• 02/02/1997 - La retraite à 55 ans.

     

    La retraite à 55 ans.

     

    Les camionneurs ont présenté cette revendication lors de leur grève.

     

    La revendication est maintenant reprise par un grand nombre de travailleurs.

     

     

     

    Les arguments ne manquent pas en cette période de chômage pour les jeunes : "place aux jeunes !" La retraite à 55 ans serait-elle un geste de générosité afin de résorber le chômage ? Mais la générosité a un prix, qui ne pourra être que celui de la diminution des mensualités de la retraite. Qui est d'accord sur ce prix à "payer" ?

     

    On peut invoquer également la fatigue nerveuse liée à des tâches qui sont de plus en plus répétitives et ne peuvent être remplies que dans un contexte pénible : rappelons-nous les agressions dont ont été victimes les chauffeurs de transports urbains et le nombre de suicides enregistré dans le corps de la police.

     

    La revendication des chauffeurs routiers avait semblé légitime à une population qui, par la fréquentation des routes et autoroutes, se rend compte de ce que peut être leur travail.

     

    Des hésitations se manifestent dès lors qu'il est question de généraliser cette mesure, même si l'institutionnalisation de la préretraite à 55 ans - et parfois moins - donne des arguments sérieux à ceux qui soutiennent cette revendication.

     

     

     

    La raison n'entre que pour peu de choses dans ce type de débat.

     

    Il est le reflet d'une société pour qui le travail, si rare et tant recherché par une grande partie de la population, est dévalorisé aux yeux de ceux qui en ont un.

     

    Le travail est une obligation accomplie sans joie et dans l'insécurité du lendemain, le travailleur se trouvant démuni devant les plans de restructuration.

     

    Le travail ne permet pas l'épanouissement de la personne tentée par d'autres activités:  petits boulots compensateurs, activités familiales ou associatives...

     

     

     

    A 55 ans un homme a encore un bel avenir devant lui, avec une espérance de vie qui ne cesse de s'allonger et des conditions sanitaires qui s'améliorent sans cesse.

     

    La retraite à 55 ans peut dès lors apparaître comme le moyen, non plus d'achever sa vie dans un repos mérité, mais de commencer à vivre librement, peut-être de commencer sa vraie vie selon son désir et de devenir enfin son propre maître.

     

    La retraite change de sens au fur et à mesure que les progrès techniques actuels font estimer qu'ingénieurs et techniciens, souvent dès la quarantaine, sont dépassés, non-rentables improductifs, et constituent un poids pour l'entreprise.

     

    Cette mise à l'écart, dévalorisante pour les personnes, plaide pour des départs en retraite anticipée, à charge pour les intéressés, devenus inutiles ici, de trouver une nouvelle carrière dans d'autres domaines.

     

     

     

    La retraite à 55 ans apparaît comme un problème de société en mutation.

     

    Au-delà des aspects économiques, les souffrances humaines ne manquent pas d'être pressantes. Découvrir son inutilité sociale à moins de 50 ans ou être stressé en permanence par le contexte du travail est difficile à assumer. Rêver d'un autre style de vie lorsqu'on est fatigué de la sienne et qu'il est encore temps de prendre un nouveau virage devient légitime.

     

    Pour qui aime son travail le problème se pose évidemment en termes tout différents. Le travail s'identifie à la vie au point que la vie n'aurait plus de valeur sans cette activité dans laquelle on trouve son épanouissement. C'est la chance de se sentir une vocation, quelle qu'elle soit, et d'avoir la possibilité de la réaliser et d'en vivre.

     

    La question soulevée par la retraite à 55 ans est bien celle du rapport entre l'homme et son travail et donc de l'humanisation du travail en général. Question purement subjective qui ne trouvera pas de réponse en dehors d'un effort général pour rendre au travail sa valeur humanisante, pour autant qu'il l'ait jamais eue pour nombre de travailleurs.

     

    Nous retrouvons là un problème de société, car c'est la société qui établit le lien entre la personne et le travail et puisque c'est à elle qu'incombe l'éducation, la formation professionnelle, le bien-être économique et psychique des travailleurs.

     

    La revendication de la retraite à 55 ans ouvre le champ à une réflexion qui dépasse un simple avantage social. Elle est le signe d'un malaise et appelle de nouveaux équilibres.

    fr. André LENDGER

    « 12 Janvier 1997 - "Vent des Globes". "Paris-Dakar" - Epreuves de l'extrême. Rendez-vous avec la mort. 09/02/1997 - "Suivi médico-social" pour délinquants sexuels »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :