• La naissance est liée à la nature, la renaissance à la liberté.

    A quelques jours d'intervalle l'abolition de l'esclavage et la naissance d'un enfant

    en la personne duquel les chrétiens voient le Sauveur, évoque des similitudes.

    On naît à la liberté et la liberté fait naître à soi-même.

    Aussi longtemps qu'il est esclave, l'homme est considéré comme un objet.

    L'aliénation dont il souffre fait de lui un non-existant, même à ses propres yeux.

    Il est comme n'étant pas né à l'existence humaine, puisqu'elle seule permet à tout être de pouvoir dire , de s'affirmer face aux autres et à soi-même, d'aimer.

    La libération de l'esclavage a donné légalement à chacun la reconnaissance de sa pleine condition humaine, dont les droits sont l'expression sociale.

    La libération est-elle entière pour autant ?

    Suffit-il de reconnaître des droits à quelqu'un pour qu'il existe et naisse à soi-même ?

    N'est-ce pas une simple étape qui risque de rester théorique, un subterfuge hypocrite?

    Accéder à la liberté, ce n'est pas simplement avoir des droits reconnus, c'est avoir la possibilité concrète, sociale, économique et culturelle de fêter la libération de l'esclavage, c'est jeter un regard en arrière et célébrer la naissance d'un peuple d'hommes libres, reconnus enfin par tous dans leur dignité.

    C'est aussi observer le présent et savoir y déceler les nouvelles formes d'esclavage.

    Il existe, nous le savons, des formes résiduelles d'esclavage "à l'ancienne" dans plusieurs pays de la planète à quoi s'ajoutent des formes larvées d'esclavage liées au travail clandestin, au travail des enfants, à la condition des femmes...

    Quant à la fin de l'esclavage institutionnel dans nos pays occidentaux, il n'est pas sûr qu'il ait permis l'accès de tous et de chacun à l'égalité concrète que lui reconnaît le Droit.

     

    Il existe surtout des formes nouvelles d'esclavage

    .

    Les incertitudes économiques creusent des écarts grandissants entre les riches et les pauvres, entre ceux qui travaillent et ceux qui sont au chômage...

    Ce ne sont pas pour autant les formes les plus graves de l'esclavage contemporain.

    L'esclavage est celui que nous nous donnons à nous-mêmes, auquel nous adhérons de tout notre être, esclavage sournois parce qu'accepté, lié aux moyens de communication, qui passe inaperçu et altère profondément la liberté de chacun.

    Personne, à vrai dire, ne nous oblige à consommer tout ce que nous déverse le "petit écran", pas plus qu'à acheter le dernier produit vanté par la publicité.

    Mais pour se retrouver libre devant de telles sollicitations, il est nécessaire d'avoir un minimum de recul, une capacité d'analyser et de juger que seule peut donner une culture à laquelle tous n'ont pas accès, par manque de moyens économiques, familiaux, sociaux.

    "Esclavage"est le seul nom qui convienne à notre soumission aux messages reçus qui fait de nous des automates obéissants nous donnant l'illusion que nous sommes libres.

    Célébrer une libération passée a-t-il un sens si nous nous aveuglons sur nos modernes esclavages ? La liberté ne serait alors rien d'autre qu'un subtil instrument d'aliénation, car il n'existe pire esclavage que celui de l'esprit et de l'affectivité.

     

    Renaître, tel est le mot qui devrait permettre de sortir de cette impasse.

    La liberté appelle un sens, une histoire à laquelle donner forme et chair, une naissance, la mise au monde

    d'une nouveauté pour soi et pour les autres.

    Renaître, c'est couper le cordon qui nous tient attachés aux idoles présentes.

    Renaître, c'est se montrer capable d'être créateur de son propre avenir.

    En ce sens, Noël est une vraie fête de libération, car elle fait advenir au monde celui qui, libre lui-même, a voulu nous libérer de l'esclavage du péché et de la mort.

    20 Décembre - 25 Décembre, une fête unique en deux temps, l'un commémorant un événement passé, la libération de l'esclavage de l'ère coloniale, l'autre ouvrant à l'avenir et nous invitant à engager le combat contre toutes les formes contemporaines d'aliénation.

    fr. André LENDGER


    votre commentaire
  • Une année s'achève.

    Une année commence.

    "Rien de nouveau sous le soleil", comme dit un auteur de l'Ancien Testament.

