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    Une nouvelle session d'Assises vient de s'ouvrir à La Réunion.

     

    Des hommes et des femmes y répondent de leurs crimes.

     

    Moments douloureux pour tous où vont être évoqués et vécus à nouveau des drames, des folies, des déchirements de la chair et du cœur.

     

    Quel que soit l'apaisement qui pourra  venir au fil des ans, la blessure demeurera. Il faudra apprendre à vivre avec, sans désir de vengeance pour les uns, avec l'espoir d'une rédemption pour les autres.

     

    Seule une grande force spirituelle permettra d'y parvenir.

     

     

     

    Comment ne pas penser, à cette occasion, aux innombrables crimes impunis ?

     

                - les crimes dont on ne retrouvera pas les coupables et resteront toujours enveloppés de mystère. Ils n'en seront que plus durs à porter par les parents des victimes, privés de leur droit à savoir, à comprendre, à faire publiquement mémoire de leur malheur et à revivre au grand jour cú

     

    e qui s'est déroulé dans le secret.

     

                - les crimes à grande échelle dont les coupables sont connus mais ont des chances d'échapper pour toujours à la justice.

     

     

     

    Il suffit de quelques chiffres et de quelques images sur les charniers de Bosnie ou du Rwanda - pour ne parler que d'eux - pour s'inquiéter de la façon dont se rend la justice des hommes.

     

    La justice est-elle la même pour tous ?

     

                - elle ne fait pas grâce au criminel ordinaire, avec juste raison.

     

                - elle éprouve du mal à poursuivre, contre toute raison, ceux qui ont causé des massacres ou des génocides à grande échelle, avec un raffinement sadique.

     

     

     

    Tout le monde connaît ceux qui ont soufflé sur les braises. Ils sont encore respectés et reçus aux meilleures tables internationales. Leur signature figure au bas d'actes officiels internationaux, même si leur encre est tachée de sang.

     

    Tout le monde connaît ceux qui ont ordonné des purifications et organisé, sous notre nez, des tortures, des assassinats et des viols collectifs, encourageant et flattant les instincts les plus bestiaux promus soudain au rang de comportements vertueux.

     

    Qu'on aille ensuite nous parler des lois de la guerre !

     

    Qui punira ceux qui les enfreignent délibérément ?

     

     

     

    Si les excès sont inévitables dans les guerres comme dans toute situation humaine où les passions collectives sont exacerbées et les réflexes individuels anesthésiés par la peur et la propagande, il appartient aux responsables hiérarchiques de garder la tête froide, de faire tout ce qu'ils peuvent pour limiter les débordements et punir les coupables.

     

    Lorsque des dirigeants donnent eux-mêmes l'exemple et encouragent de tels actes, ils rendent injuste leur cause et doivent être traités comme les assassins qu'ils sont.

     

     

     

    On se demande parfois s'il est moral de poursuivre, cinquante ans après, les criminels de guerre nazis.

     

    La question est plutôt de savoir s'il est moral de ne pas trop se soucier de poursuivre ceux qui leur ont succédé en matière de barbarie.

     

    Certes un tribunal international a été constitué pour juger les auteurs de crimes contre l'humanité dans le conflit bosniaque. Mais les criminels continuent d'aller et venir.

     

     

     

    Les massacres collectifs ne peuvent pas laisser plus indifférents que les assassinats "simples". Même si nous ne sommes pas concernés directement par ces événements parce qu'ils se déroulent au-delà des mers et n'ont pas d'incidences sur notre vie, ils atteignent et entachent la dignité des hommes que nous sommes, où que nous soyons. Demander justice pour les victimes, c'est refuser d'être complice des crimes commis.

     

    La justice doit être la même pour tous.

     

    Les apprentis dictateurs, qui se trouvent toujours de bonnes raisons de commettre des crimes, doivent savoir qu'ils courent des risques, au même titre que le petit délinquant ordinaire ou celui qui dérape soudain dans la folie du crime.

     

     

     

    Aux responsables internationaux de juger ceux qui se rendent coupables de crimes contre l'humanité comme aux sociétés locales de juger ceux qui tuent.

     

    A chacun de nous de prévenir le mal en se faisant actif artisan de paix, en commençant par l'être au sein de nos familles et de notre société.

    fr. André LENDGER


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  • Dépendant.

