• 16/03/1997 - Le mal-être, une maladie contemporaine.

    Le mal-être, une maladie contemporaine.

    Depuis une semaine, il s'exprime chaque jour dans les rues de la Réunion.

    Une proposition gouvernementale mal reçue a mis le feu aux poudres d'une jeunesse étudiante en mal d'avenir.

     

    Fallait-il réduire des salaires qui bénéficient actuellement d'avantages certains en faisant porter le poids de la réforme sur les plus jeunes, anéantissant leurs rêves ?

    Etait-il opportun de décevoir les espérances de ceux qui travaillent, par leurs études, à se doter d'un avenir plus conforme à leurs efforts, soudain dévalorisés ?

    La politique de développement culturel - accompagnée d'une amélioration espérée du niveau de vie - se révélerait-elle n'être qu'un leurre pour la promotion sociale ?

    Ces questions sont de celles qui se posent à un certain nombre de manifestants.

    S'y ajoute la fracture sociale, plus visible ici comme en métropole, qui ne se résoudra pas par la baisse de quelques salaires et qui attend d'autres solutions, plus difficiles.

    Comment quelques 100 000 chômeurs, sans compter d'innombrables autres exclus, pourraient-ils ne pas devenir le vivier dangereux des casseurs et des délinquants ?

     

    Le malaise est d'autant plus grand qu'il se développe dans une île étroite, qui a son originalité et sa personnalité propres, à 10 000 kilomètres du centre de décision.

    L'identité réunionnaise a-t-elle été prise en compte ?

    La relation avec la métropole n'est-elle pas ambiguë, faite de dépendance acceptée et de revendications égalitaires ?

    Quelle est la place de la Réunion dans l'ensemble français ?

    Le mouvement actuel est-il seulement la défense de ce que, ailleurs, on qualifierait de "privilège", alors que personne n'élève la voix pour dire aux fonctionnaires : "partagez" ? Cette acceptation ne signifie-t-elle pas que l'affirmation de l'identité réunionnaise est un souci commun plus important que la disparité des salaires et des conditions de vie ?

     

    Cette problématique identitaire n'est pas propre à La Réunion. Nous la retrouvons un peu partout dans le monde.

    Elle conditionne les réflexes de défense et de survie d'un grand nombre de peuples ou d'ethnies à l'égard de la culture dominante, qu'elle soit mondiale ou simplement nationale.

    Ainsi en va-t-il des communautés d'origine étrangère issues de la migration dans les pays occidentaux, qui cherchent à affirmer leur différence sous peine de perdre leur identité.

    Ainsi en va-t-il des différents peuples qui ont été rassemblés dans un Etat unique sous la pression de l'histoire et qui revendiquent le respect de leur culture et de leurs coutumes.

    Le monde est en voie d'unification, mais en même temps il se morcèle.

    L'uniformité est contestée au nom de l'identité de chaque composante d'un ensemble.

    Même si les liens historiques ont abouti à faire de la Réunion un département français sans que ce statut soit remis en question, une quête identitaire existe à la Réunion.

     

    Le mouvement qui anime les fonctionnaires et la jeunesse réunionnaise n'est pas sans ressemblance, comme toute contestation, avec des mouvements métropolitains. Mais il a son originalité et sa spécificité. Il est d'abord réunionnais. La culture et la sensibilité multiraciale de l'île n'y sont pas les mêmes qu'en métropole. L'Université est récente avec toutes les promesses de développement et de promotion qu'elle représente. Quel désappointement si elles devaient être déçues !

    Car le manque de perspectives d'avenir est plus grand ici qu'ailleurs.

    L'angoisse et une peur diffuse pèsent sur les esprits.

    L'affirmation d'une identité réunionnaise n'est sans doute pas étrangère à la vigueur du mouvement et à son jusqu'auboutisme raisonné.

     

    Les débordements auxquels il a pu prêter sont la rançon des difficultés du dialogue.

    Comme la plupart des mouvements spontanés, celui-ci est contestataire moins pour le plaisir que par la volonté de devenir responsable de l'avenir.

    Il exprime un désir de vivre dont on peut espérer qu'il ne sera pas qu'un rêve.

    fr. André LENDGER

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