• 7 janvier 2001 - Nul ne sait qui il est. Pourtant ce qu’il est apparaîtra un jour.

    Nous vivons tous en restant plus ou moins sur les apparences.

    Un jeu permanent s’instaure entre les hommes, dans lequel chacun se dérobe à l’autre.

    Non par volonté de se camoufler ou de taire son identité, mais parce que la vie ne serait peut-être pas possible si nous devions vivre en permanence à visage découvert.

    Si nous le voulions d’ailleurs, le pourrions-nous ?

    Nous sommes obscurs les uns aux autres, mais ne le sommes-nous pas d’abord à nous-mêmes ? Notre conduite sociale est souvent faite de politesses et de convenances, sans que ce soit toujours par désir de nous camoufler : en effet, que savons-nous de nous-mêmes ?

    Nous essayons d’atténuer aux yeux des autres les comportements extérieurs qui pourraient leur paraître de l’ordre du défaut, non pas selon l’opinion que avons de nous-mêmes, mais selon les critères de bienséance qui sont ceux de toute société.

    Nous essayons de faire bonne figure sans être jamais sûrs d’y parvenir, immergés que nous sommes dans notre subjectivité, incapables d’être spectateurs de nous-mêmes.

    Si je ne peux pas être ni paraître autre que je suis, il en va de même pour les autres. Quels que soient leurs efforts pour paraître ce qu’ils voudraient être ou ce qu’ils voudraient que les autres croient qu’ils sont, chacun demeure inaccessible à lui-même et aux autres.

     

    L’opposition entre être et paraître connaît donc des limites.

    Aussi bien aucun homme ne peut-il apparaître, c’est-à-dire faire connaître, révéler le fond de son être sans dépasser les catégories habituelles du bien et du mal.

    Une fête comme celle de l’adoration des Mages revêt ici un intérêt exemplaire.

    Ce qui attire ces hommes venus du lointain de la terre, ce n’est pas un petit enfant quelconque mais un enfant qui laisse apparaître qui il est au fond de son être, quel que soit son paraître fragile et encore vagissant. Il est le roi de l’univers, plus grand qu’aucun des rois de la terre, plus sage qu’aucun de ces trois sages réunis autour de lui. Il a le visage humain de Dieu ; il est fils de Dieu, Dieu même manifesté à nos regard humains.

    Au-delà du paraître, au-delà du questionnement sur lequel chacun de nous bute lorsqu’il s’interroge sur son être personnel et sur le mystère de l’être de l’autre, il y a une réalité insaisissable, encore indéchiffrable.

    Dire de quelqu’un qu’il est bon ou qu’il est mauvais se limite à le décrire par des qualités extérieures, accidentelles, sans qu’on puisse rien affirmer sur ce qu’il est en vérité.

    Dire d’un bébé qu’il est enfant de Dieu est un acte de foi qui nous fait entrer un peu plus dans le mystère. Mais cette affirmation, concernant cet enfant, n’est valable que pour ceux qui ont la foi. Elle nous prouve peut-être que personne ne peut dire une vérité sur l’autres s’il ne l’aime pas, s’il n’a pas, en quelque sorte, foi en lui. C’est une affaire d’amour.

     

    Les mages nous laissent finalement sur une insatisfaction. Ils disent et reconnaissent la relation entre ce bébé et Dieu. Ils confessent que Dieu, en Jésus, habite parmi nous. Mais ils en restent à une vision personnelle. Ils repartent sans partager leur Bonne Nouvelle.

    Ils butent aussi sur un obstacle. Ils ne peuvent se prononcer sur le pourquoi de ce bébé. Dieu vient-il juger le monde ? selon quel critère ? pour le sauver ? pour le condamner ?

    S’agit-il d’un Dieu dont la colère va embraser la terre ? ce roi de l’univers va-t-il ébranler les fondations sur lesquelles nous sommes assis ? que va faire ce roi de son pouvoir ?

    Bien que déjà manifesté dans son être profond, des questions demeurent, qui ne pourront être levées que lorsque Jésus, au terme de sa vie, aura manifesté, par sa croix, que le fond de son être, c’est le fond de l’être de Dieu. Et cet être, c’est le don de soi, c’est l’amour.

    Les mages n’ont fait, en fin de compte, que dévoiler le commencement de ce qui peut être dit du mystère de l’être de Jésus, sans nous permettre d’en discerner le fond.

     

    Ainsi de chaque personne humaine. L’amour qui est en nous ne sera manifesté qu’à notre dernier jour et cet amour n’a rien à voir avec ce que nous apparaissons sur cette terre.

    Ce que nous sommes ne sera manifesté qu’à ceux que nous avons aimés et qui nous ont aimés, à Dieu d’abord. Pour les autres nous demeurerons obscurs, de l’obscurité de l’indicible ; car le fond de notre être est présence de Dieu, mystérieuse comme Dieu même.

    fr. André LENDGER

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