• 7 mars 1999 - Types et contre-types.

    Types et contre-types.

    Affirmation de soi et rejet de l’autre.

     

    Tout homme a besoin de s’affirmer.

    Il ne peut y parvenir qu’en accomplissant l’idéal transmis par son éducation.

    Sa culture lui transmet un modèle. Ce peut être le modèle de l’homme sain, équilibré, épanoui ou de la femme épouse, mère, travailleuse. Ce pourrait être un autre modèle.

    S’identifier à ce modèle et s’efforcer de le réaliser pour soi ne peut se faire, le plus souvent, qu’en s’opposant à des contre-modèles qui représentent autant de dangers dans la réalisation du moi. Cette opposition permet, par le rejet qu’elle entraîne, de museler les tendances contraires qui sommeillent en nous. Leur donner libre cours ternirait l’image que nous voulons avoir de nous-mêmes dans l’effort de nous identifier au modèle. Le contre-modèle est une aide puissante pour conforter notre moi et nous affirmer.

    Malheureusement le contre-modèle n’est pas une idée théorique et abstraite, mais il désigne le plus souvent  une personne ou un groupe de personnes devenus objets de mépris.

    Le rejet du contre-modèle s’accompagne facilement du rejet de ces personnes.

     

    Ces ressorts psychologiques ont entraîné nombre de drames humains, allant du suicide de quelques-uns par non-conformité au modèle social aux massacres et aux génocides.

    Des races ont voulu affirmer leur supériorité. Elles ont tenté de le prouver en caricaturant les autres races avant de les réduire en esclavage ou de les supprimer. Les idéologues de la supériorité de la race aryenne ont puissamment utilisé le contre-type du juif.

    Selon cette idéologie, l’aryen était un homme grand, beau, fort, viril, le regard clair et dominateur - ce dont témoigne la statuaire nazie - tandis que le juif était représenté comme un être dégénéré, difforme, avare, sournois, efféminé.

    La simple comparaison visuelle donnée par l’imagerie de l’époque disait dans quel camp il fallait se situer, les comportements à éviter, pourquoi il fallait se garder de tout contact avec les Juifs et pourquoi il fallait purifier la terre de leur présence, puisqu’ils étaient source de tant de maux, de tant de déviances et de dépravations.

    Le contre-modèle devient le bouc-émissaire, chargé de tous les maux du monde.

    Mais le modèle peut-il fonctionner sans contre-modèle ? En admettant que le nazisme ait réussi, n’aurait-il pas été nécesssaire qu’il se trouve un autre contre-modèle, un autre ennemi, pour continuer d’entretenir le culte de l’aryen, beau, pur et supérieur ?

    Un contre-modèle est nécessaire pour authentifier le modèle. Si tout le monde était identique, s’il n’existait plus de caricature possible pour affirmer, face à elle, l’auto-satisfaction de notre moi, le modèle lui-même se dissoudrait et disparaîtrait.

     

    Il en fut ainsi de l’opposition que les nazis ont entretenue à l’égard des juifs.

    Il en est ainsi des nombreuses oppositions autour desquelles se construisent les modèles sociaux, familiaux, éthiques ou spirituels.

    Chaque affirmation de soi s’accompagne d’un effet négatif de miroir : quand je me regarde, se profile derrière moi celui que je ne veux pas être. A moins que le miroir ne me renvoie mon image haïe laissant apparaître derrière moi celui que j’aurais voulu être.

    Le jeu du type-contre-type paraît universel.

    A l’échelle de notre occident pourtant, nous entrons dans une ère qui semble s’accommoder de l’absence de contre-type. Une tolérance plus grande, des oppositions qui s’estompent, des modes culturelles et vestimentaires qui s’uniformisent, évitent les durcissements, même si de nombreuses fractures demeurent ou même se creusent.

    Est-ce un progrès ?

    Est-il possible de vivre avec des contre-types qui ne s’accompagnent pas de haine ? L’absence de contre-type objet de rebut ne va-t-elle pas engendrer un amollissement général ?

     

    Mais à l’échelle du monde, le système du contre-type continue de fonctionner.

    Les conflits en témoignent. L’occident y fait office de bouc-émissaire face à la volonté d’affirmation de peuples trop longtemps dominés par notre civilisation et notre culture.

    Le danger demeure grand que chacun en vienne à diaboliser l’autre et le prenne comme le contre-modèle absolu pour instaurer un modèle unique pur et dur.

    fr. André LENDGER

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