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    Misère et prison.

     

    Quel remède à la délinquance, à la violence, et spécialement aux abus sexuels ?

     

     La Réunion détient le triste record des hommes incarcérés pour abus sexuels.

     

    Elle voit se développer, parallèlement, une violence inquiétante parmi les jeunes.

     

    Les maltraitances graves des enfants n’y sont pas rares, ni les assassinats.

     

    A la racine de tout délit ou crime, nous rencontrons des insuffisances affectives graves.

     

    Le devoir légal de ceux qui ont connaissance d’abus est la dénonciation à la police.

     

    Dès lors tout paraît clair : nous avons une victime et nous tenons un coupable.

     

    S’arrêter là, n’est-ce pas se laisser duper par une apparence sécurisante ? Le fond du problème n’est-il pas : qu’est-ce qui fait qu’un coupable est coupable ? Comment est-il parvenu à cet acte ? l’alcoolisme, la paresse, le vice, l’absence de scrupule…

     

    Est-ce suffisant ? pourquoi ces maux chez le coupable s’il n’est pas victime d’un autre mal à l’origine ? Lui-même ne s’est-il pas trouvé prisonnier, avant même la prison, d’un filet tissé et tendu par lui et d’autres, à son insu et à l’insu de ces autres ? Quoi qu’il en soit, le sort du coupable est scellé : il va en prison. Il faut bien le punir et se protéger !

     

    La prison résout-elle le problème de fond ? Elle traite de cas individuels, mais qui traite le mal antérieur ? celui dont a souffert la famille du délinquant et celui dont souffre la société qui ne cesse de susciter de nouvelles vocations de délinquants de toutes catégories ?

     

     

     

    La prison s’accompagne, dans les cas de délits sexuels, de l’obligation d’un traitement psychologique. Prison et psychiatrie, deux mythes institutionnels !

     

    Mais la psychiatrie résoudra-t-elle les problèmes que la prison seule ne peut résoudre ?

     

    oui, dans la mesure où le coupable, avec le concours des psychiatres, parvient à prendre conscience de ses faiblesses et à faire la lumière en lui.

     

    non, dans la mesure où aucun psychiatre ne peut assurer qu’une personne ne récidivera pas. La psychiatrie n’est pas une science exacte, mais une voie, un art.

     

                Ce que nous pouvons constater, c’est que la prison n’a aucun caractère exemplaire. La peur de la prison n’empêche personne de commettre crimes et délits.  Bien que chaque jour la presse rende compte abondamment des condamnations dont font l’objet les détenus, chaque jour elle nous faire part de nouveaux délits, tout semblables aux premiers.

     

                Les procès, les jugements, les condamnations satisfont les victimes mais ne changent aucune donnée fondamentale à l’échelle de la société. Tout continue comme avant.

     

                On peut même se demander si la sévérité des peines ne témoigne pas, de la part des jurés, d’un rejet de leurs propres fantasmes sur un coupable promu au rôle de bouc émissaire.

     

                Nous ne pouvons qu’être frappés, dans une île aux dimensions modestes, où les familles vivent souvent dans une grande symbiose, par le nombre de délits, surtout sexuels, commis à l’intérieur du clan familial ou dans des voisinages immédiats. Nous ne pouvons que nous poser des questions sur la violence affective qui se trouve non seulement à l’origine du crime, mais aussi de la dénonciation. Le crime est souvent la conséquence logique de puissants facteurs sociaux propres à l’île : mère toute puissante, petits pères, rapports fusionnels entre générations entassées dans une même case… à quoi s’ajoutent les maux que sont le chômage, l’alcoolisme, mais aussi la misère économique, culturelle et affective, camouflée par les apparences. Bien des drames sont le fruit de cette misère.

     

    On impute souvent les maux aux insuffisances de la famille, mais la famille, soumise à l’abondance des biens et à l’évolution brutale des mœurs, est elle-même malade de la société.

