• 8 février 1998 - Réapprendre le temps.

    Réapprendre le temps.

    Dans un monde de vitesse et de stress, réapprendre la lenteur.

     

    De nombreux maux, tant personnels que sociaux, sont directement issus de cette course échevelée contre le temps, alors que nous ne pouvons pas lui échapper.

    Toujours il faut aller vite et nous donnons l’impression de vouloir dépasser le temps, de ne pas en tenir compte, de vouloir le vaincre et finalement de nous énerver contre lui.

    Chacun se disperse dans de multiples activités. Il se hâte de l’une à l’autre, les subissant faute de les maîtriser. Il a l’impression de faire beaucoup de choses et que sa vie est remplie.

    Illusion ! car, le plus souvent, sa vie est vide et il ne va nulle part.

    Etre écartelé entre de multiples activités ne signifie pas que sa vie est fructueuse.

    On va, on vient, par nécessité ou pour le seul plaisir d’aller et venir.

    Le mouvement, qui devrait être fonction d’un but qu’on se donne, se limite alors à une agitation instinctive, sans autre finalité que de parer au plus pressé, sans perpective lointaine.

    Nous n’avons pas le temps, nous nous dispersons… et nous ratons l’essentiel.

    Car l’essentiel n’est pas l’urgent, mais notre vie dans sa profondeur.

    S’il existe une urgence, c’est la découverte de cet unique essentiel : qui suis-je ?

     

    «Prendre le temps», c’est le contraire de ce que nous appelons «courir après le temps».

    Rien de sérieux ne peut être construit dans nos vies si nous ne nous abandonnons pas au temps, au lieu de vouloir nous en emparer. Ce qui est une quête vaine !

    Dans le temps seul, se trouve le sens et la réussite de la vie.

    Une vie n’est pas réussie parce qu’on peut additionner un certain nombre d’actions plus ou moins utiles, mais parce que nous pouvons donner sens à chacune de ces actions.

    Or nous ne pouvons donner sens à nos actions qu’au terme d’une méditation qui implique de se laisser porter par le temps. Pas d’intériorité possible sans prendre le temps.

    La lenteur est une vertu car elle permet la découverte de soi-même.

    Tout artiste, même celui qui nous inonde de rythmes déchaînés, n’a pu concevoir son œuvre que dans la lenteur, y apprivoisant les racines de sa violence devenue musique, art.

    La vie est un lent mouvement vers soi-même : nous partons à la découverte de nous-mêmes et de notre source, et nous ne pouvons y parvenir qu’en passant par l’autre.

    Encore faut-il oser s’arrêter pour prendre le temps de rencontrer l’autre.

     

    Combien d’échecs et de déchirements pourraient être évités si nous adoptions, dans nos comportements, le principe de lenteur !

    Les jeunes, et même les moins jeunes veulent tout, tout de suite.

    Les amoureux veulent eux aussi tout, tout de suite.

    Mais le cœur demande du temps et le désir gagne à ne pas se réduire à l’instinct.

    La conquête de l’autre ne peut être que patiente sous peine de courir le risque du désenchantement. Ni l’autre ni soi-même ne peut être atteint dans l’immédiateté.

    Seul le temps permet la connaissance de l’autre et la découverte de soi-même.

    Seul il permet de voir se dégager, dans la lenteur, la signification et la profondeur de ce qu’on est en train de vivre et de ce qu’on est. Car nous ne donnons pas sens à notre vie à la suite d’un choix délibéré. Ce sens, nous avons à le découvrir.

    Il ne vient pourtant pas d’ailleurs que de notre intérieur. Mais il doit émerger de son enfouissement au fond de nous-mêmes, comme on dégage une œuvre d’art depuis longtemps dissimulée dans les sables, que le temps a préservée et que le temps seul permet de découvrir.

    Notre vie, nos sentiments, sont cette œuvre d’art.

    C’est en prenant le temps que nous pouvons avoir une appréhension de ce que nous sommes, d’où nous venons, où nous allons.

    Peut-être alors se posera en vérité la question fondamentale de Celui qui peut illuminer notre vie, à l’égard duquel nous ne pouvons pas rester indifférents, quelle que soit notre foi.

     

    Nous ne gagnons rien à lutter contre le temps. Il est notre maître.

    Ne versons pas, à l’inverse, dans la nonchalance et le laisser-aller, encore moins dans l’oisiveté ou la fuite dans une spiritualité brumeuse qui assure le confort sans passer par l’autre.

    Faisons du temps notre allié pour construire notre vie et la vie de ce monde.

    fr. André Lendger

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