• 28/01/1996 - Soweto. Les soulèvements de Soweto

    Soweto.

    Les soulèvements de Soweto.

    Les chœurs liturgiques de Soweto.

     

    La beauté des cantiques été arrachée par la douleur.

    La profondeur et la richesse des sentiments qu'ils expriment sont nées du combat.

    Les pauvres se sont levés.

    Ils ont retrouvé leur dignité dans la lutte. Ils se sont soulevés contre un ordre injuste...

     

    ...pas contre Dieu, car Dieu, ils le savaient,  était étranger au mal qu'ils subissaient.

    Ils savaient bien, les chrétiens, que le crucifié n'était pas mort pour les inciter à la soumission, mais pour leur communiquer Sa force d'être. Jésus n'était pas seulement de leur côté. Il était identifié à eux. A eux de s'identifier à Lui.

    Leur prière est devenue naturellement une des sources de leur résistance.

     

    Pauvres. Ces chrétiens de Soweto, après tant d'autres, ont bien mérité ce titre, eux qui ont refusé de se laisser glisser dans l'abandon, la dégradation physique et morale, la dépendance servile, mais qui ont cherché à vivre et à exister par eux-mêmes.

    Mieux que leurs maîtres, chrétiens de vieille souche, ils ont compris la Parole du Dieu pauvre et souffrant. Dieu les invitait à secouer leur joug et à revendiquer leur visage de fils de Dieu. Leur condition ne les éloignait pas de Dieu, leur lutte les rapprochait de son Fils.

     

    Ils sont nombreux les pauvres.

    Ils sont peu nombreux à se lever pour retrouver leur dignité.

    Est-il encore pauvre celui qui se laisse aller, ayant abandonné tout combat ?

    Est-il encore pauvre celui qui s'est figé, dans l'attente d'un secours, d'un don, d'une subvention extérieure et ne cherche plus à avancer ?

    Ceux-là ne sont plus pauvres, ils sont, et ne réagissent plus.

    Ils attendent qu'on les aime. Mais la dépendance n'interdit-elle pas l'amour ?

    Ils ont leur part de responsabilité dans leur sort. Mais d'autres, dont nous sommes solidaires, ont aussi la leur : les familles disloquées, l'alcoolisme, la violence parentale, le rejet des enfants, le chômage, nos économies de marché qui rejettent leurs déchets humains...

     

    Soweto nous montre un autre visage du pauvre : le pauvre qui redresse la tête.

    Non par quelque arrogance, mais dans le souci d'exister par soi-même, d'être homme à l'égal des autres, à la face des autres, de puiser en soi la dignité.

    Devant Dieu il sait qu'il n'est pas moins qu'un autre. Mais cela ne suffit pas.

    La pauvreté est une grâce - le Royaume de Dieu lui appartient - à condition que le pauvre, parce qu'il est pauvre et en tant que pauvre, connaisse et proclame sa grandeur.

     

    Caritatif humanitaire, quel sens ont ces mots si la compassion qu'ils expriment n'est pas animée par le souci, non seulement d'aider à la survie (c'est le minimum), mais d'arriver un jour à pouvoir dire à l'assisté : "Debout par toi-même ! vis par toi-même" ?

    Mais un tel discours ne peut être tenu en dehors des réalités socio-économiques du moment, réalités qu'il faut tenter de maîtriser et d'ordonner au bien de l'homme. Car il n'est pas juste que des millions de personnes soient contraintes, au nom de règles qui ne tiennent pas compte d'elles, de s'enfoncer dans la dépendance avec toutes ses conséquences, en perdant leur maison, leur terre, leur famille, leur travail ou n'en ayant jamais eu.

     

    La charité ne va pas sans la justice, la justice étant la première forme de la charité.

    Le pauvre qui veut retrouver sa dignité se doit de revendiquer le respect de ses droits, non pas d'abord de ses droits financiers, mais du droit de parvenir à se mettre debout sans autre aide que celle de son énergie intérieure et de sa force de travail.

    Un des problèmes de notre temps est que trop de pauvres sont passifs, anesthésiés par  l'argent qu'ils reçoivent sans avoir à le gagner, résignés à ne rien demander d'autre.

    Comment convertir de tels pauvres à la pauvreté-debout ?

     

    Déjà les prophètes d'Israël s'élevaient contre l'injustice qui fait le lit de la pauvreté.

    Déjà les psaumes de la Bible chantaient la souffrance et l'espérance des pauvres.

    De la souffrance des noirs américains sont nées les oeuvres spirituelles fortes que sont les "negro spirituals" et Soweto a permis la création de chants tout aussi expressifs.

    C'est de tels "pauvres-debout" que notre monde et notre Eglise ont besoin.

    fr. André LENDGER

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