• 03/03/1996 - Ritonavir. Ce nouveau médicament.

     

    Ritonavir.

     

    Ce nouveau médicament, donné en association avec deux autres molécules antivirales, mis au point aux Etats-Unis, renouvelle les espoirs de nombreux malades du sida.

     

    L'introduction prochaine de ce nouveau médicament a déjà donné lieu à des actions de choc de la part d'Act'Up et à une grave polémique.

     

    Tout ce qui touche à cette maladie exceptionnelle suscite des passions !

     

     

     

    La controverse est née autour de la notion de "tirage au sort" des malades qui seront les premiers bénéficiaires de ce nouveau traitement.

     

    Le Conseil National du Sida a accepté, en dernier recours, le principe du tirage au sort des malades. Les associations qui s'occupent des malades du sida ont protesté et le Premier Ministre lui-même s'est prononcé sur la question.

     

    Ce qui est en jeu est une question d'éthique et de justice accès aux soins est un droit imprescriptible pour tout malade.

     

    Le principe du "tirage au sort" livre le malade aux caprices du hasard, ce qui est inadmissible pour toute maladie, et donc pour le sida, maladie symbolique s'il en est.

     

    Est-il imaginable que les responsables du Conseil National du Sida, qui s'occupent en permanence des malades, aient démissionné de leurs responsabilités au point de ne pas tenir compte de l'intérêt de ces derniers ?

     

     

     

    Plusieurs questions se posent qui doivent être dissociées.

     

    Le remède en question sort tout juste de sa phase expérimentale et n'est pas encore produit industriellement à grande échelle. Dans l'immédiat il ne peut pas être livré en quantité suffisante pour soigner l'ensemble des malades qui devraient en bénéficier.

     

    Ce problème technique est propre à tous les démarrages industriels.

     

    Il devrait être réglé le plus tôt possible. C'est une obligation morale.

     

    Si des considérations financières devaient être à l'origine d'un retard ou d'une production insuffisante, ce serait une grave atteinte à la morale.

     

     

     

    Reste que le ritonavir ne pourra pas être produit en quantité suffisante pour satisfaire à nos besoins avant deux ou trois mois. Jusque là un nombre limité de ces produits sera vendu aux pays européens. Le Conseil National du Sida s'est donc trouvé dans l'obligation de dégager des critères pour gérer une pénurie momentanée de produits.

     

    Réduire les décisions du Conseil National du Sida à un simple tirage au sort relève de l'exagération simplificatrice. Des critères objectifs ont été définis. Ils concernent le degré d'évolution de la maladie (nombre de T4, résistance aux thérapies...), les cas les plus graves étant prioritaires. Les décisions ne relèveront pas du seul avis d'un médecin, mais d'une commission. Ce n'est que dans l'hypothèse théorique extrême où deux malades se trouveraient dans un même cas de figure, que serait envisagé un tirage au sort.

     

    Il apparaît que toutes les garanties ont été prises pour éviter de s'en remettre à l'unique subjectivité ou à l'inclination affective d'un médecin, ou à l'arbitraire généralisé.

     

    Tout cela est-il vraiment immoral ?

     

    Ajoutons que le manque de recul ne permet pas de connaître tous les effets de ce remède qui, pour prometteur qu'il soit, ne semble être encore LE REMEDE.

     

     

     

    On ne peut que respecter l'émotion des malades dont le prolongement de la vie à court terme peut dépendre de ce remède. Ils sont en permanence affrontés à la mort et se battent pour continuer de vivre sous peine de tomber dans un fatalisme démobilisateur.

     

    Etre terrassé par la mort, parce que le "sort" n'est pas tombé sur vous alors que le salut semblait en vue, est intolérable !

     

     

     

    Mais cette occasion, les associations européennes et américaines s'occupant du sida n'ont-elles pas péché par égoïsme ? Ignoreraient-elles que l'épidémie est infiniment plus répandue en Afrique qu'en Europe, et qu'elle y revêt un caractère plus dramatique ?

     

    L'immoralité la plus criarde ne réside-t-elle pas dans l'inégalité fondamentale devant la maladie entre pays riches pays pauvres, entre le Nord et le Sud ?

     

    Un européen vaut-il plus qu'un zaïrois ou un burundais ?

     

    Mais quel pays africain pourrait se payer de telles médecines ?

     

    Cette polémique, engagée au nom de la morale, ignore ou accepte l'immoralité plus radicale, plus insidieuse et inquiétante que celle qui est dénoncée, une immoralité aux relents de racisme et de nationalisme : les remèdes, pour nous, les pays riches !

     

     

     

    On croit entendre en sourdine : "Mes malades valent plus que ceux du voisin"

    fr. André LENDGER

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