• 8 novembre 1998 - 11 novembre. Quelle célébration ?

    11 novembre.

    Quelle célébration ?

     

    Depuis 80 ans la France célèbre le 11 novembre, date de l’armistice qui a mis fin à la « Grande Guerre ». Ces dernières années l’Allemagne s’était associée à la célébration. Cette année, elle a souhaité ne pas le faire.

    Que signifie en effet, aujourd’hui, la célébration d’un événement qui a été suivi de tant d’autres, pas toujours à la gloire de la France ? Qu’en retient la mémoire collective ?

    Que représente cette fête ? la dernière victoire française (avec toutefois l’aide de ses alliés) ? l’achèvement de la France, avec le retour de l’Alsace-Lorraine dans ses frontières ? une journée du souvenir pour les millions d’hommes morts sur les champs de bataille ?

    Qui se souvient aujourd’hui de l’immense carnage, du traumatisme qui en a découlé pour notre pays, du soulagement de la fin du conflit ? Faut-il entretenir ce souvenir ?

    Le sens de la fête semble avoir évolué dans les années qui ont suivi la dernière guerre. Tout d’abord, le 11 novembre vengeait l’humiliation de la débâcle de 1940, grâce à l’ultime défaite de l’Allemagne à laquelle les Forces Françaises Libres avaient contribué pour leur modeste part. Puis le rapprochement entre la France et l’Allemagne a fait de ce jour une fête à laquelle les allemands ont été associés dans le souvenir de leurs mortsrespectifs.

    A l’heure où la France et l’Allemagne se sont réconciliées dans une Europe qui s’unit, cette commémoration n’est-elle pas dépassée ? ce regard en arrière qui entretient la nostalgie d’une grandeur perdue malgré le sacrifice d’une jeunesse décimée est-il encore de mise ?

    N’oublions pas que les morts étaient aussi bien africains et maghrébins que français. Comment ces pays se sentent-ils aujourd’hui concernés par la commémoration d’une aventure dans laquelle ils avaient été entraînés par la puissance coloniale ?

     

    Une fête nationale doit proposer un symbole clair pour tous les citoyens du pays.

    Il n’est pas sûr qu’il en aille ainsi de la commémoration d’un événement dont l’importance s’estompe dans la mémoire des jeunes générations.

    Ce n’est pourtant pas que tout symbole soit absent de cette date. Mais est-ce encore celui d’une victoire ? Ne serait-ce pas plutôt celui de l’absurdité de cette guerre et de toutes les guerres au cours desquelles des millions d’hommes, jeunes pour la plupart, jetés les uns contre les autres comme des bêtes, ont trouvé la mort dans une gigantesque boucherie humaine ?

    Tirant les leçons du drame de 14-18, le 11 novembre ne pourrait-il pas se transformer en appel à la paix, encourageant les démarches pacifiques des armées contemporaines qui tentent, par des forces d’interposition entre belligérants, de calmer les ardeurs belliqueuses ?

    Les français sauront-ils se débarrasser des oripeaux d’une victoire dépassée ? Ne serait-il pas possible de promouvoir un jour (un 11 novembre débarrassé de tout chauvinisme, ou le souvenir de toute autre bataille sanglante) où le monde entier se donnerait rendez-vous pour regarder en face ses folies barbares, de même que, chaque année, il se mobilise contre la pauvreté le 17 octobre ? Cela n’empêcherait pas les guerres, mais cela aiderait à en voir l’absurdité et contribuerait à une prise de conscience planétaire en faveur de la paix.

     

    Le plus grave serait de ne plus tenir au 11 novembre que parce qu’il permet de bénéficier d’un jour de congé. Le dévoiement du sens serait sacrilège à l’égard des morts.

    Les symboles s’usent et nous sommes à la recherche de symboles contemporains autres que des victoires militaires qui nous tournent vers un équilibre politique dépassé, celui des guerres pour conquérir du territoire ou régler ses comptes entre voisins.

    Le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage est le type de ces fêtes hautement symboliques. Qui, descendant d’esclave ou de maître, peut s’en désintéresser ?

    Il est donc possible, aujourd’hui encore, de susciter des fêtes symboliques capables de mobiliser des foules, pour célébrer un événement passé qui concerne les vivants et leur avenir.

    L’anachronisme du 11 novembre n’en apparaît que plus grand.

     

    Il est naturel que chaque Etat entretienne sa mémoire et la célèbre dans des fêtes nationales. Est-il de bon ton de conserver celles qui se rapportent à des victoires militaires ?

    Serait--il impossible de susciter des célébrations mondiales chargées de symboles (le mur de Berlin, Hiroshima...) qui engagent l’humanité vers la paix et la liberté ?

                fr. André LENDGER

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