    Un mot qui revient souvent dans nos bouches, que nous souffrions de dépendance ou que nous la regrettions ou la condamnions chez les autres.

    Un mot aux connotations péjoratives, qui désigne une condition d'infériorité à laquelle on ne peut pas toujours échapper, qui peut même prendre la forme d'une fatalité.

     

    Un jeune enfant dépend de ses parents.

    Il arrive que l'un époux dépende totalement de l'autre.

    Une personne âgée finit souvent par dépendre des autres.

    Un malade dépend de son entourage pour les soins.

    Nombre de personnes dépendent des collectivités ou de l'Etat.

     

    Toute société crée ses réseaux de dépendance.

    Pendant longtemps les réseaux familiaux ou de proximité ont répondu aux urgences.

    Ce n'est plus possible dans la société contemporaine :

                . la solidarité familiale s'est relâchée.

                . les besoins se sont multipliés et diversifiés, dépassant la bonne volonté ou le simple partage familial ou de voisinage.

    Seules les collectivités publiques ou l'Etat peuvent répondre aux nouveaux besoins, selon les règles d'une solidarité qui prend souvent figure d'une manne céleste inépuisable.

     

    Est-ce la personne qui se met en situation de dépendance et s'y complait ?

    C'est parfois le cas, mais la plupart y sont tombés et la subissent !

    La généralisation du phénomène de dépendance est plutôt en relation avec le type de société dans lequel nous vivons : travail des femmes, nécessité de respecter des normes de productivité et de rentabilité très strictes, réduction drastique du personnel...

    La solidarité nationale ne peut que prendre le relais des solidarités familiales, dépassées par l'ampleur des problèmes.

     

    Des millions de personnes, dans notre pays, vivent en situation de dépendance.

    Financièrement parlant, la plupart "s'en sortent" plus ou moins.

    Mais la question ne s'arrête pas là.

    La dépendance économique engendre des comportements personnels et sociaux désastreux : alcoolisme, violence, suicides, délinquance, difficultés dans les ménages...

    Celui qui est dépendant n'est plus acteur de sa vie ni créateur de son devenir.

    C'est une personne aliénée, assistée, qui a peu de chances de s'épanouir et toutes chances de régresser, qui s'habitue à ruser et à jouer avec le système, qui l'utilise à fond, en profite et s'ingénie à tirer sur toutes les ficelles possibles.

    Vient un moment où on n'a plus l'envie ni la force de chercher à construire.

    On vit "à la petite semaine", sans chercher plus loin que d'être malin !

    Quant à ceux qui s'essaient encore à de grands projets, ne se font-ils pas illusion ?

     

    On ne peut pas s'étonner que les millions d'hommes et de femmes qui sont contraints de vivre sans projet humain, dans une société qui leur fait savoir qu'elle se passerait volontiers d'eux parce qu'ils constituent un poids, ignorent les valeurs, le respect d'autrui, les règles du jeu social autres que celles dont chacun peut tirer quelque profit.

     

    Faudrait-il augmenter la part matérielle de la solidarité nationale à l'égard des plus nécessiteux ? Les avis peuvent diverger en fonction des opinions de chacun.

    La question essentielle n'est pas celle-ci. La question la plus urgente est celle de la nécessaire réhumanisation de personnes en état de déshumanisation.

    On peut tout donner : le toit, les vêtements, la nourriture, les soins médicaux...

    Aussi longtemps qu'une personne ne sera pas redevenue acteur de sa propre vie, elle ne sera qu'une personne dépendante, assistée, assujettie, aliénée.

    La solidarité nationale ne refera des hommes de ceux qui se trouvent exclus de ses rouages qu'en leur permettant d'avoir un avenir... matériel bien sûr, mais surtout professionnel, affectif, familial, culturel, spirituel.

    Non pas le donner ni l'octroyer comme un dû-sans-effort, mais le rendre possible !

    La solidarité ne remplira pleinement son rôle qu'en proposant à chaque personne un horizon autre qu'un mur, en garantissant à tout jeune de pouvoir devenir un homme responsable de sa vie, en mesure de jouer son rôle dans une société qui a besoin de lui.

    Ce sera la justice, la joie et la paix pour tous, la lumière pour tous, Noël pour tous

    fr. André LENDGER


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  • Un enfant nous est né.

    Un fils nous a été donné.

    Un enfant nous est né.

    Il vient de la chair, dans la chair, par la chair.

