• 12 décembre 1998 - Mémoire.

    Mémoire.

    Nous célébrons nombre d’anniversaires dans une année : le dixième anniversaire de la mort d’un artiste, le centième anniversaire de la naissance d’un homme politique, le énième anniversaire d’un événement ayant marqué l’histoire mondiale.

    Tout n’est pas d’égale importance.

    Tout manifeste le désir de ne pas oublier.

     

    Il n’est pas bon d’avoir l’esprit tourné en permanence vers le passé si cela ne doit servir qu’à le ruminer et à s’y enliser. La nostalgie peut être une prison et attirer vers la mort.

    La mémoire peut tromper. Les anciennes générations, s’appuyant sur leur mémoire comme sur un miroir déformant, ont toujours eu tendance à penser que leur passé était une référence exemplaire tandis que les nouvelles générations seraient dévoyées. Il en allait déjà ainsi au quatrième millénaire avant J-C ! La vie s’est chargée de leur donner tort.

    La mémoire peut stériliser si elle nous entraîne à considérer comme indépassables un être ou un événement, alors qu’ils ne sont qu’une étape dans l’évolution de la vie.

    La mémoire peut tuer la vie si elle aboutit à maintenir à toute force la personne dans son passé, empêchant l’évolution des sentiments d’amour ou de haine qui nous habitent.

    Ceux qui ne parviennent pas à dépasser le souvenir d’événements extrèmes peuvent mourir de leur mémoire, tels Primo Lévi ou Jean Améry, victimes posthumes de la Shoah.

    Se souvenir, ce n’est pas s’enfermer.

     

    La mémoire peut au contraire avoir un rôle très positif.

    La mémoire entretient en nous des souvenirs dans lesquels se mêlent, la plupart du temps, ce qui nous paraît bon et ce qui nous paraît mauvais.

    Nous ne dirons plus qu’un artiste était indépassable, mais qu’il était inimitable. Nous ne dirons plus que telle situation passée était meilleure ou pire, mais qu’elle était différente.

    Nous dirons que les événements historiques passés, tragiques ou glorieux, porteurs de honte ou dignes d’éloges, font partie d’un héritage communautaire qu’il nous faut assumer.

    Même si aucune situation humaine ne se renouvelle de la même façon, la mémoire du passé permet d’anticiper les dérives possibles du présent et de les éviter, que ce soit dans le domaine personnel ou dans le domaine national ou international.

    Mais elle ne peut que tenir compte des lenteurs de l’évolution des structures sociales et des psychologies humaines qui jouent souvent comme des freins...

    ...et à condition que les hommes ne soient pas mus par des passions aveugles.

    La mémoire est une lumièreun livre ouvert qui permet de comprendre le présent et de construire l’avenir en s’appuyant sur les expériences passées dûment critiquées.

     

    La mémoire nous plonge dans le passé et nous propulse vers l’avenir.

    Elle nous rassure, parce qu’il nous et impossible d’avancer sans un minimum d’enracinement que seul peut procurer le passé. Les êtres sans passé, sans racines, ont beaucoup de mal à se situer dans l’existence, de même que les peuples sans histoire lointaine.

    La mémoire joue un rôle indispensable dans la construction de l’avenir. Elle en est la source. C’est sur elle qu’on peut s’appuyer pour avancer.

    Notre mémoire peut être encombrée de souvenirs dont nous avons honte. La meilleure façon de sortir de la honte ne consiste pas à nier l’événement, à nous désespérer ou à nous flageller intérieurement. Au contraire, notre mémoire douloureuse nous rend lucides sur notre fragilité et nous invite à réagir pour que la vie et la joie soient en nous et autour de nous.

    Il en va de même pour les peuples et pour toutes les communautés humaines, y compris les communautés religieuses. La mémoire des erreurs, des crimes aussi bien que des souffrances subies ou infligées, selon que nous nous situons parmi les coupables ou les victimes,  ne doit pas être ressassée pour nous en sentir écrasés jusqu’à la fin des temps, mais pour construire ensemble un avenir qui tienne compte de la mémoire des injustices passées.

    La mémoire est une invitation à construire l’avenir sans  faire table rase du passé, mais en nous en servant comme d’un levier pour aller plus loin, seul ou ensemble.

     

    Faisons de la mémoire la pierre d’angle, fondatrice de l’avenir.

    N’oublions pas !

    Fr. André LENDGER

    « 6 décembre 1998 - 10 décembre 1948 - Déclaration Universelle des Droits de l’Homme20 décembre 1998 - Génocide. Atteinte aux droits de l’homme. Crimes contre l’humanité. »

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