     

    Est-ce si vrai que cela ?

    Nous le savons à l'avance, l'année qui vient connaîtra des épreuves, des guerres, des actes terroristes et des drames. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi.

    Elle connaîtra aussi des joies, des bonheurs, des réjouissances, des fêtes et des excès.

    En quelque situation qu'il se trouve, l'homme se laissera aller à ses folies.

     

    Mais l'homme continuera de chercher, de découvrir, de penser et surtout d'espérer.

    Sans doute est-ce le fil le plus ténu qui soit. C'est cependant le plus riche d'espérance.

    S'il est du bonheur à attendre dans l'année qui vient, il ne peut venir que de l'amour.

    Le malheur et le bonheur sont les vieux oripeaux de l'humanité. Ils nous accompagnent depuis le début des temps et ils ne disparaîtront qu'à la fin des temps. Ils nous tirent vers le passé. Ils sont le signe du désordre ancien, du chaos primitif, de la décomposition.

    Aucun répit n'est à attendre de ce côté. Demain sera comme hier, si nous ne cultivons que la face obscure de la vie, celle par laquelle nous nous laissons capturer si volontiers.

    Les atrocités, pour différentes qu'elles soient selon les temps, les lieux et les cultures, ont toutes pour point commun le refus de l'autre. Elles nous ramènent au commencement, nous font régresser vers ce moment où le "non" originel a scellé le germe de la négation de l'autre, et ont entraîné l'humanité vers une culture de violence et de mort.

    Rien de nouveau ne peut naître de notre inclination naturelle vers le mal.

     

    Seul l'amour peut créer du neuf, seul il est capable de surprendre inventer.

    L'amour est tourné vers le prochain, parce qu'il accorde à l'autre droit de cité dans notre coeur et notre estime. Il le fait naître, exister par lui-même, se donner un avenir avec nous.

    Cet accueil de l'autre peut avoir des conséquences imprévisibles, car il déjoue l'enchaînement quasi-naturel de la haine et de la violence. Il y met un frein, sinon un terme. Il jette les bases de la réconciliation là où il n'y avait que déchirement. L'amour édifie.

    L'amour fait sortir l'homme du cercle vicieux dans lequel il se trouve enfermé s'il se laisse aller à ses peurs, à ses jalousies et à ses pulsions de domination.

    L'amour dérange car il va à contre-courant des inclinations de l'homme dominateur de ses frères. L'amour ne fait pas que brûler les coeurs. Il brûle en même temps les germes de mort qui pourraient anéantir l'humanité. Il transforme la société et donne sa chance à la vie.

    Mais l'amour n'est pas sentimentalité, douceur ou faiblesse. Il est combat. Il se paie parfois du prix du sang, comme en ont témoigné les moines de Tibhirine ou Menahem Begin.

    Les Prix Nobel de la Paix nous le rappellent année après année, eux qui couronnent des hommes et des femmes qui ont engagé leur vie pour que la justice, le respect du pauvre ou la liberté d'un peuple opprimé soient reconnus, au risque de la mort.

     

    La violence passera, ne laissant que souvenirs nauséabonds. L'amour ne passera pas.

    Le sang versé par amour sera le témoin, pour les générations à venir, de la possibilité de l'amour jusqu'à l'extrême et des régénérations qu'il peut seul apporter.

    Que l'amour apporte du neuf, les martyrs, qu'ils soient chrétiens ou simples défenseurs des Droits de l'Homme, en apportent la preuve. Ils maintiennent l'humanité sur le chemin de crête afin qu'elle ne verse pas dans la barbarie généralisée.

    Le Christ Jésus, qui vient de naître pour nous, atteste que le sang versé par amour peut transformer l'homme et la société jusque dans leurs ressorts les plus intimes.

     

    Le pire est toujours prévisible et semble inévitable.

    Le meilleur est imprévisible et vient jeter le trouble dans un jeu aux règles bien établies depuis le refus primitif de l'autre, accompagné de la violence originelle.

    L'année qui vient ne sera nouvelle, source d'inédit,que dans la mesure où nous saurons faire place à l'amour et faire reculer la violence et son cortège de mort.

    Ne rafistolons pas le vieux. Faisons du neuf, de l'imprévisible.

    Apprenons à aimer

    fr. André LENDGER


    votre commentaire