• 8 décembre 2002 Peut-on être malade de Dieu ?

    Dieu guérit. Jésus a témoigné de la miséricorde du Père en guérissant des malades. Il n’est donc pas étonnant aujourd’hui d’entendre des croyants dire que des guérisons peuvent être opérées par la prière, les sacrifices, les exorcismes sauvages, les impositions des mains, les onctions de toutes sortes et bien d’autres pratiques pieuses telles qu’on les fait ici ou là.

    L’Eglise, elle, ne reconnaît, en fait de démarche de guérison, que le sacrement des malades et, dans les cas extrêmes de tourments intérieurs, l’exorcisme pratiqué par le prêtre délégué à ce titre par l’évêque (un par diocèse). D’autres personnes peuvent avoir des dons personnels, mais cela ne relève pas de l’Eglise. Ce sont des dons naturels.

    Lorsque nous disons que Dieu guérit, nous ne devons pas entendre que Dieu va nous délivrer de nos maladies, physiques ou psychiques. Ce serait de la magie et Dieu, qui a créé le monde en toute sagesse, ne se plaît pas à apporter des retouches à son œuvre, comme s’il l’avait ratée à moitié. Il ne va donc pas supprimer le cancer ou le sida, mais il va donner la force de lutter et, grâce à cette force spirituelle, il va permettre au malade de se relever.

    Dans un monde où le génie de l’homme nous émerveille et nous effraie à la fois, nous nous comportons souvent comme si nous avions si peur que Dieu perde sa place que nous lui demandons d’intervenir à la manière dont sont censées le faire les divinités païennes.

     

    Si Dieu ne guérit pas à la façon dont notre faiblesse aimerait qu’il le fasse, il peut au contraire nous rendre malades. Il ne va pas nous inoculer je ne sais quel microbe, pas plus qu’il ne va provoquer une grave maladie … Dieu aime, il n’a rien d’un sadique.

    La première maladie que Dieu peut provoquer chez nous est un amour extrême de Lui. Être malade de Dieu, c’est alors ne pas pouvoir se passer de lui et chercher à vivre toujours en sa présence, si fort est son attrait pour nous. Nous sommes comme fous de Dieu et de son amour. Nous sommes tellement emplis de Dieu que nous avons du mal à le contenir dans l’étroitesse de notre corps et de notre esprit. Nous avons le désir de dépasser nos limites ; nous sommes proches de ce qu’on appelle l’extase, une sortie de soi pour être avec Dieu seul.

    Être malade de Dieu au sens fort, c’est cela. C’est une maladie d’amour, plus forte et plus intense qu’aucune autre maladie d’amour puisque l’être aimé échappe à nos sens.

    Il va sans dire qu’une telle maladie peut user un corps et hâter la mort. N’est-ce pas le cas de Thérèse de l’Enfant-Jésus ? son corps ne pouvait pas supporter longtemps la tension intérieure qui l’habitait. Il y a en effet corrélation entre le corps et les élans spirituels.

    Nous devons convenir cependant que ce genre de maladie provoquée par Dieu est plutôt rare et ne menace pas la plupart d’entre nous. Elle est propre à certains tempéraments. Quant à nous, nous avons plutôt à craindre l’illusion et à éviter de nous croire au septième ciel alors que nous pataugeons dans notre boue. L’hôpital psychiatrique n’est pas toujours loin…

     

    Mais il y a des maladies liées à Dieu moins glorieuses que celles des mystiques. Ces maladies sont infiniment plus graves parce qu’elles nous éloignent de Dieu, du vrai Dieu et Père de Jésus-Christ, au lieu de nous en rapprocher. Elles peuvent être mortelles pour la foi.

    Nos désirs insensés et tenaces d’apparitions, de miracles, de guérisons, de délivrance, de médailles, de merveilleux… témoignent de la persistance du paganisme en nous, habillé et vaguement revisité par la foi chrétienne. Nous nous plaisons à imaginer que nos gesticulations humaines sont inspirées par Dieu et sont efficaces. Il nous arrive de ressembler aux prêtres de Baal confrontés au prophète Elie (I R. 18, 25-28) ! Comme il y a toujours quelqu’un qui se pâme ou s’évanouit dans ces sortes de cérémonies, nous y voyons la présence de Dieu, oubliant que les religions païennes en font autant, avec parfois plus de succès.

    Lorsqu’un peuple chrétien se laisse aller à ces pratiques sur une grande échelle, nous pouvons craindre qu’il soit malade dans ce qui devrait être le plus pur : sa relation à Dieu. Nous ne sommes plus à l’écoute de Dieu dans le silence du désert intérieur comme Moïse ; nous nous remplissons d’émotions comme d’autant de prothèses qui parasitent notre foi.

    Un tel parasitage ne se limite pas à la vie de la foi, mais s’étend à toute notre vie sociale et relationnelle dans la mesure où la vie humaine est un tout. Nous vivons dans une certaine fausseté en toute bonne conscience et nous y en entraînons d’autres.

     

    Le culte du merveilleux menace gravement la foi en nous.

    Le désert intérieur guérit notre relation à Dieu par une foi nue.

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