• 18 janvier 1998 - Des chômeurs et des hommes.

    Des chômeurs et des hommes.

    Peut-on être un homme et être, à vie, expulsé de ce qui fait la dignité d’un homme ?

    Sans qu’il y ait malveillance ou laisser-aller de la part de quiconque.

    Par simple obéissance aux lois économiques.

     

    L’explosion à laquelle nous assistons de la part des chômeurs est un utile rappel à une réalité humaine trop facilement camouflée par les nécessités de la productivité.

    Pour que les entreprises puissent vivre et être concurrentielles au plan international, il est nécessaire qu’elle se modernisent et que, par le fait même, elles fassent effectuer les tâches nécessaires par un nombre de travailleurs moins nombreux mais plus qualifiés.

    Il est donc inévitable qu’elles se séparent d’un certain nombre d’employés qui ne peuvent pas remplir les tâches nouvelles auxquelles ils n’ont pas été préparés.

    Ce qui ne porterait pas à conséquence dans une période de plein emploi où la personne licenciée pourrait facilement retrouver un travail, prend une dimension dramatique lorsque, l’ensemble des entreprises suivant le même mouvement, le travail vient à manquer pour tous.

    Comme ces tâches non qualifiées trouvent une main-d’œuvre meilleur marché dans des pays pauvres, les travailleurs des pays développés se retrouvent inévitablement au chômage, en nombre de plus en plus grand.

     

    La nécessité économique ne peut pas être sous-estimée, puisqu’il y va de la richesse de la nation et de son développement pour l’avenir. Une nation qui n’entre pas dans ce cycle de la modernisation est vouée à la paupérisation à brève échéance. Tous en pâtiraient.

    La question est celle du conflit entre l’impératif économique et le devenir des hommes qui sont sacrifiés, au sens fort du terme, pour que vive un système économique.

    Dans certains pays, au nom de l’idéologie politique, religieuse ou ethnique, on massacre sans retenue hommes, femmes, vieillards et enfants, les offrant en sacrifice à Dieu.

    Au nom de l’idéologie économique, le chômeur est sacrifié, mis à mort symboliquement.

    Non seulement parce que relativement nombreux sont les chômeurs qui se suicident ou qui déclarent des maladies graves, mais parce que les chômeurs constituent une catégorie de personnes à qui est refusé un droit fondamental, le droit au travail. Le chômage est une mort professionnelle et le chômeur n’est plus un homme égal aux autres.

    Le chômage, comme la pauvreté ou toute autre forme d’exclusion, est une maladie sociale qu’il faudra bien apprendre à traiter puis à guérir.

    Il est difficile d’imaginer que l’exclusion du monde du travail imposée à tant de personnes au nom de la santé économique soit sans conséquences humaines graves, à commencer par des tensions intérieures, une augmentation de la violence et de la délinquance, de l’alcoolisme, de la drogue, de l’analphabétisme, des économies parallèles, des trafics …

    L’homme non reconnu dans sa valeur et dans sa dignité a de grandes chances de se dégrader et, à grande échelle, il risque de faire sombrer la société.

     

    Les manifestations actuelles nous rappellent que les chômeurs existent autrement qu’en statistiques. Ce sont des hommes et des femmes qui revendiquent leur droit à exister.

    Les chômeurs se tournent vers ceux qui ont en charge le développement de la société . c’est-à-dire les gouvernants et tous ceux qui exercent un pouvoir économique.

    Ils manifestent pour clamer leur désarroi et pour affirmer leur existence. Ils ne se résignent pas, au nom de leur dignité humaine, à leur exclusion et ils demandent à être reconnus et traités comme des hommes. Pas la charité, mais du travail.

    On invoque volontiers la mondialisation de la situation.

    On raisonne comme si nous étions devant une fatalité à laquelle nul ne peut rien.

    L’homme contemporain, avec tous les moyens de prévision qu’il s’est donnés, serait-il encore soumis à une telle fatalité quasi divine, devant laquelle sa volonté serait impuissante ?

    Tout homme exerçant un pouvoir économique se doit de relever ce défi de la fatalité.

    A cause de sa dignité de créature, l’homme doit constituer le premier souci et le premier paramètre de tout décideur économique et politique.

     

    L’homme est considéré comme le joyau de la création.

    Ne le ternissons pas.

    Fr. André LENDGER

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