• 28 mars 1999 - ONU, OTAN, Serbie et quelques autres.

    ONU, OTAN, Serbie et quelques autres.

    Quand et où est-il possible d’intervenir ?

    Au nom de quels principes ?

     

    La Serbie agit depuis plusieurs années avec une extrême brutalité, imposant sa vision de la Grande Serbie grâce à la puissance militaire héritée de l’ancienne Yougoslavie. Elle avait déplacé les populations et institué des camps de concentration en Bosnie. Le même scénario a commencé à se reproduire au Kosovo. L’intervention militaire de l’Otan s’appuie sur le précédent bosniaque où l’impuissance des démocraties avait été manifeste, se limitant longtemps à dénoncer les crimes contre l’humanité tout en laissant faire.

    Mais que recouvre la notion de «crimes contre l’humanité», quand une partie des grandes puissances (Russie et Chine) soutient celui qui en est accusé par les autres ? L’alliance immémoriale avec un peuple de même ethnie et de même religion suffit-elle à justifier un criminel de guerre ? N’y a-t-il pas un paradoxe à s’en prendre au vieux général Pinochet, qui ne peut plus guère commettre de crimes, et à laisser M. Milosevic continuer à sévir ?

    Ces oppositions entre grandes puissances aboutissent à paralyser l’ONU et à faire de l’OTAN le gendarme du monde. Cette situation est malsaine. L’équilibre et la paix du monde doivent tenir compte du poids de l’histoire, des vieilles solidarités et de l’honneur des faibles.

     

    Y aurait-il eu cette intervention si l’événement s’était produit hors d’Europe ?

    L’Europe se veut à l’avant-garde des continents démocratiques et ne peut tolérer, sur son territoire, la dictature et les méthodes brutales et barbares de M. Milosevic.

    Mais combien de pays, hors d’Europe, souffrent de régimes qui n’ont rien à envier à celui de M. Milosevic ? Combien de dictatures sont tolérées pour conserver, pour le bénéfice de quelque grande puissance économique, une zone d’influence, des champs pétrolifères, l’exploitation de minerais rares, ou un vaste marché prometteur comme la Chine ou l’Inde.

    Les nations dominantes, pour démocratiques qu’elles soient, ne se privent pas de bénéficier des avantages procurés par certains régimes dictatoriaux. La démocratie, le meilleur régime au monde, peut-elle se permettre d’utiliser la force militaire ici sous prétexte de défense des droits de l’homme, et se laisser aller ailleurs à l’exploitation et à la corruption ?

    Faire advenir la démocratie partout dans le monde est une tâche qui exige la vertu.

    Ce n’est pas en commençant par détruire un pays qu’on inculquera l’amour de la démocratie. La guerre déstabilisera le peuple en question sans forcément le convertir.

    Les démocraties devraient promouvoir le dialogue, faire prévaloir partout les droits de l’homme même dans les pays où la conception de l’homme est différente de la nôtre. Mais elles doivent accepter les limites du possible, savoir tolérer l’intolérable (pensons à la Corée du Nord ou à l’Irak), accepter le lent cheminement sans jamais désespérer ni se laisser duper.

    La démocratie ne peut s’imposer par la force sous peine de se corrompre et de se trahir

     

    L’intervention militaire au Kosovo, tout à fait justifiable étant donnée la brutalité de M Milosevic, nous montre les limites de toute intervention « pour le bien des peuples ».

    Les bons sentiments ne suffisent pas, ni même ce que nous estimons juste. Car ce qui est juste selon l’un ne l’est pas selon l’autre. L’opinion de cet autre, que nous n’avons pas le droit de sous-estimer a priori, nous oblige à approfondir la validité de ce que nous faisons.

    Dès lors qu’est en cause la vie de nombreux hommes et femmes, innocents pour la plupart, nous devons réfléchir à notre discours et au type d’action que nous mettons en œuvre

    Comment intervenir dans les affaire intérieures d’autrui? Sommes-nous des justiciers ?

    Comment contribuer à régler un conflit qui n’est pas le nôtre et qui pourtant nous concerne dès lors que les droits de l’homme, de tout homme notre frère, sont bafoués ?

    Quelqu’un crie au secours. C’est notre devoir de répondre à son appel. Mais prêtons attention à la façon dont nous allons porter secours, et à la suite... Qu’aurons-nous à proposer pour sortir de l’impasse dans laquelle l’un des protagonistes aura perdu la face ?

     

    Les situations de violence et d’injustice sont innombrables. Là-bas, mais ici aussi !

    Notre engagement dans le conflit du Kosovo ne peut que nous éveiller à toutes les violences qui sont au cœur de nos sociétés, comme au cœur de l’histoire de chaque personne.

    S’élever contre l’intolérable n’a pas de frontière.

                fr. André LENDGER

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