     

     

     

    Il faut des prisons. Il faut des psychiatres.

     

    Mais ils ne résoudront pas les problème liés à l’histoire, aux violences ancestrales, à l’exiguïté de l’île, à des relations familiales très complexes où se mêlent désir et vengeance.

     

    Bien des problèmes ne pourraient-ils pas être abordés, sous l’égide de la justice, à l’intérieur de la famille, d’une famille qui a fermé les yeux, qui n’a pas su ou n’a pas pu voir à temps, prise entre consommation, désœuvrement des hommes, liberté des enfants  ?

     

    N’est-ce pas dans ce cadre que devraient se réfléchir des problèmes qui ne pourront être dépassés, pour les victimes comme pour les coupables, que par la prise de conscience, le dialogue, l’aveu de la faute, le pardon, même si demeurent des cicatrices douloureuses ?

     

     

     

    Ne faudrait-il pas se livrer à l’analyse, voire à la psychanalyse de l’île entière ?

    fr. André LENDGER


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  • Tous des saints ?

    La sainteté, un rêve impossible ?

     

    La sainteté semble inaccessible à beaucoup d’entre nous à cause de notre lourdeur spirituelle, de nos difficultés à assumer nos conflits intérieurs, de la pauvreté de notre prière…

    Les hommes et les femmes canonisés, ceux que nous appelons saints, nous impressionnent parce qu’ils nous apparaissent comme des êtres hors du commun. Nous les imaginons un peu comme de purs esprits, parlant toujours de Dieu et avec Dieu. Mais celui qui parle de Dieu ne s’adresse-t-il pas à des hommes et celui qui est avec Dieu ne reste-t-il pas dans sa condition charnelle ? Personne n’est dispensé de vivre le quotidien dans sa chair.

    Les hommes d’Eglise et les religieuses sont plus fréquemment canonisés que les laïcs. Ce n’est pas qu’ils soient plus saints, mais ils sont plus connus. Que de saints inconnus ! Pensons au grand nombre d’hommes et de femmes dont la vie a été complètement donnée aux autres et qui passent, aux yeux de ceux qui les connaissent pour des saints, mais qui ne feront jamais l’objet d’une canonisation, pour la simple raison qu’ils ne sont pas catholiques.

    Pour être déclaré saint, il faut en effet que la vie menée et les actes posés l’aient été en relation avec la foi telle que la confesse l’Eglise, et à cause d’elle.

    La sainteté, nous l’avons reçue en germe à notre baptême. Nous sommes à la fois déjà sanctifiés mais encore en marche vers l’accomplissement de ce don. La sainteté est un appel à vivre la loi d’amour pour l’amour de Dieu Source de Vie.

     

    La sainteté, c’est l’histoire d’une vie.

    Elle s’écrit chaque jour dans la joie et le deuil, dans la banalité des tâches et des rencontres, dans le travail et les loisirs.

    « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Au nom de notre sainteté, telle est la question première à laquelle nous avons à répondre, celle que Dieu a posée à Caïn, le meurtrier d’Abel.

    Comme Caïn, n’accordons-nous pas une importance démesurée à notre personne au point d’écraser l’autre, notre frère, et de lui fermer la bouche pour étouffer sa plainte ?

    La sainteté est une tension vers la pleine reconnaissance de l’autre. Qui est l’autre pour moi ? un étranger ? mais l’étranger est celui que je ne reconnais pas, dont la différence m’inquiète, que j’évite et que je rejette. Ne lui offrirai-je pas l’hospitalité ?

    Dans l’accueil de l’autre se joue la vérité de mon baptême qui m’a donné la grâce du salut au point d’être constitué juste à l’image du Christ. Salut et justice font partie de mon être. Puissé-je ne pas les défigurer au point de les rendre caricaturaux.

    Là commence la sainteté. C’est la première marche.

