• 30 novembre 1997 - L’appel.

    L’appel.

    Une voix qui vient d’un autre.

    Une voix qui sépare.

     

    La tendance naturelle de tout homme est de fusionner avec ceux qui lui sont proches, de ne faire qu'un avec l'autre, à l'image du nouveau-né avec sa mère.

    Vouloir ne faire qu'un avec l'autre, c'est témoigner de notre incapacité à vivre par nous-mêmes et à assumer notre destin.

    C'est particulièrement le cas lorsque nous parlons du sentiment amoureux. Ce sentiment peut être un don, une offrande de soi. Il peut être une fuite en avant, la recherche d'un refuge: on se colle l'un à l'autre parce qu'aucun des deux n'a la force de se tenir debout par lui-même, jusqu'au jour où cette fusion, consumée, laisse place à des cendres.

    L'autre aimé ne permet donc pas toujours de sortir de soi. Il peut ne servir qu'à combler nos manques affectifs. On devient propriétaire de l'autre. On le réduit à n'être qu'un objet, parfois consommable et jetable. Il n'y a pas de vraie rencontre, seulement l'illusion.

    Cette situation trouve son origine dans le manque de structure psychologique et affective qui ne permet pas à ces personnes d'avoir suffisamment d'assurance pour s'assumer par elles-mêmes. Leurs relations sont destinées à se rassurer plus qu'à se rencontrer.

    Entendre l'appel de l'autre, c'est au contraire recevoir une parole ou un signe dont la provenance est l'autre en tant qu'il est différent.

    Lorsque nous entendons l'appel de l'autre, nous sommes ,invités à quitter notre demeure, à nous risquer dans un échange de personne à personne. ' .

    L'autre vient à nous. Il brise la relation fusionnelle dans laquelle nous aurions été tentés de nous attarder. Il nous déloge. Répondant à son appel, nous partons à sa suite sans jamais pouvoir l'étreindre totalement, car il se dérobe à notre prise à cause de son altérité.

    Il n'est pas sans quelque ressemblance .avec nous, sinon nous ne pourrions pas entendre ni reconnaître son appel. Mais sa différence nous apprend que c'est nous qui sommes à sa ressemblance, comme son image, que nous nous efforçons d'atteindre.

    Ce chemin est rude et c'est lui que ne peuvent gravir ceux qui n'en ont pas la force. Tout effort pour sortir de notre inclination fusionnelle contribue à édifier notre personnalité et nous rapproche d'un amour en vérité sans jamais y parvenir parfaitement.

    Telle est la fonction et la nécessité de l'appel de l'autre.

    Mais qui est l'autre qui appelle? Est-ce une personne?

    Si l'autre n'est qu'une personne, le risque demeure du désir fusionnel.

    Quelle personne a le pouvoir d'être l'autre au point d'éviter la fusion de l'amour? L'autre ne peut être qu'un aimant, extérieur aux personnes qui s'aiment. Il s'intercale

    entre elles autant qu'il les réunit et assure le nécessaire dépassement de ce qui les rapproche. Il a la même fonction que le père qui s'interpose entre la mère et l'enfant pour assurer

    une relation tierce, éviter l'absorption de la mère par l'enfant et réciproquement. Que chacun soit ce qu'il est, devant ce père originel symbolique qui dépasse chacun!

    L'autre est le regard porté sur nous qui opère les ruptures nécessaires à notre croissance et à notre entrée dans la vie adulte et nous fait accéder à l'autonomie. .

    Ces ruptures doivent avoir été faites au cours de l'enfance, facilitant un juste équilibre dans les rapports affectifs, familiaux ou autres. Il manque à beaucoup d'avoir pu les faire.

    Parce que ces ruptures auront commencé d'être opérées, nous serons en mesure d'entendre l'appel de l'autre et d'y répondre, en engageant notre vie dans un amour, qu'il soit conjugal, humanitaire, scientifique ou religieux. C'est nous-mêmes que nous engagerons dans une relation où le regard de l'autre sera toujours présent et continuera de nous éclairer.

    Ne serait-ce pas ce regard de l'autre qu'Adam et Eve ont refusé en se découvrant nus l'un devant l'autre et en se désirant réciproquement comme unique objet de connaissance et d'amour, premier pas vers la déstructuration affective et l'idolâtrie?

    Le père, Dieu? les uns se suffisent du symbole. Pour les croyants, Dieu est Père.

    Dieu serait donc cet Autre, inscrit dans notre origine, qui appelle chacun de nous à accomplir son destin en Le recevant, lui, l'Autre, dans notre relation au prochain.

    fr. André LENDGER

     

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