des peines. Des enfants ont été privés de leurs parents incarcérés à tort. Des situations ont été brisées, des couples meurtris. À cause d’une instruction mal menée. Le dédommagement financier de l’Etat ne règlera pas les plaies du cœur.

     

    La doctrine officielle voulait que, dans les affaires d’agressions sexuelles ou de viols, la parole des enfants ne se discute pas. Elle est crédible à près de 100 %. Au nom de quoi il n’est pas question de présomption d’innocence. On se dépêche de licencier et d’incarcérer le coupable. Selon le credo officiel, celui qui est désigné par l’enfant est coupable. Il se peut qu’un long délai ait couru entre l’acte et la dénonciation. Cela ne fait rien. Même si le présumé coupable n’a commis aucun autre crime de quelque nature que ce soit depuis 10 ans ou plus, on se hâte de l’enfermer pour le cas où…

    On a conféré à la parole de l’enfant un statut d’infaillibilité, qu’il s’agisse de l’enfant d’aujourd’hui ou de celui qui fut hier enfant et qui fait référence à des faits déjà lointains. Il est certain que le plus grand nombre des dénonciations correspond à la réalité, même lorsqu’il n’y a plus aucune preuve matérielle possible. Mais les possibilités d’erreur sont là. Et il y en a. Et lorsqu’il s’agit d’une parole contre une autre, n’est-ce pas une facilité de donner droit aux seules paroles de la victime ?

    Ce sont des débats redoutables. L’enfant peut être manipulé comme n’importe qui, surtout par son entourage immédiat. Il est traversé de peurs, peurs de perdre l’amour et le soutien de ceux qui l’entourent. Il est instable et son imagination le porte à amplifier ce qui a une charge émotionnelle. Le procès d’Outreau est une illustration éclatante de l’ambiguïté de l’enfant dans le contexte impressionnant d’un tribunal. Juges, gendarmes et psychologues sont passés à côté de la vérité qui a échappé même aux enfants, eux qui ont mis en cause des personnes étrangères à toute l’affaire.

     

    L’inquiétant est que les psychologues, qui ont contribué à établir la règle selon laquelle la parole des enfants doit être crue, n’aient pas été capables de relever les excès et les invraisemblances qui ont alerté plus d’une personne de bon sens. Au nom du dogme. Ils ont fait confiance aveuglément aux enfants. À la limite, on peut se demander l’intérêt des expertises qui précèdent les Assises si elles ne servent qu’à confirmer la vérité du dogme. Pour qui pratique les dogmes, on sait que tout est justifiable pourvu que le dogme soit sauf. Nous sommes en pleine idéologie, non plus en psychologie.

    Hier les prêtres tenaient entre leurs mains les clefs des consciences et du paradis, et parfois des bûchers. Aujourd’hui que les prêtres ont pris la mesure de leurs excès de pouvoir passés et qu’ils sont attentifs à chaque personne humaine, vient le règne des psychologues, nouveaux personnages sacrés, qui prétendent tenir entre leurs mains les clefs de la vérité. Ces clefs n’ouvrent ni ne ferment les portes du paradis, elles ne mettent pas davantage le feu à des bûchers, mais elles peuvent ouvrir ou fermer les portes des prisons, en facilitant l’absence d’enquêtes équitables qui devraient être les seules à faire passer quelqu’un de l’état de présumé innocent à celui de coupable.

    En toute matière les dogmes demandent à être revisités. En matière profane plus encore qu’en matière religieuse où les conséquences sont moins graves, maintenant qu’ils ne servent plus de prétexte à des guerres. Quant aux dogmes de la psychologie, il appartient d’en approfondir le contenu positif, la défense des faibles, ce qui ne doit pas se faire au détriment de la vérité et de la justice.

     

    Le temps est venu de repenser les dogmes.