    La sainteté se construit sur la parfaite disponibilité à ce qui nous arrive. Cela ne veut pas dire passivité, mais force dans l’accueil de ce qui advient et que nous ne comprenons pas, capacité à s’appuyer sur l’épreuve ou l’échec pour grandir dans la foi et le sens de la vie.

     

     

    La sainteté s’édifie tout au long de la vie.

    C’est une montagne à gravir dont nous ne voyons pas le sommet. Nous gravissons des cols, nous redescendons dans des vallées pleines de charmes dans lesquelles nous nous laissons aller jusqu’à ce que, saisis d’un sursaut d’énergie, nous reprenions notre route.

    Quelle est cette route ? nous ne la connaissons pas. Personne ne l’a empruntée avant nous. Les saints canonisés sont des modèles, mais nous ne pouvons pas les copier. Leur route fut la leur, unique, non réitérable. Ils sont des repères sur des chemins possibles. Mais notre route personnelle, la nôtre, nous la traçons jour après jour dans notre effort pour rejoindre le sommet, là-haut. Elle ne sera visible qu’aux autres, à notre mort, lorsque tout aura été accompli. Notre route est unique comme l’est chacun de nous. A chacun son chemin.

    Tous les hommes peuvent entrer en sainteté, même le violeur et l’assassin. Certes, leur chemin passe par des fractures qui paraissent infranchissables. C’est oublier la foi et la grâce.

    Prenons garde de nous croire au sommet de la montagne et de nous moquer orgueilleusement de ceux qui nous paraissent traîner ou qui disparaissent dans les précipices. Cela nous mènerait tout droit au fond d’un gouffre d’où nous aurions du mal à sortir.

     

    La sainteté, c’est l’aventure de notre vie. La seule qui vaille la peine d’être menée.

    fr. André LENDGER


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  • La lumière.

    Elle rayonne, elle réchauffe, elle fait vivre.

    Pas de vie sans lumière.

     

    La lumière n’est-elle qu’un phénomène physique, explicable scientifiquement ?

    Tout a-t-il commencé par une gigantesque explosion de lumière ?

    Avant l’explosion initiale, pour autant qu’elle ait eu lieu comme les scientifiques nous l’expliquent, tout n’était-il que néant, vide, absence, ce que nous appelons « ténèbres »?

    Faute de lumière, la vie n’existait pas… ni la mort.

    Mais la lumière fut. Si elle advint, c’est qu’elle était de toute éternité. La lumière est.

    Nous ne connaissons les ténèbres que par contraste avec la lumière. Sans la lumière, elles demeurent insaisissables. Elles ne sont que pur non-être. Elles ne sont RIEN.

    Rien n’est plus émouvant que des lumières qui brillent dans la nuit, signe d’une présence vivante, car la lumière, si ténue soit-elle, perce toujours l’obscurité des ténèbres.

    Nombre de récits mythologiques racontent, chacun à sa façon, le combat entre la lumière et les ténèbres comme un véritable passage de la mort à la vie.

    Les religions expriment toutes cette victoire de la lumière sur les ténèbres à travers des rites festifs. Les ténèbres sont toujours vaincues par le dieu ou la déesse de la Lumière. Les ténèbres ne triompheront pas, elles seront englouties. Tel est le message que délivrent tous les rituels religieux, quel que soit le nom sous lequel on invoque la divinité symbolique.

     

    Ténèbres-lumière, c’est le rapport conflictuel dans lequel se déroule la vie de l’homme.

    Toute religion traduit et reprend à son compte cette expérience intérieure de l’homme.

    Fêter la lumière, c’est demander qu’elle vienne en nous et qu’elle dissipe les ténèbres de notre esprit et de nos cœurs. Non seulement les nôtres, mais celles de notre terre.

    Ténèbres sur le monde pour les victimes des guerres, de l’injustice et de la misère.

    Ténèbres pour ceux dont l’esprit chavire et qui se battent contre des fantômes.

