• 26/01/1997 - La jeune femme attendait un enfant.

    La jeune femme attendait un enfant.

    Il serait, si Dieu voulait qu'il naisse sain, l'accomplissement de sa vie.

    Elle était séropositive.

     

    Elle avait calculé le pour et le contre.

    Elle s'était entourée de précautions, prenant les remèdes appropriés pour que l'enfant ait le maximum de chances d'être indemne de toute contamination. Elle savait que si l'enfant courait le risque d'être atteint par le virus, il avait aussi de bonnes chances de ne pas l'être.

                Tant d'enfants de parents séropositifs sont merveilleux de santé et de vie !

    Elle savait qu'elle risquait de le laisser orphelin, mais elle n'ignorait pas qu'il est permis aujourd'hui d'espérer, sinon guérir, du moins vivre longtemps avec le virus.

    Cet enfant, après tant d'épreuves dans sa vie, représentait une victoire sur la mort, sur l'errance et la "galère", un immense bond en avant, une lumière dans son cœur, un rachat, un don reçu et offert dont elle ne remercierait jamais assez Dieu.

     

    Une analyse médicale  décèle un certain nombre de problèmes irréversibles.

    La grossesse ne pourra pas aller à terme.

    Il faut procéder à une interruption thérapeutique de la grossesse.

    La jeune femme est hébétée. Elle est envahie par la culpabilité, submergée par la honte. Elle pleure. Elle prie. Dieu lui pardonnera-t-il ? Tout s'écroule.

    C'est précisément à ce moment-là qu'elle commence à sentir bouger son enfant.

    La situation se prolonge quelques jours. C'est l'attente... sans espoir.

    Enfin l'intervention a lieu.

    La jeune femme n'est pas endormie. Le fœtus est expulsé.

    Le médecin, dans un mouvement de colère, pose le petit corps sans vie sur le ventre de la femme puis s'en va, laissant la femme paralysée de terreur intérieure. Il revient et lui lance : "quand on est séropositive, on ne fait pas d'enfant !"

     

    Dans cette histoire le médecin semble avoir raison selon la stricte rationalité.

    On comprend son mouvement d'humeur car les grossesses de mères séropositives ne sont jamais sans poser de problèmes moraux. Peut-être lui aussi s'est-il senti meurtri, blessé.

    Mais s'est-il rendu compte que sa parole a tué quelque fibre ultra-fragile dans le cœur de cette femme plus sûrement que le virus du sida n'avait de chance de tuer l'enfant ?

    Ne s'est-il pas montré, en pareille circonstance, plus soumis à son impulsivité, incapable de la retenue et de la maîtrise qu'on peut attendre d'un homme appelé à soulager la douleur d'autrui, que le fut la jeune femme lorsqu'elle a accepté l'enfant à naître ?

    Ne fallait-il pas respecter la liberté de la mère, quitte à lui faire part, dans des circonstances moins traumatisantes, de sa réserve à l'égard de telles grossesses à risques?

    N'existe-t-il pas d'autres façons de "faire la morale" et de dire ses convictions ?

     

    Les médecins se trouvent souvent devant des problèmes humains qui les perturbent.

    Ils sont amenés à faire réfléchir leurs patients. Parfois c'est leur devoir de le faire.

    Mais ils savent qu'ils sont face à une souffrance, aux ramifications souvent complexes.

    Dans ce domaine, ils ne sont pas les seuls intervenants possibles : infirmières, psychologues, assistantes sociales, prêtres... le sont chacun à sa place. Aucun d'entre eux ne détient seul la parole qui guérit. Chacun ne peut que reconnaître les limites de son action. Des équipes pluralistes, aux approches multiples, ont seules quelque chance de relever le défi.

    La personne concernée doit finalement prendre seule sa décision, en sa conscience et responsabilité. Les autres ne peuvent que l'accompagner dans son choix, en respectant sa liberté, même s'ils en contestent le bien-fondé, afin d'en éviter les retombées négatives.

     

    La compassion est le premier pas vers la guérison physique ou psychique. Elle peut s'exprimer avec rudesse - parfois elle le doit - pourvu qu'elle soit perçue comme compassion.

    Peut-il exister un salut pour notre monde hors la compassion pour tous ceux qui en sont victimes, même si on n'est jamais victime sans un certain consentement ?

    N'est-ce pas cette compassion qui animait Jésus quand il guérissait et libérait ?

    fr. André LENDGER

    « 19/01/1997 - Une Eglise – des Eglises. Une foi – des religions.4 janvier 1998 Le silence d’un nouveau-né, silence de Dieu. »

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