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  • Qu’il y ait du mal dans le monde, cela n’a pas besoin d’être démontré. Le mal est multiforme et, de même que chez l’hydre, lorsqu’une tête tombe, elle repousse, quand on supprime un mal bien souvent il resurgit d’une autre façon. Quant à supprimer toute trace de mal, c’est tâche impossible, car le mal se cache dans le meilleur du cœur de l’homme. La victoire du Christ sur la mort n’a pas éliminé le mal dont la disparition est reportée à la fin des temps. Dieu, dans le Christ, a détruit les racines du mal, mais nous en restons là. La terre continue de mal tourner et les hommes d’être dans la peine.

    Certes, savoir que Dieu, dans le Christ, est mort du fait du mal des hommes pour s’en faire solidaire dans leurs épreuves est une consolation. Dieu a pris partie. C’est pour nous une force dans notre lutte contre le mal, pour autant que nous prenions au sérieux sa présence en nous qui fait de nous son Temple. Mais il ne nous dispense pas de l’épreuve. À nous de lui donner un sens quitte à faire comme Job, à demander des comptes à Dieu. Dieu seul est à même de répondre à nos questions, mais il le fait à sa façon, en nous entraînant jusqu’au cœur du mystère de sa relation intime au mal.

    En dépit de notre gène, nous devons admettre que le mal s’origine dans le Dieu unique, seul créateur de l’univers. Puisque Dieu est à l’origine de tout, il l’est aussi du mal. C’est bien ce que nous suggère le Livre de Job lorsqu’il nous présente le Satan dans la cour de Dieu où il joue un rôle important. Le mal est forcément lié à Dieu, non pas en opposition, mais en relation avec la liberté donnée aux créatures intelligentes et en relation avec la nature séduisante mais parfois trompeuse.

     

    Le mal moral, dont nous parlons volontiers, vient, lui, directement de l’homme. C’est l’homme libre qui commet la faute. C’est dans sa liberté qu’elle prend naissance. Cependant nous devons tenir qu’il n’est pas possible de ne pas faire le mal. Notre liberté est restreinte, elle est faillible par nature. Vivant dans un monde fini, nous butons sur les obstacles que nous rencontrons, qui contredisent notre aspiration à l’infini et à la perfection Nous croyons tenir un bien et nous faisons un mal. Tous les parents font de leur mieux pour leurs enfants, certains font des erreurs qui aboutissent à des catastrophes, et donc à un mal, pour les enfants. Le mal passe chez l’enfant qui en pâtira.

    Le mal moral est un produit de l’homme. L’homme se trouve dans une situation qui rend inévitable le mal qu’il fait : non pas ce mal-ci, parce qu’il est toujours possible de résister à un attrait, mais un autre mal plus sournois, lové à l’intérieur du premier, qu’on découvrira beaucoup plus tard, à ses conséquences. Si bien que l’homme est responsable du mal, bien qu’il ne puisse pas ne pas le faire. Tout ceci a forcément un sens et doit nous conduire à interroger Dieu, notre créateur.

    Dieu nous a créés libres, il ne nous a pas créés pécheurs. Il nous a créés par amour, il ne nous a pas créés pour la souffrance et l’échec. Le Christ nous dit tout cela de la part de Dieu. Sans lui nous ne pouvons pas comprendre. Le mystère demeure cependant entier. Pourquoi le passage obligé de Jésus par la souffrance pour nous dire la solidarité de Dieu et nous sauver ? Certes sans cela nous ne saurions pas de quelle folie Dieu nous aime. Mais est-ce suffisant pour l’homme dans la douleur ?

     

    Mais il y a aussi le mal, ou les imperfections de la nature, qui coûtent la vie chaque année à des milliers de personnes : les tempêtes imprévisibles, les tremblements de terre destructeurs, les éruptions volcaniques… Même si l’homme, par son impéritie, amplifie ces problèmes écologiques, la terre est une planète en travail, en évolution. Certaines de ces évolutions apportent le malheur. Nous savons que la terre mourra de sa belle mort. Tout ce qui est créé est voué à disparaître.