    Ténèbres pour les violents, les jaloux, les rancuniers, les maltraités, les mal aimés.

    Tous désirent que la lumière emplisse le monde, ce qu’elle ne pourra faire que le jour où nous serons tous devenus des hommes de justice et de paix. Alors viendra l’amour.

    C’est ce que le croyant de chaque religion demande à son dieu et ce que l’incroyant demande aux institutions sociales et politiques, mais aussi à l’homme par l’éveil de sa raison.

    La fête de la lumière est fête de la victoire du Dieu créateur qui a fait surgir la lumière du néant pour donner sa vie en partage, et de la victoire de l’homme sur ses propres ténèbres.

    La lumière vient d’en-haut. Nombre de peuples anciens l’avaient bien compris, qui adoraient le soleil, source d’abondance et de toute bénédiction. Ils essayaient de s’assurer la bienveillance de l’astre divinisé par de splendides liturgies et des rituels parfois sanglants.

     

    Leur vœu s’est réalisé au-delà de toute espérance, car la lumière s’est faite chair. Elle a habité parmi nous sur la terre et l’éclair de la lumière de Pâque lui assure une présence constante pour tout homme qui croit en Jésus et se laisse habiter par lui..

    La lumière ne s’éteindra pas car elle est désormais au cœur de l’humanité.

    Elle n’a pas à être ravivée ni ranimée mais simplement à être célébrée pour que chaque homme se rappelle qu’il est enfant de lumière et qu’il est appelé à entretenir en lui la lumière.

     La lumière est signe de vie. Quelle que soit sa religion, tout homme comprend que cette lumière éternelle, ne peut qu’être identifiée à celui qui, de rien, a fait jaillir la lumière et la vie pour nous. Si la vie l’emporte sur le « rien », si la lumière l’emporte sur la ténèbre, ce n’est pas à la suite de quelque combat céleste, mais grâce à un acte créateur qui ne peut venir que d’un unique être, à la fois Vie et Lumière, source et principe de toutes choses.

    Célébrer la lumière, en quelque langue et selon quelque rituel que ce soit, c’est se rapprocher de cet Unique qui est lumière, mais aussi s’engager à vivre dans la lumière.

     

    Le soleil n’est plus considéré comme un dieu mais comme un astre ordinaire. Cependant l’intuition demeure : la vie et la lumière nous sont données par un astre. Mais cet astre ne se voit que dans la foi : il est seul source de toute lumière ; le soleil ou toute autre divinité n’en sont qu’une image et permettent seulement de l’approcher.

    Laissons-nous saisir dans sa lumière.

    fr. André LENDGER


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  • Religions, Etats, ethnies.

    A chacun sa religion ?

     

    Le monde contemporain est traversé par deux courants contraires :

                - la mondialisation qui tend à unifier tous les pays de la planète grâce à un maillage serré de l’économie, des modes et de la culture.

                - l’éclatement des grandes unités politiques et culturelles pour permettre à chaque entité historique, religieuse ou ethnique de s’exprimer.

    Cela signe l’échec des grand empires qui n’ont pas su faire droit à la diversité des peuples qui les constituaient avec leurs légitimes différences. Mais cela signe également l’échec des minorités qui n’ont pas pu faire entendre leur voix autrement que par la rupture.

    Le poids de l’histoire des peuples joue son rôle. Comment expliquer autrement le drame du Rwanda, sinon par les relations déséquilibrées qu’ont entretenues deux ethnies pendant des siècles ? L’Irlande, le Tibet, la Tchétchénie et bien d’autres n’échappent pas tout à fait à ce schéma. Les revendications plongent leurs racines bien en deçà des situations concrètes contemporaines. Etre soi sans les autres, tel est le rêve de nombreuses minorités !