    Il a été porté par Marie qui lui a donné son sang de fille d'Eve, qui a construit et édifié son corps d'homme à partir de sa chair de femme, qui l'a nourri et éduqué.

    En lui, par sa mère charnelle, se rassemble toute l'humanité. Il lui donne son aboutissement le plus parfait dans l'ordre de l'amour, de la justice et de la paix.

     

    Un fils nous a été donné.

    Il est le "germe juste" annoncé par le prophète Jérémie, conçu et envoyé par Dieu.

    Parole de Dieu, Verbe éternel, créateur de l'univers, il vient révéler le visage de Dieu dans la faiblesse et la pauvreté d'un nourrisson.

    Don de Dieu, il nous assure de l'amour de Dieu solidaire de nous jusque dans la mort qu'il vaincra pour nous délivrer de l'anéantissement éternel.

     

    C'est dans un enfant que Dieu se donne à nous.

    Enfant de la Promesse, il est faible et vulnérable comme tous les enfants.

    Parole de Dieu, il s'identifie au vagissement d'un bébé.

    Puissance de Dieu, il se révèle dans la fragilité d'un enfant.

    Le Jésus de la crèche annonce celui de la Croix.

    Celui que viennent adorer les bergers puis les mages est le même Jésus que le centurion romain reconnaîtra comme fils de Dieu au pied de la croix.

    Même grandeur, même faiblesse.

    En lui tout homme peut se reconnaître, car tout homme a sa part de pauvreté.

    Mais tout homme n'a pas la lucidité ni le courage de sa limite.

    Beaucoup ne rêvent que de posséder et de dominer, s'imaginant ou se voulant tout-puissants et n'éprouvant que dédain pour un Dieu qui se manifeste dans la faiblesse puis la défaite, tel un esclave.

    Seuls les vrais pauvres, ceux qui se savent et se voient comme ils sont et ne cherchent pas à paraître autres - aux yeux des autres mais surtout à leurs propres yeux - discernent dans cet enfant leur ressemblance et comprennent qu'en retour l'enfant leur accordera sa ressemblance.

    Ils seront comme des dieux.

     

    La pauvreté serait-elle si difficile ?

    Pourquoi tant d'hommes et de femmes, jeunes ou non, sont-ils aujourd'hui si réticents à emprunter le chemin de pauvreté que Dieu lui-même a choisi ?

    Pourquoi, alors que la pauvreté humaine, affective, culturelle, sinon matérielle, ne cesse de grandir, le fossé ne cesse-t-il de se creuser entre un Dieu qui révèle sa ressemblance avec nous en épousant notre pauvreté humaine et les hommes qui refusent de voir cette ressemblance avec lui en ce point précis ? Serait-ce parce que nous refusons notre pauvreté ? L'indigence ne serait-elle pas la caractéristique fondamentale de la condition humaine ? Dieu se serait-il trompé en se présentant à nous dans la pauvreté ?

    Dieu, en nous proposant le chemin de pauvreté qui fut le sien, désirerait-il nous voir réduits à la misère ? Non, car ce chemin de pauvreté, chemin de lucidité et d'amour.

    C'est dans la prise de conscience de notre pauvreté radicale que pourra nous être restitué notre véritable visage de fils de Dieu dans toute sa splendeur.

    Dieu seul peut redonner à l'homme, impuissant à y parvenir par ses propres moyens, sa ressemblance avec Lui. Sa route est notre route.

     

    Noël n'est pas seulement la fête de l'enfance de Dieu ni la fête des enfants des hommes présumés purs et innocents. C'est la célébration du visage restauré de l'homme, pour peu que l'homme veuille bien découvrir dans la fragilité de cet enfant sa propre vérité.

    Qui est fort sinon celui qui se sait et s'accepte faible ?

    "Aujourd'hui un Sauveur vous est né"

     dit l'ange

    . "... un nouveau-né..."

    Dès le début, dès la conception et la naissance de Jésus, l'évangile, ainsi que le dit Marie dans son Magnificat, subvertissait les conventions des hommes :

    "Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles".

    fr. André LENDGER


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  • Faut-il interdire les sectes ?

    Beaucoup se posent la question après la tuerie de l'Ordre du Temple Solaire.

     

    Les sectes font peur, dit-on. Mais jamais elles n'ont connu autant de succès !