    Dieu est le seul à détenir les clefs de la réponse à la question du mal. Ce n’est pas par hasard que Job s’en est pris à Dieu. Il avait bien compris de qui il tenait la vie et de qui le malheur : de Dieu. Il n’a pas rejeté Dieu, mais il l’a accusé. Combien d’hommes et de femmes aujourd’hui se retrouvent dans la situation de Job, entourés de pieux amis qui, par leurs discours, croient sauver Dieu, l’homme et la nature en les persuadant de fautes qu’ils ne reconnaissent pas avoir commises. Eux aussi sont tentés de mettre Dieu en cause, comme l’a fait Job. À moins qu’ils ne se détournent de ce Dieu dont les porte-parole sont décevants. Quelques-uns continuent à se référer à Jésus, mais comme à un personnage mythique qui dépasse les catégories dans lesquelles les hommes excellent à s’enfermer.

    Job l’avait bien pressenti, le mal ramène à Dieu, comme cause et source, mais aussi comme seul libérateur possible. Dieu a créé le monde et il l’a confié à l’homme pour le modeler. Dès le départ il lui a mis un outil entre les mains pour travailler la terre. Cet outil nous est donné à notre tour pour que nous dégagions la route sur laquelle Dieu, vainqueur du mal qu’il ne nous a pas épargné, s’avancera au-devant des hommes qu’il rassemblera enfin sans exception, sans condition, sans rejet.

     

    Dieu vainqueur du mal.


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  • Le procès d’Outreau vient à peine de se terminer que les affaires criminelles se multiplient, toutes horribles et inquiétantes. Après celui de Marc Dutroux, les noms de Michel Fourniret et de Pierre Bodein s’ajoutent à la liste des grands criminels pour raisons d’enlèvements suivis de viols. L’irruption soudaine de ces crimes, quand s’y ajoute une affaire de cannibalisme, pose des problèmes de justice, mais aussi des problèmes de santé mentale de notre société. La justice ne pourra répondre seule aux problèmes posés, elle y répondrait imparfaitement. La société doit réfléchir sur elle-même.

    La justice a déjà pris quantité de mesures concernant la délinquance sexuelle, ce qui n’empêche pas cette dernière de proliférer. Sans doute faut-il juger et condamner, mais cela ne suffit pas. Les condamnations, même si elles prétendent parfois à une valeur exemplaire, ne dissuadent pas les néophytes qui n’ont pas encore goûté de la prison. La facilité avec laquelle les mêmes infractions se répètent montre bien le caractère profond, souterrain et ramifié des pulsions qui aboutissent à l’acte délictueux. L’exemplarité, en ces domaines, ne semble guère avoir de portée qu’à l’égard du contrevenant lui-même. Ce qui n’est pas inutile, car cela limite la récidive dont on nous assure qu’elle est finalement très limitée en cette matière qui occupe pourtant la moitié de nos prisons.

    La société, quant à elle, cherche à se protéger, mais pas à se remettre en question. Non pas qu’il soit nécessaire d’y apporter plus d’ordre et de rigueur selon un schéma janséniste, mais parce qu’elle n’aime pas se plier au regard intérieur, au recul et à la réflexion. Aveugle volontaire sur les violences qui l’habitent et qu’elle développe, elle prépare les maux dont elle se plaindra demain.

     

    Va-t-on légiférer à partir de cas extrêmes ? Va-t-on durcir encore la politique pénale à cause d’un ou deux déséquilibrés ? Est-il possible d’avoir un système répressif à l’abri de tout échec ? Nous sommes dans un domaine humain qui ne peut pas être fiable à cent pour cent. Aucun psychiatre ne pourra garantir que M. Untel commettra ou ne commettra pas de récidive ; aucun ne pourra certifier qu’il pourra ou ne pourra pas évoluer, sauf des cas précis et limités. Qui prendra la responsabilité de retenir indéfiniment un détenu en prison, quand d’autres en sont sortis et s’en sont sortis ?

    Si l’examen psychiatrique d’un homme permet de le juger et de penser qu’il est apte à comprendre le sens de sa peine, celui-ci recevra une condamnation et il ira en prison. Sinon, sa responsabilité n’étant pas engagée, il sera dirigé vers un hôpital psychiatrique et il y sera placé sous le contrôle du corps médical. Mais il y a toute une gamme entre les deux. Tel homme est plus ou moins responsable, plus ou moins dangereux. Où le situer ? Qu’en faire ? Faut-il des structures spécialisées ?