    S’exerce ainsi un contrepoids à l’hégémonie des grands. Mais les tentations centrifuges risquent de conduire les minorités dans des impasses politiques, économiques et culturelles. Elles sont tentées de se replier sur elles-mêmes, entretenant la nostalgie de ce qu’elles n’ont pas été, de ce qu’elles ne sont pas encore et de ce qu’elles ne seront peut-être jamais.

     

    Ces mouvements sont souvent liés à la liberté religieuse. Pensons seulement aux chrétiens du Soudan obligés de vivre dans un Etat islamique avec la seule charia comme loi.

    L’effet pervers de ces révoltes est de se débarrasser d’un joug sans prendre le soin de vérifier sa propre foi qui risque de n’être plus qu’une bannière vide ou un prétexte politique.

    Or nombre de durcissements en matière religieuse viennent du refus de faire une analyse sérieuse de la foi qu’on défend. On mélange les légitimes réflexes identitaires au simple retour aux valeurs du passé… qui sont déjà dépassées. On aboutit à une sclérose tant religieuse que politique, qui fait le lit de n’importe quelle mondialisation matérialiste à venir.

    En quelque domaine que ce soit, politique, ethnique, culturel ou religieux, on s’achemine vers un émiettement qui tourne le dos à l’universalité qui est notre véritable tâche.

    Chacun aujourd’hui prétend être libre mais se rend prisonnier de son propre système.

    Chacun se prétend porteur de valeurs universelles, mais les garde précieusement dans ses frontières et combat les autres qui ne se croient pas moins universels.

    Les dialogues de sourds au nom d’antiques querelles passent pour des faits d’armes et n’aboutissent qu’à crisper chacun sur sa vérité comme un avare sur son  trésor.

    Au nom du Dieu Unique et Universel, chacun campe sur ses frontières politiques et affectives. Une religion = une sensibilité et des frontières. Des frontières et une sensibilité = une religion. Tel est l’idéal entrevu par certains. Comment dès lors prétendre à l’universalité ?

     

    Or la plupart des grandes religions contemporaines, non seulement abrahamiques mais également orientales, prétendent à l’universalité mais ne s’engagent pas dans un dialogue qui seul permettrait de cheminer dans une recherche commune.

    Le récent déplacement du pape en Inde et en Géorgie en témoigne : chacun défend son identité. La religion traditionnelle de l’ethnie ou de la famille est considérée comme un héritage indiscutable. Cette réaction, pour naturelle qu’elle soit, comporte le danger de se barricader comme on le fait dans une citadelle assiégée et de préparer la route au fanatisme.

    Dans un contexte de concurrence, les manifestations religieuses, qui rassemblent des foules facilement manipulables, peuvent avoir des effets incontrôlables, jusqu’à imposer des lois insupportables aux minorités d’un pays. C’est ainsi que naissent des mouvements de résistance, des guérillas, et même des guerres. Mourir plutôt que de se voir imposer des lois d’inspiration religieuse par un pouvoir intolérant !

    La recherche de la vérité disparaît derrière l’immédiat passionnel.

    Ainsi la religion devient-elle une arme politique. Au lieu d’être un facteur d’unité entre des hommes respectueux des croyances les uns des autres et cherchant Dieu, elle devient source d’opposition, de conflit, de mort.

    Y compris la mort de Dieu.

    fr. André LENDGER


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  • Les sectes.

    On en parle, on les redoute, on y adhère.

     

    Les sectes fleurissent un peu partout. Elles ont même fait leur apparition en Chine

    Le phénomène n’est pas nouveau. Nous en trouvons des exemples dans toutes les religions, anciennes comme contemporaines.

    Les sectes sont particulièrement développées à partir des religions fondées sur une doctrine qui sert de mesure à l’orthodoxie. La secte est un groupe qui se sépare du tronc originel et se replie sur lui-même, qui fait du prosélytisme, du porte à porte, mais, à l’inverse des hérésies, est dénué de tout sens de l’universalisme et de la quête de la vérité. Ainsi, bien des sectes se recommandent de l’évangile et de la foi au Christ mais refusent de faire corps.

