• 01/05/1996 - Premier mai.

     

    Premier mai.

     

    La fête du travail naquit dans les convulsions : grèves et répressions sanglantes, sur fond d'élan révolutionnaire et de lutte contre le capitalisme.

     

    Le 1er mai devint le jour-symbole où les travailleurs unis célébrèrent leur aspiration à la libération de leur condition, à la revendication de leurs droits et à la reconnaissance de leur dignité dans de grandes liturgies païennes faites de processions et de prières laïques.

     

     

     

    Le 1er mai fut la Pâque des travailleurs :

     

                - le jour où ils se remémoraient les dures conditions d'esclaves dans lesquelles les maintenait le capitalisme naissant qui ne leur concédait - Karl Marx l'avait bien vu - que le strict nécessaire pour reconstituer leurs forces de travail.

     

                - le jour où, pour clamer leur dignité d'êtres humains, ils ne pouvaient qu'interroger Dieu qui les enchaînait à un travail qui avait pris figure de punition divine.

     

                - le jour où, l'espace d'un défilé et d'un mot d'ordre, ils se donnaient l'illusion de croire possible un monde sans classes, sans exploitants ni exploités, dans la fraternité universelle de tous les peuples enfin unis, où tous pourraient partager "un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes grasses juteuses, et de bons vins clarifiés", selon ce qu'avait annoncé le prophète Isaïe (25, 6).

     

     

     

    Le 1er Mai agonise.

     

    Que reste-t-il des mythes de la grande révolution prolétarienne, du grand soir, de la lutte finale, de l'internationale des travailleurs ?

     

    On les chante encore, mais dans des meetings sans enjeux et sans risques.

     

    Ils fleurent bon la nostalgie des paradis qu'on sait à jamais inaccessibles.

     

    Ils font partie du rituel. On les évoque sans conviction comme on récite une prière pour une pluie dont on sait qu'elle ne viendra pas, par simple fidélité à la tradition.

     

    Le 1er mai, vidé de sa substance combative, n'est rien de plus, pour beaucoup de nos compatriotes, qu'un jour de congé auquel on a droit.

     

    On fait encore mémoire du passé, des combats gagnés et des mythes poursuivis, mais cela ne dure que le temps d'un bouquet de muguet.

     

    Devenu officiel, le 1er mai est devenu inoffensif.

     

    Il a même été porté sur les fonts-baptismaux par l'Eglise qui l'a placé sous le patronage de l'artisan Joseph !

     

     

     

    La pauvreté à laquelle a été réduit le 1er mai ne doit cependant pas nous cacher la fécondité des 1er mai d'antan et des luttes qui les ont accompagnés : la semaine des quarante heures, les congés payés, le plein emploi, la retraite... Tout un équilibre social transformé pour que les travailleurs retrouvent leur place d'hommes.

     

    Pourquoi en sommes-nous arrivés à des 1er mai vidés de leur dynamisme alors que les problèmes de notre société sont aussi nombreux et décisifs que ceux d'hier ?

     

    Les temps ont changé et l'œuvre s'annonce plus difficile :

     

                . l'évolution des techniques de travail a brisé l'unité de "la classe ouvrière"

     

                . l'ancienne solidarité a laissé place aux intérêts et aux luttes corporatistes

     

                . les incantations unitaires ne cachent pas les divisions syndicales

     

                . le "chacun pour soi" a gagné toutes les couches de la société.

     

     

     

    En ce 1er mai 1996, comment ne pas penser aux 3 000 000 de chômeurs ?

     

    Que signifie la "fête du travail" pour un chômeur ? ce n'est pas la fête du chômage.

     

    Comment célébrer le travail et fêter le travailleur quand on est réduit à chercher un travail, n'importe lequel... à moins de se résigner, ce qui équivaut à un suicide social.

     

    Le travail a changé d'aspect. Hier il avait la seule apparence de la servitude, aujourd'hui il apparaît comme le seul moyen pour l'homme d'accéder à sa liberté.

     

    Un homme sans travail est un homme qui n'existe pas.

     

    Les chômeurs sont à ce point désocialisés et marginalisés qu'ils ne sont pas à même de faire entendre leur voix : le 1er mai, "fête du travail", est "jour de deuil des sans-travail"

     

    Ce n'est pas que les travailleurs ne sachent pas les liens qui les unissent aux chômeurs, mais ils redoutent de venir grossir leurs rangs ou se satisfont de leurs acquis.

     

    Le salut des uns ne passerait-il plus par la solidarité des autres? quel 1er mai le dira ?

     

     

     

    Le peuple des travailleurs - chômeurs compris - est loin d'être libéré de la servitude.

     

    Il a encore et aura toujours à repasser sa Mer Rouge, à refaire sa Pâque.

     

    Que seront nos 1er mai de demain :

     

    fête du travail ou cérémonie mortuaire ?

    fr. André LENDGER

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