• 24 août 2003 La canicule.

    Un phénomène climatologique exceptionnel aurait entraîné la mort de plus de 10 000 personnes âgées, d’après les derniers chiffres. L’émotion est grande et chacun se demande s’il n’aurait pas été possible d’éviter une telle hécatombe. D’autant plus que, si les personnes âgées se sont révélées les plus vulnérables, les maisons spécialisées dans leur accueil – théoriquement les plus aptes à faire face au fléau -  seraient celles où elles ont le moins bien résisté. Personne ne conteste le fait que l’excès de chaleur est directement responsable de ces morts, mais on s’interroge sur notre système de prévention et de santé et on en recherche la faille. N’aurait-il pas fallu réagir plus rapidement ?

    Le pouvoir politique est donc montré du doigt. Non qu’on lui impute la chaleur, mais la lenteur, voire la passivité. Dans une société marquée par l’importance accordée à la prévention et à la sécurité en tout domaine, y compris dans celui des catastrophes naturelles, il y a eu un vide politique. La logique sécuritaire aurait obligé les pouvoirs publics sinon à prévoir l’imprévisible, du moins à être en mesure d’y faire face. Il apparaît donc logique que le gouvernement soit interrogé sur ce dossier.

    Dans un monde qui apparaît de plus en plus dangereux, chacun veut se sentir protégé. Seul l’Etat, avec tous ses moyens, est en mesure d’assurer la protection, que ce soit dans la lutte contre le terrorisme ou la délinquance, mais aussi dans la maîtrise de la nature. Encore ne le peut-il que de façon imparfaite car, quels que soient les progrès accomplis en tout domaine, les terroristes et les délinquants demeurent actifs, la terre continue de trembler, les incendies de flamber, les orages de casser les arbres, la sécheresse de dévaster les cultures et de temps en temps survient un phénomène erratique, aberrant, comme cette longue canicule dans un pays réputé pour son climat tempéré.

     

    Devant le chiffre des morts - provisoire il est vrai - l’émotion est à la mesure du phénomène exceptionnel qui a été vécu. Il aurait sans doute été possible de faire plus et plus rapidement. On aurait pu mieux prendre la mesure du désastre à venir et s’y préparer, stocker les produits qui auraient permis aux personnes âgées de mieux résister. D’où l’accusation portée contre les responsables politiques.

    Mais ce procès ne cache-t-il pas une tendance à chercher un coupable en toute occasion ? Comme si toutes les épreuves qui nous assaillent devaient donner lieu à procès. Comme si rien de douloureux ne survenait sans qu’il y ait, tapi dans un coin, un ennemi qui nous veut du mal. Comme si, dès que quelque souffrance surgit, il devait y avoir une main prête à nous secourir. À force d’être soutenus et pris en charge nous devenons incapables de faire face à l’adversité par nos propres moyens et d’accepter que l’épreuve fasse partie de la vie. Nous sommes même aveugles sur notre part de responsabilité dans les catastrophes alors que nous pouvons être les fossoyeurs de nos propres tombes. La canicule, par exemple, n’a-t-elle pas quelque relation avec notre surconsommation d’énergie ?

    On peut donc s’interroger sur la nécessité de demander sans cesse à l’Etat de satisfaire à tous nos besoins. Ne devrions-nous pas réapprendre à nous responsabiliser et à répondre à certaines urgences par nous-mêmes ? On en vient parfois, lorsqu’on considère l’homme contemporain, à regretter l’époque où les hommes n’éprouvaient pas le besoin de geindre sans cesse et de tendre la main pour que l’Etat la remplisse dès qu’ils ont subi un dommage. Mais il s’agit du monde d’hier, d’une civilisation disparue en Occident. Tout retour en arrière est illusoire et ne serait pas bénéfique.

     

    Une canicule, c’est du domaine de la météorologie et de la science. A priori cela n’a rien à voir avec la politique. Mais un homme politique sait qu’aujourd’hui tout événement qui survient a quelque chose à voir avec la politique. Il n’y a pas d’événement politiquement neutre, si innocent soit-il ou si déconnecté de la politique apparaisse-t-il. Tel est le constat que nous pouvons faire sur notre société où les citoyens sont dépassés par les problèmes qu’elle pose et sont dépendants de l’Etat.

    Une nation est un tout solidaire. Les responsables de l’Etat symbolisent l’unité entre tous. Impossible donc qu’une catastrophe survienne sans que le symbole de la nation ne manifeste sa solidarité à l’épreuve commune, sur le lieu même où elle se produit. Il ne changera pas forcément le cours des choses. Mais sa présence sera mobilisatrice et réconfortante. Il donnera du courage. Il montrera qu’il partage les difficultés de l’heure, même si chacun sait qu’il en est protégé.

    En transformant la nature et en polissant son système politique l’homme contemporain a établi de nouvelles règles du jeu, a induit de nouveaux comportements et a mis en place un système de protection derrière lequel il s’abrite. Le chaos lui fait peur. Il a besoin d’être rassuré, consolé, aidé. Cette évolution n’est cependant pas sans danger et nécessite la vigilance des hommes politiques qui doivent assurer le réconfort dans l’épreuve mais éviter la dissolution du sens de la responsabilité.

     

    Aux hommes politiques à ne pas faillir.

     

    André Lendger.

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