    Aujourd’hui les sectes se sont multipliées sous l’influence des religions orientales, de l’engouement pour la science-fiction, l’astrologie, le passage des comètes, le millénaire…

    Nous pouvons déceler d’autres causes plus profondes : un malaise général dû aux changements rapides de notre civilisation, à la fragilité des personnes, l’insatisfaction à l’égard des grandes religions chrétiennes, la recherche de petits groupes chaleureux, l’attirance, dans un monde individualisant, pour des spiritualités où domine l’affectivité...

    Même si certaines sectes sont devenues des entreprises financières particulièrement rentables, on ne peut pas se limiter à cette vision restrictive. La prolifération des sectes répond à une demande d’hommes et de femmes désemparés.

     

    Les sectes se constituent toujours autour d’un homme à la personnalité forte et attirante. Cet homme est en général doué d’un certain charisme : il fait des prières de guérison, invoque l’Esprit Saint , exorcise et on lui prête le don de chasser les esprits…

    Cet homme n’a souvent qu’une connaissance rudimentaire de la foi dont il se recommande, mais son assurance remplace la pensée. Les personnes qui se regroupent autour de lui recherchent d’ailleurs moins la vérité que les pouvoirs dont il se prévaut.

    Ses adeptes veulent avant tout être rassurés. Leur attachement passionnel à la parole du maître exclut tout esprit critique. La lecture de l’Ecriture ou la réflexion sur l’Eglise, si elles ont lieu, sont soumises à une grille de lecture conforme au consensus du groupe.

    Remettre en question le soubassement spirituel et l’authenticité de la petite communauté reviendrait à se remettre en question soi-même. Mais les membres du groupe, souvent psychologiquement fragiles, n’en ont pas toujours la force et trouvent plus de bénéfice personnel à demeurer fidèles à l’homme qui les rassemble et les protège qu’à se livrer à une vraie quête spirituelle, toujours aride. Ce que cherche l’adepte, c’est que sa sensibilité, son inclination ou son désordre affectifs y trouvent leur compte.

    L’attachement aveugle à un maître, de la part d’êtres faibles qui ne parviennent pas à dominer leur problèmes, peut aboutir à des actes graves où la vie même se trouve en danger.

     

    A côté des sectes bien répertoriées, parfois répandues sur toute la terre, foisonnent de nombreux petits groupes locaux mal définis qui ne sont pas encore tout à fait des sectes, n’ont pas totalement rompu avec les grandes familles religieuses, mais demeurent en marge.

    Ils tirent profit de l’ambiguïté de leur situation. Ils sont à la fois dedans et dehors.

    Nombre de personnes entrent ainsi dans des communautés apparemment semblables à des mouvements ouvertement rattachés à l’Eglise et finissent par se retrouver en dehors.

    Ces petites communautés vivent en circuit fermé, préoccupées par leur satisfaction spirituelle immédiate plus que par le devenir de ce monde. Peut-être est-ce là l’un des points les plus cruciaux de ces groupes : l’inclination à démissionner de la présence au monde, le désintérêt à l’égard de la société et le recours quasi exclusif à la seule prière.

    Penser que la prière résoudra tous les problèmes est une facilité.

    L’évangile nous le redit sans cesse, ce qui est premier c’est l’autre.

    Il ne suffit pas d’être dans un groupe et de s’y tenir chaud, il est impératif de tenir chaud à l’autre lorsqu’il est malade, en prison, dans la misère ou dans toute autre situation.

    Cela implique des actions de dévouement et de générosité certes, mais aussi, dans une société comme la nôtre, des engagements dans la cité par tous les moyens possibles.

     

    Les sectes compromettent non seulement l’avenir de la foi mais l’avenir du monde.

    fr. André LENDGER


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