• 21 janvier 2001 - Amour et subjectivité. Corps personnel et corps social.

    Les sondages montrent que les couples sont de plus en plus fragiles, et que nombreux sont ceux qui divorcent ou se séparent. La proportion des mariages décroît lentement, de façon presque inexorable. La famille, au sens traditionnel du terme, est malade.

    Pour rendre compte de ce phénomène, il est possible d’évoquer la transformation de la société qui favorise une individualisation croissante, la dilution de la foi, la perte d’influence de l’Eglise dans la société, l’incertitude devant l’avenir, les facilités pour s’évader…

    La multiplication de ces causes laisse penser que la crise n’est pas près de son terme.

    Ce phénomène est l’aboutissement d’une évolution qui, au départ, fut très positive. Les couples ne se forment plus sous la pression des familles ou de la société. Les Roméo et Juliette contemporains ne sont généralement plus acculés à se marier en cachette. Les rencontres amoureuses et la décision de vivre ensemble se font le plus souvent par un choix libre, même si les unions interraciales ou inter-religieuses peuvent encore poser des problèmes.

    On serait en droit de penser que le couple ainsi formé aura de meilleures chances de durer et de vivre dans le bonheur. Or les chiffres, au contraire, en confirment la volatilité.

     

    Nous avons en effet troqué le carcan de la pression sociale et familiale contre des choix apparemment libres, mais qui n’ont souvent que l’apparence de la liberté : les jeunes sont livrés, dans leurs choix affectifs, à leurs seules et souveraines subjectivité et émotivité.

    La référence n’est plus la famille, la société ou l’Eglise, mais la seule affectivité.

    Le choix que fait un couple ne concerne que lui ; il ne rend de comptes à personne.

    Nous trouvons certainement là une des raisons de la désaffection du mariage qui est une démarche sociale. La cérémonie à l’Eglise ou à la mairie est perçue comme inutile.

    Le couple moderne se suffit à lui-même et vit à sa façon ; il subsiste tant que chacun trouve ce qu’il cherche dans sa vie affective, mais se dissout dès que ce n’est plus le cas.

    Le désengagement à l’égard du mariage rejoint le désengagement d’une partie de la jeunesse à l’égard de la société. La relation sexuelle est dépouillée de toute référence sociale, aussi bien dans le projet de vie à deux que dans la procréation et l’éducation des enfants.

    Il serait exagéré de parler d’égoïsme ou de seule recherche du plaisir. Plus simplement la rencontre de deux personnes se fait au sein d’une société éclatée qui avance à toute vitesse, dans laquelle le temps n’est plus perçu de la même façon que par le passé dans la vie à deux. L’instant présent prime sur la durée. On se rencontre, on s’aime, on se sépare.

    Dans ce contexte il est étonnant que le PACS ait été demandé pour conférer une reconnaissance sociale à des couples qui jusque-là étaient maintenus en marge de la société.

               

    Un des problèmes du couple contemporain est le problème du corps : aujourd’hui on a du mal  à inscrire son corps dans un corps qui le dépasse, corps social ou Eglise.

    Faire corps. L’expression signifie qu’une pluralité de personnes, différentes par le sexe, la condition, l’ethnie, la religion… se sentent solidaires les unes des autres.

    Faire corps peut aller de soi. Ce peut être un simple constat concernant un groupe de personnes rassemblées pour accomplir une tâche. Elles peuvent se retrouver ensemble par le hasard d’une rencontre ou pour un travail qui nécessite des compétences différentes.

    Faire corps, cela peut être le résultat d’un acte de volonté, le choix d’unir son destin à celui d’autres personnes que ce soit en matière de droits de l’homme, de religion, de combat politique… Ce peut être la prise de conscience des liens qui déjà nous unissent à d’autres et nous incitent à mettre en commun nos forces pour réussir l’œuvre entreprise.

    Faire corps, ce devrait être le but que se proposent deux êtres qui font déjà route ensemble, se rendant compte que leur union dépasse leur face à face et que, au contraire, elle les engage à l’égard d’autres qu’eux, en commençant par leurs familles réciproques, la société civile, mais aussi la société religieuse et tout ce qui contribue à la dignité de l’homme.

    Faire corps, c’est ne pas se contenter de son propre corps et aspirer à ce que son corps personnel fasse corps avec d’autres corps individuels jusqu’à constituer un corps universel.

     

    Peut-être une des tâches fondamentales de nos sociétés contemporaines consiste-t-elle à redonner aux hommes le sens de leur appartenance à un corps qui les dépasse.

    fr. André LENDGER

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