    Le débat se situe entre la protection de la société et la liberté des personnes, qui est un droit imprescriptible. La priorité absolue est celle de la liberté qui est le fondement de toute vie personnelle et de toute activité sociale. La société est en danger maximum dès que la liberté est mise en question. Nul ne sait ce que pourrait devenir un centre regroupant à vie des individus dangereux. Qui sait si, un jour, ce centre ne pourrait pas être utilisé à d’autres fins, politiques par exemple ?

     

    Le procès Outreau a mis en lumière un certain nombre de disfonctionnements de notre procédure pénale. Le cas de Pierre Bodein, lui, peut laisser craindre qu’il y ait eu un manque de vigilance bien qu’il ait purgé toute sa peine. D’un côté la justice n’a pas pris de gants à l’égard de présumés innocents, de l’autre elle n’a pas assuré le suivi d’un condamné. Trop de sévérité d’un côté, trop de laxisme de l’autre. Quant à Michel Fourniret, c’est l’histoire d’un tueur en série qui échappe à toutes les enquêtes, comme on en voit de temps en temps dans tous les continents.

    Il ne faudrait pas que ces cas exceptionnels soient l’occasion d’un durcissement général des lois pénales. Toutefois, étant donné leur convergence dans le temps, il convient d’en tenir compte. Dans le contexte volontiers destructeur de l’équilibre psychologique et affectif qu’est celui de nos sociétés contemporaines, ces cas sont un signal d’alarme des dérives dans lesquelles l’homme soi-disant civilisé, peut se laisser entraîner. Développé technologiquement, il demeure un primitif affectif.

    Notre société contemporaine se trouve en question à travers ces drames. Les hommes et les femmes libres qui la composent doivent s’attacher à un travail de réhumanisation, Celui-ci passe avant toute réforme de la justice. En effet si la prison demeure nécessaire, elle doit être perçue comme un échec pour la société elle-même, avant de l’être comme une protection et un lieu de punition ordinaire. Le dernier mot revient à la capacité et à la volonté qu’auront les hommes et les femmes de s’autoréguler et de devenir leurs propres éducateurs. À eux de faire des choix pour assurer leur liberté dans un environnement contraignant et déséquilibrant, assorti d’un brouillage des valeurs.

     

    La paix et la justice de nos sociétés sont entre nos mains.


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  • Auparavant, chaque peuple avait ses dieux, et ceux-ci n'étaient pas en lutte les uns contre les autres. Le plus fort gagnait la guelTe et on en restait là. Aucune divinité n'était porteuse d'un message universel. Si elle étendait sa réputation et son territoire, c'était à la faveur des armes. Elle en tirait gloire, mais il n'était pas question de déclencher des guerres en son nom. Elle faisait gagner les guelTes et méritait les sacrifices, mais elle n'était pas la cause ou le prétexte d'une guerre.

    Depuis que le monothéisme est né, Dieu est devenu un facteur de violence. Affirmer qu'il n'y a qu'un Dieu, cela exclut d'emblée toutes les autres divinités et les fait retourner au néant. Elles avaient été conçues et enfantées par les hommes et leur imaginaire. Avec le Dieu unique, ce sont les hommes qui descendent de Dieu et qui doivent s'élever à Lui. Dès lors qu'on prétend qu'il n'y a qu'un Dieu, on ~e croit un devoir d'en finir avec les .superstitions. Au nom de Dieu, de la dignité de l'homme, de la vérité. Alors que le Dieu unique ne devrait conduire qu'à un bonheur paisible, c'est l'inverse qui se produit comme nous l'enseigne l'histoire et comme nous en faisons l'expérience.

