• 26 octobre 1997 - Écouter.

    Écouter.

    Tout le monde a besoin de parler et donc d'être écouté.

    Mais comme il est difficile d'écouter !

     

    La parole est le véhicule privilégié, unique même, de toute expression de soi et de toute communication entre les êtres.

    Elle permet de transmettre à d'autres une pensée, un sentiment.

    Elle permet de "se dire" à soi-même et d'entrer dans la compréhension de soi, la parole faisant venir à la lumière et organisant au grand jour ce qui n'était que chaos informe.

    Elle est révélatrice, voire créatrice de soi, car elle permet de crever la poche des eaux maternelles et protectrices dans laquelle trop souvent notre "moi" reste enfermé.

    Sans parole, nous laissons se refermer sur nous le linceul de notre non-dit.

    Mais la parole peut être mensonge, camouflage, écran dressé entre soi et la réalité. Destinée à tromper l'autre, elle nous fait entrer dans l'erreur sur nous-mêmes. Nous finissons par croire ce que nous disons, par nous donner l'illusion d'être ce que nous ne sommes pas et par nous empêcher de naître à nous-mêmes en vérité. Nous faisons de nous des estropiés.

     

    L'écoutant se trouve en situation périlleuse.

    Il reçoit les paroles qui lui sont dites et il ne lui appartient pas de soupçonner quelque machiavélisme que ce soit de la part de celui qui s'exprime.

    Il doit faire confiance, faute de quoi la relation est biaisée.

    Si le mensonge s'introduit dans l'échange, le menteur se trouvera, à un moment ou à un autre, pris au piège de son propre discours devenu intenable. Il lui appartiendra d'accéder à sa propre vérité par lui-même, l'écoutant figurant la réalité à laquelle il devra s'affronter.

    Mais l'écoutant doit se prémunir contre lui-même.

    Il est indispensable qu'il se connaisse lui-même et qu'il sache que cette connaissance a ses limites afin de ne pas se projeter en l'autre, mais de le laisser venir en lui.

    Puisqu'il écoute, il n'a pas à dire.

    Or il peut être tenté de parler, de remplir les vides, de suggérer, d'orienter. Il peut se laisser aller à interpréter ce que dit l'autre. Il ne fait alors que s'introduire lui-même dans un "moi" qui n'est pas le sien, en lui prêtant ce qu'il est ou croit être. L'écoute est faussée !

    L'ennemi premier de l'écoutant, c'est lui-même.

    Il peut se croire en mission quand il n'est qu'au service.

    Il peut vouloir aider sans vraiment se démettre d'une curiosité qui s'accompagnera d'indiscrétion et de voyeurisme, sous prétexte de chercher à comprendre l'autre.

    Mais s'agit-il de comprendre ? Comprendre, n'est-ce pas enfermer ?

    Toute personne échappe parce qu'elle est un mystère à elle-même et aux autres.

    Or l'écoutant doit se dessaisir de lui-même pour apprendre l'autre.

    Même le silence de l'autre en dit plus que les paroles qu'on pourrait lui arracher.

     

    Qu'attend la personne qui demande à être écoutée ?

    Il semble que ce soit une parole venant de l'écoutant, un réconfort, un conseil.

    L'écoutant ne doit pas se laisser fléchir par cette demande initiale, qui est celle d'une personne qui est sur le point de renoncer à elle-même.

    Il convient au contraire de faire accéder l'autre à lui-même et par lui-même.

    Le meilleur réconfort et le meilleur conseil seront ceux que puisera, dans son fond propre et dans ses ressources intérieures, celui qu'on écoute, si démuni apparaisse-t-il.

    La parole de l'écoutant ne peut contribuer au dévoilement intérieur de l'autre que dans la mesure où elle l'éveille, lui permettant d'articuler enfin ses propres paroles.

    Un telle écoute s'assimile au silence et les mots échangés ne doivent pas lui faire obstacle ; ce ne sont que des mots. Toute vraie rencontre se fait dans le silence, tout éveil de soi-même ne se produit qu'au terme du silence. La parole doit se faire silence.

     

    L'expérience de la Parole de Dieu est bien de cet ordre. Dieu ne prend jamais notre place. Il ne nous donne pas d'ordres. Il est en nous la force qui nous met debout.

    Du haut de sa Croix, il nous appelle à naître à notre vie, celle qu'il nous a gagnée.

    fr André LENDGER

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