    Les sectes procèdent à des lavages de cerveau, font de la manipulation mentale, interdisent la liberté de leurs membres, dit-on. Cependant tous y entrent librement.

    Les sectes bernent leurs fidèles en faisant de fausses promesses, dit-on. Mais nombreux sont aujourd'hui ceux qui démissionnent et ne demandent pas mieux que de s'en remettre à d'autres de leur destin. Faut-il ajouter que les fausses promesses ne sont pas propres aux sectes, même si avec elles, les conséquences peuvent être plus dramatiques ?

     

    Le message d'une secte rejoint les personnes dans la liberté de leur conscience. Leur adhésion est du domaine privé et ne regarde pas l'autorité, à moins que le message contienne des éléments contraires à l'ordre public, à la dignité et à la liberté des personnes.

    Nul ne peut être juge du message et aucun Etat n'a le droit d'interdire une secte sous prétexte qu'elle n'est qu'une secte et que son message ne tient pas debout.

    Nous ne sommes pas dans le domaine du rationnel !

    La logique voudrait alors qu'on interdise aussi les sorciers, les voyantes, les mages, les magnétiseurs... et qu'on institue une religion d'Etat exclusive ! Cela reviendrait à faire de la religion une idéologie d'Etat. Nous voyons ce que cela donne dans de nombreux pays !

     

    Faut-il établir une législation anti-sectes sous prétexte que l'une ou l'autre a des activités criminelles ? Les Etats ne sont pas dépourvus de moyens d'intervention.

    Le respect de la liberté s'accompagne, en tout pays, de lois destinées à punir les infractions et à interdire certaines associations qui s'avèrent être paramilitaires ou terroristes.

    L'Etat n'a pas pour mission d'imposer des vérités dans le domaine de la pensée, mais à veiller au respect de l'ordre social.

    De nombreuses accusations ont été lancées contre les sectes, que ce soit dans le domaine financier, dans le domaine moral, ou dans celui de la liberté des personnes. Il revient au pouvoir de vérifier ces accusations et d'en tirer les conséquences pénales.

    Les sectes n'ont pas à être protégées. Elles n'ont pas non plus à être systématiquement suspectées sous prétexte qu'elles sont des sectes.

    La répression ne supprimerait pas l'inquiétude religieuse qui est à la base des sectes. Elle pourrait même l'exacerber, faisant miroiter la gloire d'être victime et martyre.

     

    Le développement des sectes ne fait que mettre en évidence le malaise général d'hommes et de femmes qui ne fontplus confiance aux institutions traditionnelles.

    Les Eglises en sont les première victimes, qui se voient délaissées.

    Il suffit d'entrer dans une librairie pour le constater : le rayon consacré aux grandes spiritualités - qui constituent la base de notre culture - n'est que peau de chagrin comparé au rayon ésotérique. Le christianisme, on croit connaître. On n'en attend plus rien.

    Le succès des sectes a les mêmes causes que le succès de l'ésotérisme : éclatement et déstructuration de la pensée contemporaine, absence d'esprit critique, de culture religieuse et de réflexion humaine, peur de soi et des autres, peur du présent et de l'avenir, recherche de compensations spirituelles, intellectuelles et affectives faciles.

    Le problème des sectes n'est qu'une des illustrations de la crise de notre civilisation.

     

    Les chrétiens, inquiets par la montée des sectes, doivent en saisir le véritable enjeu.

    Ils doivent s'interroger sur leurs insuffisances, non seulement dans l'annonce de la foi, mais dans leur contribution à la construction d'une société qui fait le lit des sectes.

    Les sectes nous signifient l'existence d'une intense et inquiète quête religieuse.

    Elles nous rappellent notre propre passé, lorsque le christianisme, à sa naissance, était perçu comme une secte dissidente du judaïsme officiel.

    Il a été accusé de crimes tels que des sacrifices d'enfants qu'on aurait mangés.

    Des enquêtes policières ont innocenté les chrétiens. Mais il y a eu soupçon !

    Rappelons-nous que nous avons été une secte méprisée, rejetée, persécutée !

    Rappelons-nous l'espérance que nous avons alors suscitée.

     

    Prions pour les adeptes des sectes.

    Entendons l'appel des hommes et des femmes en recherche de Dieu.

    Réfléchissons au signal de détresse spirituel qu'ils nous adressent.

    Retrouvons la force de l'annonce évangélique qui éveille, attire et libère.

    fr. André LENDGER


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