    Ce n'est pas sans raisons. Ces raisons découlent de ce qu'on appelle la vérité. Dès lors qu'il n'y a qu'un Dieu, nous projetons en lui tout ce qui nous apparaît positif. Dieu est le seul parfait, le seul bon, le seul juste. En lui sont la vérité et la vie. Si la perfection, la bonté et la justice sont des notions qui gardent de la souplesse, on ne transige pas sur la vérité. Une chose ne peut pas être à moitié vraie. Si Dieu parle, ce qu'il dit est Vérité. Il parle pour tous les hommes et tous doivent se soumettre à Sa Vérité, bien qu'on sache que les paroles de Dieu passent par le filtre de l'esprit des hommes.

    La question fondamentale est celle de la vérité. Dieu ne peut ni se tromper ni nous tromper. Qu'a-t-il donc à nous dire de si important que la vérité soit une question centrale? Entre les hommes la vérité est souvent écornée sans qu'il s'ensuive des drames. En ce qui concerne Dieu il en va différemment parce que Dieu et la Vérité sont identiques. Dieu est Vérité. En lui pas de mensonge. Ne pas adhérer à la vérité de Dieu telle qu'elle nous est révélée, c'est se détourner de lui, le renier. Et le renier, c'est se renier soi-même puisque nous sommes son image et non l'inverse.

    L'important cependant n'est pas d'avoir une idée juste de Dieu, mais une idée juste de l'homme. On peut très bien vivre. avec une connaissance imparfaite de Dieu. N'est-ce pas le cas de la plupart d'entre nous qui nous contentons d'à-peu-près? Cependant l'homme a besoin de savoir qui il est pour savoir ce qu'il doit faire et quel est le sens de sa vie sur cette terre. Il ne le peut que par la médiation de sa connaissance de Dieu, même imparfaite, une connaissance qui n'est pas intellectuelle mais est une relation de personne à personne, une connaissance du cœur et de l'intelligence.

    Connaître la Vérité qu'est Dieu, c'est donc appréhender et interpréter la longue geste qui lui a permis de Se dévoiler au cours des siècles, de dire QUI IL EST. Savoir qui est Dieu nous permet de connaître qui est l 'homme, puisque nous sommes son image. Mais notre conduite sera différente selon notre façon de perœvoir Dieu. À Dieu de paix, homme de paix, à Dieu guerrier, homme guerrier. Cela par une empathie qui nous fait désirer le désir même de Dieu. La Bible nous fait voir un Dieu qui a pu paraître familier, guerrier, sage, vengeur, libérateur, sauveur... et l'homme a calqué son attitude sur ce qu'il pensait être la vérité de Dieu. Aujourd'hui pour nous, Dieu nous fait libres dans son amour.

    Ceci n'autoriserait aucune violence s'il n'y avait qu'une source unique de la connaissance de Dieu. Malheureusement Dieu a fait en sorte qu'il y en ait plusieurs. Même si les trois monothéismes puisent au fond unique que représente l'appel de Dieu à Abraham puis à Moïse, ils n'aboutissent pas à une vision semblable de l'homme puisqu'ils ne sont pas d'accord sur ce que Dieu demande. L'homme juif, l'homme chrétien et l'homme musulman, bien que professant tous le même Dieu unique, ne conçoivent pas la mission, l'avenir de 1 'homme et de la société de la même façon.

    Chacun prétend connaître la Vérité de Dieu et la professer, lui seul. Or il ne peut pas y avoir trois vérités de Dieu, l'Unique. Le vœu de chacun est de convertir l'autre à ce qu'il faut bien appeler sa vérité. Les Croisades hier, Al Qaïda aujourd'hui illustrent cette prétention à rendre hommage à Dieu en lui présentant un peuple soumis par la forœ. Le message divin s'est mué en idéologie aveugle.

    La Vérité est au bout d'un autre chemin. Nul ne la possède, quelles que soient les lettres de noblesse de la révélation qui est la sienne. Nous ne pouvons que constater le long chemin que Dieu a fait parcourir aux hommes, pour se faire connaître, à travers plusieurs millénaires. Tout cela pour aboutir à une dispersion où chacun s' arrache l'exclusivité de Dieu. Or ni les uns ni les autres ne parviendront à imposer leur Vérité de Dieu. Le projet unificateur de Dieu n'a pas abouti. Pas encore!

    Le Dieu unique est déchiré, comment ne pas en souffrir ?


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