• 27 juin 2004 Outreau

    Un nom jusque-là parfaitement inconnu de la plupart des gens, désormais célèbre et destiné à servir de point de référence dans l’histoire judiciaire de notre pays. Là un procès hors du commun va s’achever dans quelques jours après des semaines de débats houleux ponctués de coups de théâtre. La matière du procès, la pédophilie, le nombre des accusés, 17 et l’âge des enfants victimes de sévices ont de quoi faire tourner la tête. Tout, dans cette affaire, donne l’impression qu’un délire a saisi tous les protagonistes, y compris le magistrat instructeur. Procès hors norme pour situation monstrueuse.

    Le débat public est clos. Il ne reste plus qu’à attendre le verdict. Quel qu’il soit, un certain nombre d’affirmations, admises sans réserve depuis de nombreuses années, ne bénéficieront plus de la même autorité. Ce qui paraissait une doctrine sûre sera reçu avec précaution. Désormais nous le savons, les enfants peuvent dire autre chose que la vérité et pourtant ne pas mentir. Ils peuvent adopter des stratégies d’accusation et de défense en fonction d’intérêts qui nous échappent. Ils peuvent mêler et confondre les personnes. Ils peuvent ajouter ou retirer de ce qu’ils ont vécu selon leurs fantasmes,.

    Il n’empêche que les dégâts causés par les accusations mensongères pourtant tenues pour véridiques, sont considérables. Des adultes ont passé des années en prison et certains d’entre eux pourraient faire l’expérience amère des difficultés qui en découlent. La suspicion continuera de peser sur les prévenus pour lesquels le Procureur a jugé bon de réclamer des peines. Des enfants ont été privés de leurs parents incarcérés à tort. Des situations ont été brisées, des couples meurtris. À cause d’une instruction mal menée. Le dédommagement financier de l’Etat ne règlera pas les plaies du cœur.

     

    La doctrine officielle voulait que, dans les affaires d’agressions sexuelles ou de viols, la parole des enfants ne se discute pas. Elle est crédible à près de 100 %. Au nom de quoi il n’est pas question de présomption d’innocence. On se dépêche de licencier et d’incarcérer le coupable. Selon le credo officiel, celui qui est désigné par l’enfant est coupable. Il se peut qu’un long délai ait couru entre l’acte et la dénonciation. Cela ne fait rien. Même si le présumé coupable n’a commis aucun autre crime de quelque nature que ce soit depuis 10 ans ou plus, on se hâte de l’enfermer pour le cas où…

    On a conféré à la parole de l’enfant un statut d’infaillibilité, qu’il s’agisse de l’enfant d’aujourd’hui ou de celui qui fut hier enfant et qui fait référence à des faits déjà lointains. Il est certain que le plus grand nombre des dénonciations correspond à la réalité, même lorsqu’il n’y a plus aucune preuve matérielle possible. Mais les possibilités d’erreur sont là. Et il y en a. Et lorsqu’il s’agit d’une parole contre une autre, n’est-ce pas une facilité de donner droit aux seules paroles de la victime ?

    Ce sont des débats redoutables. L’enfant peut être manipulé comme n’importe qui, surtout par son entourage immédiat. Il est traversé de peurs, peurs de perdre l’amour et le soutien de ceux qui l’entourent. Il est instable et son imagination le porte à amplifier ce qui a une charge émotionnelle. Le procès d’Outreau est une illustration éclatante de l’ambiguïté de l’enfant dans le contexte impressionnant d’un tribunal. Juges, gendarmes et psychologues sont passés à côté de la vérité qui a échappé même aux enfants, eux qui ont mis en cause des personnes étrangères à toute l’affaire.

     

    L’inquiétant est que les psychologues, qui ont contribué à établir la règle selon laquelle la parole des enfants doit être crue, n’aient pas été capables de relever les excès et les invraisemblances qui ont alerté plus d’une personne de bon sens. Au nom du dogme. Ils ont fait confiance aveuglément aux enfants. À la limite, on peut se demander l’intérêt des expertises qui précèdent les Assises si elles ne servent qu’à confirmer la vérité du dogme. Pour qui pratique les dogmes, on sait que tout est justifiable pourvu que le dogme soit sauf. Nous sommes en pleine idéologie, non plus en psychologie.

    Hier les prêtres tenaient entre leurs mains les clefs des consciences et du paradis, et parfois des bûchers. Aujourd’hui que les prêtres ont pris la mesure de leurs excès de pouvoir passés et qu’ils sont attentifs à chaque personne humaine, vient le règne des psychologues, nouveaux personnages sacrés, qui prétendent tenir entre leurs mains les clefs de la vérité. Ces clefs n’ouvrent ni ne ferment les portes du paradis, elles ne mettent pas davantage le feu à des bûchers, mais elles peuvent ouvrir ou fermer les portes des prisons, en facilitant l’absence d’enquêtes équitables qui devraient être les seules à faire passer quelqu’un de l’état de présumé innocent à celui de coupable.

    En toute matière les dogmes demandent à être revisités. En matière profane plus encore qu’en matière religieuse où les conséquences sont moins graves, maintenant qu’ils ne servent plus de prétexte à des guerres. Quant aux dogmes de la psychologie, il appartient d’en approfondir le contenu positif, la défense des faibles, ce qui ne doit pas se faire au détriment de la vérité et de la justice.

     

    Le temps est venu de repenser les dogmes.

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